8- Le carrousel

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Une fois notre repas terminé, Aidan me demande ce que j'ai envie de faire. Je hausse les épaules et souris en guise de réponse. Il se lève et me tend sa main pour m'aider à me lever à mon tour. 

- Viens, j'ai une petite idée, me dit-il avec un clin d'oeil. 

Je penche la tête sur le côté et le regarde, tentant de deviner ses pensées. Il me sourit de toutes ses dents et m'entraine dans son élan. Nous marchons main dans la main à travers les commerces et les passants. Je ne me soucie plus de rien, je ne pense qu'à moi, à lui et à nos doigts entrelacés. 

- J'ai entendu dire qu'il y avait une fête foraine dans le coin, ce soir. Je me trompe?

- Oui, tout à fait. Elle a lieu à chaque année, pendant les dernières semaines de septembre. 

- Tu y es déjà allée?

- Euhm, non... C'est pas trop mon truc...

En fait, j'ai toujours rêvé d'y aller, je n'en ai seulement jamais eu l'occasion... enfin, depuis les... évènements. 

- Allez, ça te dirait qu'on aille y faire un tour? Je suis persuadé que tu vas adorer!

Je lève les yeux vers lui. J'ai l'impression qu'ils brillent autant que la lune elle-même. 

- Vraiment?

- Bien sûr. Allez, viens, je crois que je sais où c'est. Nous allons devoir prendre le tramway. 

Nous marchons jusqu'à un point d'intersection et Aidan achète deux billets. Il me tend un des deux petits coupons. 

Le prochain tram arrive dans cinq minutes. Nous attendons sur le trottoir, et je me rends bien compte qu'Aidan frissonne, même s'il tente de faire paraître le contraire. Je prends sa main entre les miennes et la presse. 

- Aidan, je t'en prie, reprend ton chandail, tu es complètement gelé. 

- April, je t'ai dit que j'étais bien. 

- Ouais, il y a trois heures de cela. Allez, enfin, ta peau est glaciale. Je vais prendre mon manteau, donne moi juste quelques secondes. 

- Non, garde le, j'insiste. 

J'ouvre mon sac et extirpe mon vêtement de celui-ci. Je commence à ôter une manche de son pull quand il m'arrache mon manteau des mains. 

- Passe moi ça, ça fera l'affaire. 

J'arrête mon mouvement et le regarde enfiler mon manteau sous mes yeux. 

- Tu rigoles j'espère? 

- Quoi, tu trouves pas que j'ai l'air mignon là-dedans?

Il ouvre grand les bras. Les manches ne lui arrivent qu'un centimètre ou deux plus bas que les coudes. Ce qu'il est charmant. 

J'éclate de rire. 

- Ce que t'es con! Je ne pense pas que tu verras grande différence de chaleur avec ça ou non sur le dos. 

- Oh, vas-y April, avoue le que je te fais craquer, lance-t-il en haussant un sourcil. 

J'ai le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Ça oui, il me fait craquer, c'est certain. 

Je ne réponds pas à sa question et franchis les quelques centimètres qui nous séparent pour aller me blottir dans ses bras. Il resserre son étreinte autour de moi et nous attendons ainsi pendant les minutes restantes, moi dans son pull trop grand, et lui dans mon manteau trop petit. 

                                                                                       *    *    * 

Le tram arrive enfin. Aidan m'aide à composter mon billet et nous nous asseyons tout au fond. Le véhicule parcourt plusieurs rues, s'éloignant de plus en plus de l'endroit quotidien dont j'ai tant pris l'habitude de fréquenter. Tout le long du trajet, je regarde par la fenêtre, me perdant dans la noirceur de la nuit et les tourbillons de lumière de la ville. Je n'avais jamais vraiment pris conscience de la beauté de la ville une fois le soleil couché. Le paysage est splendide. 

Une voix à l'intercom me sort de mes rêveries. Mon prince me prend la main doucement et m'indique que nous sommes arrivés. Je distingue au loin la grande roue illuminée, les manèges qui tournent dans tous les sens, l'écho de la musique qui monte vers les étoiles... 

Tout excitée, je m'empresse de descendre du tramway et me met à courir, tirant Aidan par le bras telle une petite enfant. Il a d'abord du mal à me suivre, mais au milieu de ma course, il m'arrête net et me prend sur son dos. Il court jusqu'au portail d'entrée au terrain et nous rions tous les deux aux éclats. Je reviens sur mes pieds fermes et regarde tout autour de moi tandis qu'Aidan s'avance au comptoir d'accueil et achète des tickets donnant accès aux attractions. Il revient finalement vers moi, un rouleau de petits papiers roses dans les mains. Il me les tend. 

- C'est ta soirée, April. Alors, par où veux-tu commencer? 

Je scrute un plan du site à proximité et tente de repérer un manège qui pourrait s'avérer intéressant. 

- Hum... Je ne sais pas trop. Je ne suis jamais venue à cette fête foraine depuis le décès de ma mère...

Aidan s'avance vers moi. 

- April, je...

Refusant que mes pensées aillent plus loin, je me décide finalement:

- Commençons par le carrousel. 

- Classique, commente mon compagnon, sa réponse bien évidemment accompagnée d'un clin d'oeil. 

Il m'invite à prendre sa main et nous marchons en direction de l'attraction convoitée. Une fois là-bas, nous donnons nos billets et attendons que le manège s'arrête. Une fois notre tour venu, nous grimpons sur la plateforme et faisons le tour afin de trouver notre cheval pour l'aventure. Je me fige à la vue d'un d'entre eux. 

Une vague d'émotion me submerge. 

*flashback*

Je tire fort sur la main de maman et la supplie d'aller faire le carrousel. 

- S'il te plaît maman, s'il te plaîtttt. 

- Oui ma puce, un instant, je n'ai plus de tickets.

Elle se rend au comptoir à billets et en reviens avec deux. 

- Tiens ma princesse, on peut y aller à présent.

- Youpiii! 

Je sautille sur place et part dans une course folle jusqu'au carrousel, entraînant ma mère dans mon élan. 

- Regarde maman, je veux celui-là! m'exclamai-je en pointant un cheval à la crinière rose et aux sabots d'or. 

- Vas-y ma chérie, je vais prendre celui d'à côté. 

La machine se met en marche. 

- Regarde maman! Je suis une vraie princesse maintenant!

- Voyons April, tu as toujours été et sera toujours une vraie princesse, ma princesse. 

*  *  *

Mes yeux s'embuent de larmes. Je caresse la crinière de l'animal de plastique. Il est identique à celui d'autrefois, sinon un peu plus vieillot. Sa chevelure est un peu décolorée et la peinture de ses sabots à moitié écaillée, mais je ne peux m'empêcher de vouloir monter dessus, comme douze ans auparavant.  

- Ça va? me demande Aidan. 

- Oui, oui.. Bien sûr. Je... Je vais prendre celui-là. 

- Vas-y, je vais prendre celui d'à côté. 

Reine du BalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant