46: Tranquillité... pas un mot qu'on connait.

15 2 0
                                    

Léanne

Je reviens quinze minutes plus tard, mains vides.

- Hey, je dis en rentrant dans la chambre.

- Bouffe, dit Leia en levant les bras.

- Non, pas du tout. Toi, dis-je en pointant Audrée, j'ai besoin que tu viennes avec moi et que tu utilises ta « persuasion » pour convaincre la dame au comptoir de prendre de l'argent canadien.

- C'est pas très honnête.

- Déjà plus honnête que mon plan A.

- Qui est???

- Demander à Justin de voler de l'argent des caisses.

- Et je vote pour le plan B, dit Justin, écroulé sur la chaise, mort de fatigue.

- Est-ce qu'il y a un plan C? me demande Audrée avec une pointe d'espoir dans la voix.

- Oui, c'est d'aller à une banque pour changer la monnaie, mais, d'après des touristes, c'est à 50 minutes d'ici, en voiture, et Leia veut me tuer parce que je lui en n'ai pas rapportez en quinze minutes. Il y a peut-être des plus petites banques autour, mais c'est grand pis on n'a pas le temps.

Elle se pince le haut du nez et soupire.

- T'as gagné, dit-elle avec exaspération. Aide-moi à me lever, tu vas être ma béquille.

Elle se pousse de sa chaise et s'approche en boitant, prenant sa veste au passage. Dehors, le soleil baissait peu, deux, trois chats errants miaulent à fendre l'âme. Audrée s'appuie sur moi, ce qui réchauffe mon côté droit. À moins que ça soit ma coupure qui brûle encore.

- Hey! dit Audrée

- Quoi?

- C'est tellement calme, on dirait que je ne suis plus habituée. Je me suis habituée à courir ou à se battre.

- T'as même pas réussi à frapper quelqu'un tellement t'avais peur!

- J'ai réussi à effacé la mémoire d'un gars.

- Et en échange t'as reçu quoi, un œil au beurre noir, une cheville foulée...

- Cassée, me rectifie-t-elle.

- Cassée en plus. Puis il y a aussi quelques bleus.

- Toi aussi tu en as. On en a tous.

- Oui, mais j'ai quand même donné plus que j'en ai reçu.

Elle me tire la langue quand on entre dans le resto.

On a abandonné l'idée d'aller au resto, ne sachant pas commander, et le monde commençait à me regarder croche. Faut dire que je suis partie en courant pour aller voir Audrée et maintenant, je reviens avec une fille aux cheveux argenté qui peut à peine tenir debout. J'ai l'air totalement normal. Alors on est allées un peu plus loin, où il y avait un « narvesen », une sorte de dépanneur/épicerie où est ce qu'on a pris ce qu'ils appellent des pølser, une sorte de saucisse, qui est accompagné d'un pain, la lompe, je crois, et qu'on place comme un hot-dog. Il y a aussi une pizza, la grandiosa, qu'on a pris parce que ça ressemblait le plus à ce qu'on mangerait habituellement. Parce que, vraiment, l'aspect de certains produits semblait correct, mais les noms sortait d'un grimoire. Les Recruteurs ne pouvaient pas choisir un pays francophone, ou même anglophone ça aurait été parfait.

On arrive dans la chambre, mains pleines cette fois, et une Leia plus enjouée quand on lui place un sac en plastique devant elle. On mange en silence. Comme Audrée l'a dit, journée plate, sans action, mais tellement plus relaxante.

Jusqu'à temps que cette fille arrive. Je marchais cette fois pour chercher une banque, même si je serais volontiers restée dans la chambre à cette température. Les bras croisés, essayant de me réchauffer, je regarde chaque édifice dans l'espoir de voir quelque chose qui ressemble à une banque, parce que les noms ne m'aident pas du tout. Une fille aux longs cheveux platine marche à près d'un mètre à côté de moi et s'approche doucement vers moi. Je marche plus rapidement et elle fait de même, se rapprochant jusqu'à prendre mon bras, direct sur la coupure. Je resserre mes muscles, surprise par la douleur et par sa force. Je matérialise un canif de chasse dans ma main gauche et le plaque sur sa main au même moment où elle dit :

- Suis-moi.

Elle avait un accent européen quand elle parlait.

- Aucune chance. Enlève ta main, lui dis-je en pointant le canif vers elle.

- Je veux juste t'aider.

- Mais là, tu ne m'aides vraiment pas, t'es en plein sur une blessure récente.

Elle me lâche ma coupure mais prend quand même mon poignet.

- Tu viens de la forteresse à Jeløy? Tu t'es échappée? À moins que tu ne te rappelles de rien.

- Oui, je me suis échappée, et je me rappelle de tout, comme se servir d'un canif, alors lâche moi immédiatement.

J'approche la pointe de lame près de sa gorge et la regarde droit dans les yeux. Immédiatement, je fais disparaître le canif et elle lâche ma main.

- Arrête de fixer, me dit-elle. C'est mon anomalie, c'est tout.

On penserait que je deviendrais habitué aux anomalies, mais sérieusement, tout le monde la fixerait. Elle avait les yeux pers, mais pas comme Leia avait en ce moment. L'un deux était d'un blanc laiteux, sans iris, juste la pupille noire au centre, et l'autre, noir complet sauf la pupille blanche. Sorti droit d'un film d'horreur.

- Est-ce que tu peux voir ou?

- Oui, je peux voir, dit-elle d'un ton exaspéré.

- C'est vraiment...

- Et tu me fais regretter de vouloir t'aider.

- M'aider à faire quoi? J'ai rien demandé.

- De sortir de ce trou perdu, évidement. Au fait, je m'appelle Clara. Suis le son de ma voix, je ne veux juste pas que personne sache où j'habite. On ne sait jamais s'ils nous suivent.

Elle disparut subitement, me laissant seule au milieu de trottoir.

- Clara? je dis en murmurant.

Une main invisible me prend le poignet et me tire vers elle.

- Suis-moi et ferme-là. C'est considéré bizarre de parler dans le vide.


la salle n.12Où les histoires vivent. Découvrez maintenant