1.L'écho du souvenir ♦

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"Il suffit que m'effleure un reflet de ce souvenir enfoui pour que l'ensemble se reconstruise et reprenne vie." - Le pianiste sans visage-

" - Le pianiste sans visage-

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Dix ans plus tard :

J'arrive devant cette veille maison imposante,un peu du style colonial, avec ses deux fenêtres sur la façade qui semblent me regarder... Je réprime un frisson et tente de me rassurer « Rappelle-toi, il ne faut pas se fier aux apparences».

Face à la bâtisse, mes épaules s'affaissent et je soupire. Cette maison est le dernier lien avec ma mère, mon seul et unique héritage malheureusement...
Le vieux portail rouillé grince lorsque je l'ouvre. La cour est envahie par de grandes herbes et le parterre de fleurs semble aussi défraîchi que le reste. Je monte rapidement les quelques marches en béton et me retrouve devant une grande porte. Celle-ci est en bois habillée un anneau en métal noirci par le temps.

La clé doit être dans mon sac, je lâche la poignée de ma valise et farfouille dans mon sac à main. Tout serait si simple s'il n'était pas rempli de tout et n'importe quoi... Un soupir de soulagement m'échappe quand je sens le métal froid contre mes doigts et que le tintement reconnaissable des clés se fait entendre.

Après avoir forcé quelques secondes sur la porte,cette dernière s'ouvre enfin en couinant fortement. Personne n'a dû l'utiliser depuis un moment. Une odeur de renfermé et d'humidité attaque mes narines. Ma respiration se fait par la bouche par automatisme.

J'essaie de canaliser toute ma bonne volonté et rentre dans la maison. Les lieux sont plongés dans l'obscurité et il faut quelques minutes à mes yeux pour s'y habituer.
Ma valise posée à côté de la porte, je tente de trouver l'interrupteur. Grâce à la lumière extérieure qui filtre par la porte, j'aperçois enfin un bouton. Tandis que le parquet craque sous mes pieds, je m'apprête à actionner ce dernier.

D'un coup, la porte se referme d'elle-même dans un grand fracas.
Je sursaute et mon cœur fait des bonds dans ma poitrine. «Tout va bien, c'est une veille baraque pleine de courant d'air».

J'actionne l'interrupteur, en vain.
Évidemment, l'électricité a dû être coupée, quelle idiote !
La lampe de mon portable allumée, j'ouvre les deux fenêtres de l'entrée avant d'aller m'aventurer à la recherche du compteur électrique.
La lumière dévoile petit à petit les lieux, je me trouve dans un grand vestibule. Je reconnais le vieil escalier qui dessert les chambres, et distingue une série de tableaux qui accompagne la montée à l'étage.
En les observants en détails, je vois que ce sont des portraits, des portraits de femme. Elles sont toutes aussi rousses les unes que les autres, et portent au cou le même pendentif.
Je me note mentalement que ma famille est étrange...

En secouant la tête, j'essaie de me remémorer mes souvenirs d'enfance passés ici. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cet endroit.
Du temps où vivait ma mère, nous avons dû y passer quelques étés pas plus.
Soudain, une soirée me revient en mémoire.

L'orage grondait tout autour de nous, je ne devais pas avoir plus de 8 ans. Quand la lumière s'était éteinte, je m'étais réfugiée tout près de ma mère. Et oui, j'étais froussarde et je le suis toujours malheureusement.
Ma mère avait tant bien que mal essayait de me rassurer, mais elle fut contrainte d'aller à la cave avec une gamine cramponnée à sa jambe.

Bingo ! Le disjoncteur doit être à la cave alors !
Ma joie retombe immédiatement. La cave ? Vraiment...
Il faut que je descende dans cet endroit qui se trouve être une scène favorite pour les films d'horreur. Brrr...
Toujours armée de mon téléphone, je descends lentement vers le sous-sol où l'humidité se ressent encore plus. Mon cœur me fait mal tellement il est comprimé...

De puissantes émotions m'assaillent lorsque je repense à ma mère ou que je revis des souvenirs passés avec elle. J'essaie de chasser ces pensées qui afflue afin de me concentrer sur mon objectif : le courant !
J'arrive devant ce grand panneau électrique, un peu stressé de devoir toucher à ces boutons et de faire une bêtise.
Un gros interrupteur se différencie des autres par sa taille,alors je tente ma chance lentement. Je retiens mon souffle, mais une fois actionné, j'entends un « clic » et je suis soulagée.
La lumière de l'étage éclaire le sombre escalier de pierre. Fière de ma prouesse, je gravis rapidement les marches deux par deux.

Je continue dans ma lancée et ouvre les fenêtres unes par unes. Au fur et à mesure de mon avancée, je découvre les différentes pièces de mon habitation.
Quelques meubles ont gardé leur place d'origine et évidemment après avoir éternué plusieurs fois, je me rends compte qu'ils sont couverts d'une épaisse couche de poussière.
Je soupire encore devant la charge de travail qui m'attend... La maison est vraiment grande peut être même trop grande pour moi...
Peut-être faudrait-il que je trouve un colocataire? Ça serait plus sûr ?

Une fois que toutes les pièces baignent dans une douce lumière et que j'ai vidé ma voiture de son encombrement, la faim me tiraille l'estomac. Le camion contenant le plus gros de mes affaires arrive en milieu d'après-midi ce qui me laisse du temps pour aller faire quelques courses alimentaires. Mon sac à main sur mon épaule, je décide d'aller au centre-ville.
Avec le soleil qui réchauffe mon visage, il est plus sage d'y aller à pied.

J'arrive rapidement au centre, une gentille balade dans un quartier résidentiel.
Je suis ravie d'être aussi proche, ça sera beaucoup plus pratique quand j'aurai trouvé un boulot. Il faut bien se l'avouer ce n'est pas une grande ville, mais je vis au bord de la mer, ce qui est fortement appréciable pour un lézard comme moi. Je songe aux après-midis que je vais pouvoir passer à parfaire mon bronzage. Enfin si le temps le permet...

Le village semble s'être développé autour de la forêt, une large place avec à son centre une fontaine d'où jaillissent quelques jets d'eau timides.
Les commerces encerclent cette place, la mairie, la pharmacie et un bar. Seules quelques maisons bourgeoises tranchent avec les devantures commerciales.
Un peu à l'écart se trouve l'école qui a le mérite d'exister dans un petit village. A présent, je me trouve face à la supérette du village, sûrement la seule même...
Peut-être que les commerces sont plus présents près de la côte ? Je l'espère en tout cas.

Un tintement résonne dans la supérette quand j'ouvre la porte vitrée, les regards des gens présents semblent me transpercer... «Tout va bien ».

Je tente un faible sourire et pars me cacher dans le premier rayon que je trouve à la recherche des produits sur ma liste de course. Tous mes articles posés sur le minuscule tapis roulant, j'attends que ce soit mon tour à la caisse.
Mes yeux croisent ceux de la caissière qui me toise froidement avant d'esquisser un sourire.
Instantanément,son visage se fait moins dur, elle est d'un âge mûr.

Ses cheveux grisonnants sont noués d'une drôle de façon et ses grosses lunettes rétro lui cachent le haut du visage. Elle me salue d'une douce voix en passant mes produits devant sa caisse. Alors que mes achats sont rangés dans des sacs en papier, elle me regarde plus attentivement ne faisant qu'augmenter mon mal-être.

- Tu dois être une Stirling non ? Elle me demande de but en blanc.

Un peu surprise par sa question, je ne réponds pas et fait de grands yeux.

- J'ai bien connu ta famille.
- Oui, je suis une Stirling mais co...
- Ah ! J'aurai donné ma main à couper. Tes cheveux et tes yeux t'ont trahie ma jolie, dit-elle en me coupant la parole.

Je me sens gênée, terriblement mal à l'aise d'être reconnue sans avoir mis les pieds dans ce magasin.

- N'hésite pas à venir me voir à l'occasion, je te raconterai les bêtises que ta mère pouvait faire petite...
- Oui oui parfait, je lui réponds par politesse.

Alors que je saisis mes sacs, elle me tend une carte.

- Mon numéro, je t'attends jeudi pour boire le thé, je vis au-dessus d'ici. 16 heure ça te va ?
- Ok,» je bafouille me sentant un peu pris au piège.

Je peste intérieurement d'être aussi polie! Que vais-je bien pouvoir raconter à cette vieille dame curieuse dont je ne connais même pas le nom. Avec rage, je mets sa carte dans mon jean et me rappelle que demain, il faudra annuler ce rendez-vous.

Le reste de la journée se déroule très rapidement, les déménageurs arrivent tout juste après que j'ai eu fini de manger. Les meubles sont dans les bonnes pièces,tout rentre petit à petit dans l'ordre. Le jour commence à diminuer alors que je décide d'arrêter le rangement et de m'accorder une pause bien méritée.

Je m'installe sur le perron dans le jardin afin de profiter des derniers rayons de soleil.
Avec un café et une cigarette, je sais, c'est mal... mais personne n'est parfait. Pour la première de la journée, je jette un œil à mon téléphone, j'ai un message de notifié.

« J'espère que tout va bien pour toi poulette ! Ça me manque déjà de ne plus t'avoir dans mes pattes, garde moi la plus grande chambre dans ta maison de riche ! Kiss my lover ».

Je souris à ce message de mon amie Blair ça remet un peu de chaleur dans ma vie solitaire.

Pendant de nombreuses années, elle a été ma seule grande amie, ma confidente, ma seule famille.
Nous nous sommes rencontrés au collège enfin au pensionnat. Ma mère venait de me quitter et j'ai été placé dans cette école.
Blair était ma colocataire de chambre et ça n'a pas étais le coup de foudre directement. Mais au fil du temps, nous avons réussi à nous apprivoiser et on ne s'est plus lâché.
De total opposé autant physiquement que mentalement.

Blair a des yeux noirs immenses constamment entourés de Khôl.
On pouvait déjà à l'époque remarquer à travers ses sombres iris sa confiance, son dynamisme et sa volonté de réussir. Elle arborait une coupe au carré qui donnait cet air mature que je lui enviais.
Son teint halé lui prêtait des origines exotiques et qui tranchait nettement avec mon teint pâle.
Des rumeurs disaient qu'elle passait ses vacances dans des îles paradisiaques loin de l'Angleterre, mais j'appris par la suite que son père était originaire d'Inde.

Au début de notre cohabitation, elle était bien trop dynamique et pleine de vie pour moi l'adolescente qui venait de perdre sa mère et qui broyait sans cesse du noir.
Plusieurs fois, elle m'avait bousculé afin de me faire réagir et c'était devenu un calvaire.
Je me sentais persécutée alors qu'avec le recul, elle essayait juste de me sortir de ma bulle.
À vrai dire, ma première année d'internat a été une horreur. Ma mère était morte et j'avais atterri dans cette école privée dans laquelle tous les élèves avaient de riches parents présents.

Quand tous passaient leurs fêtes de Noël en famille, je restais seule à rester dans l'établissement avec un surveillant.
Certaines fois Blair restait sûrement par pitié au début.
Grâce à son caractère et sa joie de vivre, elle m'a sorti peu à peu de ma souffrance et ma solitude.
Nous sommes devenus ce qu'à présent, nous restons, deux femmes totalement différentes mais unies par un lien extrêmement fort.

Alors que je réponds à son message, des bruits assez étranges attisent ma curiosité.
Toute mon attention est alors reportée vers les sons que je tente d'identifier.
Cela ressemble à un bruit d'animal, un grognement ou un frottement, je ne sais pas...
Subitement, un vent glacial me provoque une vague de frisson sur tout le corps.

Je rentre précipitamment et referme rapidement la porte-fenêtre derrière moi.
A l'abri, je cherche du regard ce qui a pu provoquer ces sons, mais cela persiste comme si le bruit m'avait suivi à l'intérieur...

Légèrement paniquée, je décide d'aller allumer la télévision, le son augmenté presque au maximum.
Je suis soulagée de ne plus rien entendre.
J'établis mon lit provisoire sur le canapé, une grosse couette balancée à la va-vite et un coussin fera très bien l'affaire. Mon corps bien au chaud sous l'épaisse couverture et les yeux rivés sur une vieille rediffusion, je tente difficilement de rester consciente.
Mais mes yeux se ferment progressivement et sans en avoir conscience, je plonge dans les bras de Morphée.

L'ordre des éléments. Tome 1 ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant