18- Quesadillas & guacamole

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AIDAN

Je jette un dernier coup d'oeil au reflet que me renvoie le haut miroir sur pied de ma chambre. Je tente de lisser une mèche rebelle de mes cheveux, en vain. Mon regard se porte sur le gros ours en peluche et je ne peux réprimer un sourire en repensant à la merveilleuse soirée d'hier. Hier... Cela semble faire une éternité déjà.
Je devrais probablement le lui rapporter, certes je ne pense pas que de l'amener au restaurant soit une option quelque peu idéale. De toute manière, nous reviendrons ici après, elle pourra même dormir en sa compagnie.

Je monte au rez-de-chaussée et regarde la vieille pendule du séjour; dix-sept heures vingt. April ne devrait pas tarder. La connaissant, elle y sera à dix-sept heures trente tapantes, pas une seconde plus tôt ni plus tard.

Chaque minute qui passe me semble plus longue que la précédente. Je me surprends à faire les cent pas dans la pièce et à guetter la rue par la grande fenêtre à plusieurs reprises.
L'heure de rendez-vous arrive, mais personne. Je m'affale sur le canapé et fixe la pendule. Les minutes passent et je finis par me dire que je dois m'être trompé sur sa ponctualité. Je redescends dans ma chambre, attrappe mon téléphone et compose le numéro qu'April a griffonné sur un bout de papier avant de quitter ce matin. Je rappelle une, deux, trois fois, mais elle ne répond pas. Ce n'est rien, elle doit simplement avoir éteint son téléphone.

Quand arrive dix-huit heures, l'inquiétude me gagne et je me rends bien compte que de rester ici ne m'avance en rien. Elle s'est peut-être directement rendue là-bas.
J'attrape mon sac, mon portefeuille et mon chandail chaud en espérant qu'elle me demandera de l'enfiler et je sors dans l'air frisquet de septembre. Je ne suis allé Chez Pedro qu'une seule fois depuis mon arrivée, mais ce village est si petit qu'il est assez difficile de ne pas retrouver son chemin.

Quand je pénètre dans le petit commerce, la clochette retentit et tous les clients se retournent dans ma direction, puis des murmures s'installent. Je soupire. J'en ai vraiment assez de me faire remarquer et de provoquer cette réaction à chaque endroit où je vais. Je commence à me dire que nous aurions dû nous installer dans une ville comme New York, là où les rues sont tellement bondées qu'il serait beaucoup plus facile de se fondre dans la foule.
Mais si j'étais allé à New York, je ne l'aurais jamais rencontrée, elle...
Pedro, un petit homme au ventre rond, vient à ma rencontre et me sort de mes rêveries. Son grand sourire est partiellement dissimulé sous sa moustache bien fournie.
- Holà mon chér prince! Mais qué mé vaut l'honneur dé votre visite aujourd'hui, amigo? m'accueille-t-il dans un accent hispanophone assez prononcé.
- Bonjour, Pedro. Tu n'aurais pas vu April? Tu sais, la blonde...
- April! Bien sûr qué yé connais April! Mais non, yé né pas vu la señorita aujourd'hui. Pourquoi?
Une pointe de nervosité s'empare de moi.
- Nous avions planifié venir manger ici ce soir. Je vais essayer de la rappeler. Merci, Pedro.
Je m'apprête à sortir du restaurant quand le propriétaire m'attrappe par la manche.
- Holà! Mais où tou vas commé ça? Viens, yé t'invite à manger.
J'hésite un instant, mais ne peux refuser son invitation chaleureuse. J'essaie tout de même de rappeler April, mais je reste sans réponse. J'espère juste qu'elle va bien...

* * *

Deux quesadillas et une portion de guacamole plus tard, j'ai la panse bien pleine mais toujours aucune nouvelle. Je remercie Pedro, qui refuse de me laisser payer, pour le bon moment passé en sa compagnie. C'est un type très sympa, mais j'aurais quand même préféré partager ce repas avec celle que j'aime.
Je sors du restaurant sous les regards curieux et une fois sur le trottoir, hésite sur la direction à prendre. J'aurais bien envie de cogner chez elle et de m'assurer qu'elle va bien, mais ses deux pestes de belles soeurs doivent garder la maison comme de vrais dragons, et je suis sûr qu'elles n'hésiteraient pas à faire de moi leur prochaine proie.
Sur le chemin du retour, je regarde mon téléphone à tout moment, dans l'espoir qu'April ait retourné un de mes appels ou m'ait envoyé un message texte. Mais au moment de franchir le portail de ma demeure, je n'ai toujours rien reçu.

Un peu déçu, je lance mon sweatshirt sur le lit et laisse mon portable allumé sur ma table de chevet, au cas où elle tenterait de me contacter dans la nuit. J'attrape Barnabé et m'endors dans ses bras, rêvant que ce soit elle qui se soit retrouvée à la place de la peluche.

Reine du BalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant