45: Libre

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Léanne

Je respire difficilement. Le cardio, ça n'a jamais été mon affaire. Le mur me donnait une pause, mais pas pour longtemps. Les regards braqués sur moi, attendant ma réaction.

- Quoi? je dis, surprise.

- Je ne sais pas moi, dit Audrée, sarcastiquement, peut-être un coup dans le mur pour qu'on sorte.

- Je ne pense pas que ce soit assez fort, non, il faudrait... un canon, je dis, les derniers mots en murmure. Justin, t'as de la place pour quelqu'un d'autres?

- Peut-être, pourquoi?

- Je peux à peine tenir debout sans trembler de tout partout, alors, si on pense à ce que quelques petites épées peuvent me faire, imagine un canon.

Pas besoin d'approbation de leur part, un canon apparaît, un vieux, comme dans les films de pirate, long, cylindrique avec une petite mèche sur le bout. On recule doucement. J'ai les jambes tremblantes, front en sueur et poumons en feu.

- Leia, la mèche.

Une petite flamme apparaît sur le fil, crépitant en descendant. Que quelques secondes avant que je puisse arrêter. Le la mèche rapetisse encore et encore et en...

BAM!!!!!!!!!

Un trou dans le mur, les débris s'écroulent en même temps que moi. Tête première dans la neige, un plongeon froid qui arrête la douleur de mes poumons, mais pas encore celle de mes muscles endoloris ou des plaies pansés qui recommence à saigner. Je sombre dans le noir.

Je ne sais pas combien de temps je n'ai pas été consciente. Je me suis fait réveiller par un grognement. Je me suis levée du lit en sursaut. Attends, un lit? Autour de moi, le décor hivernal avait changé pour laisser place à une cabine sombre, la seule source de lumière, un petit abat-jour, braqué sur Leia assis sur un lit qui mordait un torchon. Sa main était enflammée et passait sur les coupures de sa jambe pendant qu'elle serrait des dents et criait en vain, les lamentations couvertes par la guenille. Je tourne la tête pour voir une paire d'yeux oranges qui regarde droit devant. Un petit saut et je me rappelle que ce n'est que Justin, enveloppé dans des couvertes, assis sur une chaise. De même pour Audrée, de l'autre côté de la chambre, près d'une fenêtre aux rideaux fermés.

- Je peux savoir ce qui se passe?

- Version courte ou longue? demande Justin.

- Celle que je comprendrais le plus.

- T'as fait un trou dans le mur, tu t'es évanouie, j'ai couru avec vous trois, les deux, trois Recruteurs qui nous suivaient se sont arrêtés quand on est arrivés près d'un village et on a loué une chambre. Fin.

- Et elle se..., je demande en pointant Leia.

- Cautérise, me répond-t-il. La meilleure façon qu'elle a trouvé pour arrêter de perdre du sang.

- Et je pense que j'aurais dû choisir des points de sutures, dit-elle en arrachant le torchon de sa bouche.

Je fais encore le tour de la chambre du regard.

- Et le propriétaire n'a pas trouvé ça bizarre de voir un géant accompagné de deux filles blessés et une inconsciente? Parce que je ne crois qu'on voit ça tous les jours.

- Non, vraiment, le futur a changé depuis que tu es à la pyramide et c'est normal de voir ça, dit-il sarcastiquement. Non, Audrée a utilisé la... persuasion, si on veut.

- Nouveau pouvoir? Je demande à l'intéressée.

- Non, amélioration du premier. Ça a l'air que je ne suis pas juste télépathe, mais je contrôle tout le cerveau.

- Ouais, je dis avec le meilleur enthousiasme possible d'une moitié éveillé. Encore une question.

- T'avais juste à être consciente, dit Leia, exaspérée.

- Pis t'avais juste à rester poignée derrière le mur.

Un combat de regard pendant quelques secondes et je pose ma question.

- On est où?

- Moss, en Norvège. En tout cas c'est ce que la pancarte dit.

- Pourquoi le gouvernement américain placerait sa base d'Anormal en Europe?

- Pourquoi le gouvernement canadien la placerait en Égypte? répliqua Audrée.

- Touché.

J'ai un petit sourire en coin. Il y a un silence et Leia place ses mains sur le lit pour s'y pousser.

- J'ai faim, je pars. Je prends un peu d'argent, dit-elle sèchement.

‑ On a de l'argent?

- « Emprunté » de la pyramide, dans le bureau de la directrice, répondit Audrée.

Et Leia, qui se lève pour se diriger pour le sac, se met droite et se genoux fléchissent et tombe immédiatement, visage sur le sol. Elle ne s'attendait pas à la faiblesse dans sa jambe. Un rire léger parcoure la chambre. Je descends du lit et lui donne un coup de main pour se lever.

- Je crois que tu vas rester ici, princesse. Je me maquille et je vais partir à ta place.

- Maquiller, vraiment? me demande Justin, les sourcils rehaussés.

Je pointe les points de nacre qui parsèment mon visage et par dans la minuscule salle de bain avec mon sac dans la main. Je mets du fond de teint sur mes grains de beauté et taches de rousseur, ainsi que sur les bleus et blessures que je ne peux pas cacher avec ma veste bleue, trouée dans la manche droite, et le pantalon jogging que j'ai dans mon sac. Je lave le sang séché de mes mains qui n'est pas parti avec la neige et sort de la chambre pour ensuite sortir du motel. Le froid, moins grand que celui ressenti à la forteresse, est quand même frappant quand on a qu'une veste pour se couvrir. Mes cheveux détachés me fouettent le visage et des mèches me cachent la vue. Je marche toute seule dans la rue, sautant à chaque fois que des pas se font entendre derrière moi, de peur que je voie un losange rouge sur leurs manteaux. Dès que je voie quelque chose qui ressemble à un restaurant, j'ouvre la porte et la referme rapidement dans mon dos au son de la clochette à l'entrée. Les regards se tournent vers moi et je me force de sourire et de faire comme si de rien n'était. Je m'approche du comptoir pour faire face à une femme dans la trentaine aux yeux bleus et tresses blondes de chaque côté. Je regarde le tableau au-dessus de sa tête, le menu, pour ensuite me frapper le front dans ma tête, ce qui est vraiment arrivé et ce que la dame a dû trouver bizarre quand une de ses clientes (moi) a reculé et a magiquement eu une marque de main rouge. Le menu est en... norvégien, évidement.

Je prends une grande inspiration. Ça va être long.      

la salle n.12Où les histoires vivent. Découvrez maintenant