4- La marina

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Je reviens sur mes pieds et je vois le visage furieux de Mandy derrière l'épaule d'Aidan. Son expression vaut tout l'argent du monde. Je me retiens pour ne pas rire, puis remercie Aidan. 

- Laisse la tranquille, Mandy, lui dit-il sans se retourner. 

Puis, me regardant droit dans les yeux:

- Ça va? 

- Ouais, ça va. Bon, je vais... y aller. 

- Je t'ai dit que je t'accompagnerais. Je vais le faire jusqu'au bout. 

Nous nous éloignons dans le couloir, et, plutôt que de le suivre, Mandy reste plantée là, visiblement bouchée. Une fois arrivés devant le local d'histoire, je remarque que la main d'Aidan est toujours dans la mienne. Je baisse les yeux sur nos membres entrelacés, puis les lève vers lui. Je sens le rouge me monter aux joues. Il retire sa main et se met à bafouiller:

- Euhm... Ouais... Bon, désolé pour tout à l'heure... Je... J'y vais. À plus, enfin, aurevoir. 

Ses joues prennent une tinte rosée, mais il ne le laisse pas trop paraître et s'éloigne. Je ne peux empêcher le sourire qui naît sur mon visage. Je rentre dans la classe, d'humeur plutôt joyeuse. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais c'était chouette. Pas mal chouette. 

* * *
Le cours commence, mais j'ai la tête ailleurs, je n'arrive pas à me concentrer. Les évènements de ce matin n'arrêtent pas de défiler en boucle dans ma tête. Aidan a été super gentil. J'espère que l'on pourra continuer à discuter comme ça.
Mais plus j'y pense, plus ma joie se transforme progressivement en crainte. La crainte de tomber amoureuse de lui, la crainte de ce que les autres vont en penser, et Mandy. Mandy. Elle va tout raconter à Idrissa, c'est sûr, et elles me détesteront encore plus. Elles voudront encore plus me mener la vie dure. Peut-être le mieux serait-il que je m'éloigne de lui?
Argh, je ne sais plus quoi penser. Tout est si confus dans ma tête. Je viens à peine de le rencontrer, et déjà je peux pressentir que sa présence ne me laissera pas indifférente.
Les heures passent, et je passe les deux premiers cours à rêvasser. Puis viens enfin l'heure du dîner. Je rejoins Savannah, seule à la table—Tyler est probablement à l'un de ses nombreux comités— et lui relate absolument tout ce qui s'est passé dans la matinée. Je lui fais également part de mes craintes à propos de mes belles-soeurs; elle est bien la seule à savoir pour ma famille. 

- Ohhhh, ma petite April est tombée amoureuuuuuse! s'exclame-t-elle quand je finis mon récit.

Je lui fais signe de baisser le son, même si personne ne doit avoir entendu avec tout le brouhaha de la cantine. 

- Et maintenant, tu vas faire quoi? me demande-t-elle. 

- Je ne sais pas. Je sais que je vais me faire parler par Mandrissa, mais j'aimerais que l'on continue à se voir. Malheureusement, cela ne risque pas d'être possible, alors je devrai simplement couper les ponts. 

- Non! April, il ne faut pas que tu te laisses influencer par les autres. Si tu obéis tout le temps aux ordres, tu ne pourras jamais tracer ton propre chemin, et c'est ce qu'elles veulent. Elles savent pertinemment qu'elles ont le contrôle sur toi, mais il faut que ça cesse. Tu as droit à ta liberté comme elles ont droit à la leur. C'est sûre qu'elles seront jalouses, elles l'ont toujours été, et tu le sais. Ne t'empêche pas de vivre à cause de leur jalousie et de ce qu'elles pensent de toi. Alors vas-y, fonce, va voir ton prince, et fais ce que tu penses être le mieux pour toi. Vous verrez ce que ça donnera par la suite. Arrive encore tôt demain matin, je suis persuadée qu'il y sera. Et surtout, écoute ton coeur, April. 

Elle affiche un sourire compatissant pour soutenir son opinion, et je la remercie de me motiver comme ça. Elle a dit tout ce qu'il fallait, comme d'habitude. Heureusement qu'elle est là. Sans elle, je n'aurais pas su traverser plusieurs épreuves de ma vie.
Je prends une bouchée de lasagne et me tourne vers Aidan, assis à la même table que la veille, avec autant de filles autour de lui, sinon plus. Je le vois se lever et regarder dans ma direction. Au même moment, je m'échappe de la sauce tomate sur le menton, et il rit tandis que je m'empare d'une serviette en papier en rougissant. Je le vois me faire un clin d'oeil, un autre de ses clins d'oeil tellement mignons. 

Reine du BalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant