Chapitre 40

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Oh oui, je sais qui tu es.

Sachka mets ses mains derrière son dos.

- Il y a trois raisons principales à la torture, Dior, commence-t-il sans préambule. La science...

Il se met à marcher autour de moi, m'évaluant avec une avidité troublante.

- L'information et ... Le plaisir, ajoute-t-il avec un sombre enthousiasme dans la voix.

Il s'arrête et me fixe longuement. Une lueur malsaine danse dans ses iris. Puis il fronce le nez, visiblement insatisfait de ce qu'il voit, glisse une main dans la poche de son costume gris et recommence à arpenter la zone.

- Ton employeur est une personne dont la gentillesse est très discutable. Envoyer ainsi une femme seule à l'assaut est, je trouve, très incorrect.

Sa condescendance et son machisme me font sourire. Mais trop absorbé par ses réflexions, Sachka ne le remarque pas.

- Il a soit une confiance innommable en toi, ou... souhaite te voir partir pour des cieux meilleurs, renchérit-il en pointant un frottant rêveusement sa barbe de trois jours.

Agacée à la fois par la coupe de son costume, ses expressions poussiéreuses et sa veine tentative de manipulation, je pince des lèvres.

Il parcourt des yeux mon corps tatoué.

- Tu vois ce qu'il t'a fait ? Dit-il d'un air maussade en désignant les motifs qui me sillonnent.

Je serre les dents, essaie d'étouffer la colère qui monte en moi et hausse un sourcil insolent avant de répondre.

- Eh bien... Il ne m'a jamais attaché à une chaise pour commencer.

Sachka rit doucement et s'agenouille devant moi.

- Toi et moi sommes très similaires.

Mais quel disquetteur celui-là alors!

Son souffle mentholé dégouline sur ma peau, humide et glissant comme un serpent. Soudainement, ma respiration se bloque dans mes poumons. L'avoir si près de moi me déstabilise, me donne la nausée. J'ai la chair de poule. Ses yeux translucides tiennent les miens emprisonnés.

- Effrontés, avides de sensations, il marque une brève pause, courageux avec une petite part d'inconscience... Mais au fond, isolés.

Et puis quoi encore?

Il change alors d'axe, probablement à cause de mon air sarcastique.

- Je veux t'offrir un partenariat.

Un frisson de mépris me secoue. Moi, m'associer avec lui ?

- L'offre est négociable. Pas d'horaires ou de contraintes. Ce que tu veux, si tu veux, ou tu veux, quand tu veux.

C'est utopique. Pourquoi diable m'associerais-je avec lui ?
Je sais bien que ma profession n'est des plus vénérables, cependant ce qu'il prône est contraire à mon idéologie. La drogue, le profit, la violence...
Cependant, c'est désormais mon monde aussi, n'est-ce pas ? La seule chose qui sépare nos "activités" mutuelles est un fin voile qui délimite le bien et le mal.
Mon esprit embrumé commence à divaguer, peut-être les convictions de Sachka ne sont elles pas diamétralement opposées aux miennes. Après tout, il s'agit d'un humain comme un autre. Un peu fou. Mais humain.

Le doute s'insinue en moi. Et si ça n'était pas si différent ? Si les conditions étaient meilleures ? Je ne sais pas. L'appât du gain me fait soudainement hésiter.
Ai-je vraiment envie de travailler pour quelqu'un comme lui ? Peut-être. Mais quels sont les sous-entendus de ce contrat, les véritables termes? Que pourrait-il demander de plus ?

Assis sur ses talons devant moi, Sachka incarne Janus, il symbolise mes choix, leurs débuts et leurs fins. Son être au complet est aussi glacial et givrant que le mois ou on lui porte hommage. Ses paroles sont séduisantes, ses promesses m'enivrent, ralentissent mon pouls, resserrent l'étreinte glacée qu'il a sur moi. Il me propose ce qui est probablement la meilleure offre de ma vie. Et il a l'air de simplement me demander de me laisser faire.

Le diable ne nous demande rarement plus que de le laisser faire.

Le proverbe résonne dans ma tête, flou. Il danse devant mes yeux, me donne le vertige.

Je reçois un violent choc qui se répend dans ma poitrine.

Satan lui même se camoufle en ange de lumière.

J'inspire faiblement en réalisant que je m'égare. Sachka est l'incarnation même de Lucifer. La froideur polaire qui émane de lui brûle autant que le feu.

Et tout devient clair, se fixe. Au loin, je peux voir Tyna et Lee qui danse dans leur salon, Abby qui rougit à l'approche de Robin, Thibaud dans l'encadrement de ma porte. Ils sont aussi illusoires qui réels, flottant sur une sorte de nuage, les uns derrières les autres dans un endroit ou le temps n'existe plus.

L'évidence me frappe.

Fais du bien au diable, il te remerciera par l'enfer.

Et si il ne disait ça dans la seule intention d'obtenir des informations de ma part ? Qu'est ce qui m'assure qu'il ne me tuera pas après ? Qu'il ne tuera pas Tyna, Lee, Abby, Robin ou encore Thibaud ?

Je ferme fort mes paupières et me maudis d'avoir laissé mon jugement s'obscurcir.

Ma bouche s'entrouvre mais aucun son ne s'échappe. Je regarde dans le vide un instant. Coincée dans une sorte de dimension dans laquelle je réalise que je détient la plupart des choses que je désire, et que j'ai l'audace d'en vouloir davantage. Alors, l'air s'engouffre dans mes poumons et le monde recommence à tourner.

- Je ne suis pas intéressée.

Je le dévisage et son expression change. Il a compris.

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Fin du chapitre !

Sinon, qu'en avez vous pensé ? Mon écriture s'est rouillée ou c'est encore supportable ? ;)

Kisses <3

Radicalement VôtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant