20- Désespoir

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AIDAN 

Merde et merde! 

Je balance mon téléphone au bout de la pièce. Heureusement, il atterit directement sur mon immense coussin, réduisant les dommages. Cet appareil est mon unique moyen de communication avec April, je dois y faire un peu plus attention. 

Un sentiment de rage bouillonne en moi. Mais qu'a-t-elle donc pu lui faire, bon sang? La simple pensée que quelqu'un puisse lui faire du mal me fait frissonner. Je dois agir. Je dois l'aider. Elle a raccroché, ce n'est pas pour rien. Devrais-je rappeler? Non, pas tout de suite, cela pourrait la mettre en danger. Elle le fera d'elle-même lorsqu'elle s'en sentira prête. 

Je fais les cent pas dans la pièce, j'ai la tête qui tourne. Je me fais vraiment du souci pour elle. 

Mais bien vite, ma nervosité laisse place à la culpabilité. C'est de ma faute, tout ça, putain! Elle menait sa petite vie avant que j'arrive. Bien sûr, elle n'était pas la plus heureuse, mais elle s'en sortait. C'est moi qui l'ai traînée avec moi malgré ses fortes hésitations, moi qui lui ai dit que ce n'était pas grave, que tout allait s'arranger. Mais tout n'est pas si simple et merde, c'est juste maintenant que je m'en rends compte! J'aurais dû l'écouter, j'aurais dû comprendre ce que signifiait la peur que j'ai vue dans ses yeux quand elle me parlait de sa cruelle de marâtre! À présent, il est trop tard. J'aurais dû la protéger, la garder près de moi. Et dire que pendant qu'elle se faisait infliger je ne sais quelle torture, moi j'étais là à me gaver de putain de guacamole avec Pedro! J'aurais dû me douter que quelque chose ne tournait pas rond quand elle ne répondait pas à mes appels. Alors pourquoi ai-je donc attendu qu'elle m'appelle en retour, ce qu'elle a fait il y a à peine deux heures? Comment ai-je même pu m'endormir en sachant qu'elle n'était peut-être pas en sécurité à ce moment-là? 

Tout ça est décidément de ma faute. Je ne la mérite pas. Cette fille est trop bien pour moi. Son ouverture d'esprit, sa persévérance même quand les choses vont mal, sa façon de voir les choses... C'est indéniable, je suis désespérément tombé amoureux d'elle. Et il n'est pas question que je la laisse tomber dans cette situation. 

J'enfile rapidement un blouson, ramasse mon téléphone et monte les escaliers. Au moment où je traverse la cuisine, ma mère me propose des pancakes, mais je décline gentiment son offre. 

- Merci maman, mais je n'ai pas faim. Je vais prendre un peu d'air. 

Elle semble s'apercevoir que quelque chose ne tourne pas rond chez moi, puisqu'elle me fixe quelques secondes d'un air inquiet avant de hocher la tête et de retourner à ses fourneaux. 

J'ouvre la porte d'entrée et suis aussitôt avalé par les bourrasques glaciales qu'offre ce premier jour d'octobre. 

Sans même que j'aie à réfléchir, mes pas me guident vers la marina. Mes espoirs qu'April y soit sont bien faibles, les chances étant qu'elle soit plutôt enfermée dans son propre chez-soi.  

Je surmonte la petite balustrade de bois et atteris sur le quai. Mais cette fois, je n'ai pas la même image que lors de mon dernier passage ici. À mon grand désespoir, les cheveux blonds en boucles battant au vent d'une jeune fille contemplant la mer ne sont qu'illusion. J'aurais tant souhaité la retrouver ici, en sanglots, pouvoir la serrer dans mes bras, lui dire que tout ira bien et que je ne la quitterai plus jamais... Je remonte le quai. J'ai l'impression de marcher dans ses pas. Je m'assieds en tailleur et observe le mouvement des vagues qui déferlent au loin. En voyant les bateaux accostés, je me promets qu'un beau jour, j'emmenerai April sur un voilier et nous partirons loin, très très loin d'ici...

Reine du BalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant