Chapitre 02 : « Camouflage »

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« L'anxiété sociale te fera faire des choses étranges, comme tenir un cœur de pomme dans ta main pendant 45 minutes durant une rencontre/meeting, parce que tu as trop peur d'aller le jeter dans la poubelle à seulement dix pas de toi. Tu attendras donc que quelqu'un d'autre aille jeter quelque chose pour savoir que c'est correct de le faire, et non interdit. Mais tu resteras tout de même assis quelques minutes avant de le faire pour ne pas donner l'impression que tu attendais que quelqu'un face ce geste.

Tu essayeras ensuite de ne pas trébucher ou simplement de marcher normalement parce que tu sais que tout le monde te regarde. Tu te sentiras ensuite très fière lorsque tu t'assiéras de nouveau, car tu as réussi à jeter un cœur de pomme, comme si cela était une épreuve quasi impossible. Et pourtant, tout de suite après apparaîtra ce sentiment de honte, car tu te rendras compte que ce que tu ressentais, la peur que tu avais, n'était pas normale. Tu te trairas ensuite de tous les noms qui te passeront par la tête pour expliquer combien tu es stupide, idiot et faible. Combien tu es bizarre.

Combien tu n'es pas normal. »

#SocialAnxiety

X x X


-Tout va bien aller, Blake. Respire, chuchotai-je à mon reflet tout en peignant d'une main nerveuse ma chevelure auburn.

Et pourtant, rien n'allait. Mon cœur battait la chamade, mes mains tremblaient comme si j'étais en manque, telle une droguée en cure de désintoxication et j'avais si mal au ventre que je risquais à tout instant de dégueuler.

-Blake ? entendis-je ma mère m'appeler au bas des escaliers.

-J'arrive ! m'exclamai-je avant de me regarder dans le miroir à nouveau.

Je me fusillai du regard tout en essayant de trouver la plus petite parcelle de force en moi qui pourrait m'aider à passer cette journée, mais seule la peur répondit présente. Mes jambes commencèrent à trembler et l'infime claquement que provoquaient mes dents lorsqu'elles s'entrechoquaient ensemble vint rompre le silence de la salle de bain.

-Bordel, soufflai-je tout en frottant durement mon visage, ça va pas du tout.

Je secouai la tête et empoignai ensuite mon sac. Il fallait que je bouge. Je ne devais pas rester immobile, à ne rien faire, pas si je voulais éviter de sentir ma peur décupler.

-Aujourd'hui est une exception, le sais-tu ? me demanda ma mère tandis qu'elle me conduisait à l'école. Ça ne veut pas dire que je te reconduis aujourd'hui que je le ferai durant toute l'année. Je l'ai fait l'année passée, je suis souvent arrivée en retard. J'ai donc payé pour que tu puisses avoir accès à l'autobus scolaire.

Je hochai la tête et me mordillai fortement la lèvre jusqu'au sang lorsque je sentis une vague de panique me remplir.

Je vis ma mère me regarder du coin d'œil.

-Mais tu n'auras pas besoin de marcher, puisque notre maison est tout juste à côté de ton arrêt. N'est-ce pas génial ?!

Je hochai vigoureusement la tête, mais continuai obstinément à regarder la vitre, pour que ma mère ne voie pas les larmes au coin de mes yeux qui menaçaient de couler à tout instant. « Oui, maman, c'est génial ! Tellement merveilleux, que je suis sur le point de pleurer. Ou de faire une crise de panique. Ou peut-être même les deux. »

 -Tu n'es pas heureuse ? me demanda ma mère lorsqu'elle vit que je gardais continuellement le silence.

-Si, répondis-je en chuchotant pour ne pas montrer à quel point cette situation m'affectait. À quel point je pouvais perdre les pédales pour quelque chose de si infime. À quel point je n'étais pas normal. Ou peut-être étais-je simplement folle.

Combat MentalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant