Chapitre XVII : Le Masque et l'Epée

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Téti se tenait face à lui, tétanisée. Hésitant entre la surprise et le soulagement. Elle se sentait étrange de lui faire face sans être dans le costume de la Dame Rouge.

Mais là, que faire ?

- Alors, Princesse, on s'est perdue ?

« J'ai l'impression qu'il n'y a pas qu'avec la Dame qu'il se conduit comme ça... »

- Hum...merci de m'avoir aidée, Fils de Bastet. Je ne sais pas vraiment ce que j'aurais fait...sans toi.

« Tu parles ! »

De son côté, Arion se sentait un peu stupide de lui avoir parlé comme ça. Il n'y avait qu'avec sa Demoiselle qu'il se montrait aussi...charmeur.

Il espérait vraiment que la jeune et mignonne servante de Bérénice, la plus sympathique (et probablement la plus franche) des filles de la Cour. Et les dieux soient loués, la seule à ne pas le draguer ! Être courtisé comme cela lui donnait le tournis lorsqu'il était dans la peau d'Arion.

- Alors...je te raccompagne jusque chez toi, ou tu préfères risquer de te faire agresser une nouvelle fois ? Une jolie fille comme toi ne devrait pas traîner seule...

- C'était...un pari.

« Pourquoi je lui raconterai ça ? Hum...ça peut être bien de savoir comment il est avec les autres personnes... comment il est quand il n'est pas avec moi. »

- Vraiment ? D'où vas-tu te risquer à faire un pari ? Et pour quelle raison

- Hey ! C'est confidentiel ! Tu m'as l'air d'être un fouineur, toi !

- Et toi, tu m'as l'air de savoir dire ce que tu penses. Ça, c'est bien. Je t'imaginais plus timide, en te voyant.

Il était vrai que lorsqu'il la croisait au palais, elle suivait Bérénice sans ménagement, et Arion n'avait probablement jamais entendu le son de sa voix.

Lorsqu'il la croisait, elle avait le rouge aux joues et baissait la tête. Elle était sûrement timide, c'était ce qu'il avait pensé. Mais maintenant qu'il la voyait comme ça, il se posait des questions.

- Donc...tu veux que je te ramène...ou pas ?

En y réfléchissant, Téti se disait que l'aide de Fils lui permettrait peut-être de devancer Akhera...et lui empêcher de s'humilier devant Arion.

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- Encore une fois, merci. J'aurais probablement dû faire des kilomètres afin d'arriver jusqu'ici.

Fils lui tapota l'épaule. Et lui lança :

- Au fait, tu ne veux pas me dire quel était ton pari ?

- Hum...c'était une course. Dans les deux sens. Au marché et contre le temps. J'ai promis...de révéler un secret. Mais à part ça, tu n'as rien à savoir.

- Hum...pour t'avoir sauvée et fait gagner ta course, je mériterai un peu mieux...

Téti inspira et soupira profondément. Et se mit à rire. En tant que Dame Rouge, elle feignait toujours de trouver les blagues de son partenaire pourries, mais au fond d'elle, elle aimait bien lorsqu'il lâchait l'un de ses irrésistibles jeux de mots, ses commentaires minés, lorsqu'une situation était difficile ou tendue. Il parvenait toujours à rendre furieux leur adversaire (Seth n'aimait probablement que ses propres blagues) et lui arracher un sourire, à l'occasion.

Mais là, avec sa mine faussement offusquée et cette étrange situation (il ne se rendait même pas compte de qui elle était !), elle ressentait le besoin de relâcher un peu la pression.

- Je ne me savait pas aussi impayable, renchérit l'intéressé.

- Désolée. Mais tu es vraiment impayable... !

Il lui lança un dernier sourire, plein de gentillesse, et la poussa sur la terrasse de la maison.

- Allez. Prend soin de toi, Princesse.

- Comment tu as fait ? Lui dit Akhera, tripotant son sabler entre ses mains. Je suis super rapide et je connais tous les raccourcis !

- Je suis passée par un raccourcis que tu ne connais pas, c'est tout. J'ai demandé à quelqu'un.

- C'est de la triche !

- Pas vraiment, sachant que tu m'as laissée au milieu d'une foule immense et que tu le sais parfaitement. J'imagine que tu as choisi un endroit sans encombres...

Cette conversation était tellement...normale. Enfin, plus normale que d'habitude. Téti avait l'impression d'avoir quitté le monde de la « Normalité » quand elle avait rencontré Fils, qui gambadait librement sur les toits des villes. Qui semblait épris, avide de liberté. Et elle avait deviné que cette liberté, quelqu'un l'en avait privé depuis bien longtemps.

« Ça fait quelques temps qu'on sauve le monde ensemble. Pourtant, j'ai l'impression de ne rien savoir de toi. J'ai l'impression qu'en fin de compte, tout ça n'est qu'un masque. Moi, je veux me sentir courageuse. Toi, tu veux être libre. »

Et quel plus beau symbole qu'un chat noir qui virevolte dans la nuit, impossible à voir, et à attraper ?

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La jeune femme aux yeux d'or ouvrit le coffre placé devant elle. Une lame, toute d'or faite, brillant dans son écrin. Une lame impossible à briser, faite justement afin de tout détruire sur son passage. Une simple coupure engendrait une mort lente et douloureuse, comme si on vous vidait de votre sang, l'aspirant à la manière d'un vampire.

Une épée-vampire. Voilà ce que c'était.

La femme au teint bronzé et aux yeux du même or que la lame, admira celle-ci avec ferveur.

- Pardonnez-moi, mon roi. Mais votre temps est révolu. Place à mon nouveau maître !

Celui à qui elle parlait ne paraissait guère vaillant. Il était vieux, et plus que tout, las. Une tristesse sincère se lisait dans ses yeux

- Tu n'en sera pas plus libre, Sekhmet. Tu auras sur la conscience la mort de millions d'innocents !

- Faux ! Je serais libre ! Libre de toi et d'elle, cette autre moitié de moi, si sentimentale, si...parfaite !

Le feu commença à consumer la robe du vieillard. Et sous le masque affligeant et pathétique, elle vit renaître l'ancien regard plein de puissance du Dieu-Soleil.

- Maintenant, dit-elle la voix tremblante et l'épée à la main, l'élève va tuer le maître.

Mais il lui semblait qu'une voix intérieure lui hurlait d'arrêter. Elle la chassa.

Et avança, la robe blanche et la peau dorée à la lumière du feu, ses cheveux prenant des reflets roux, ses yeux devenant des torrents de lave.

Et elle griffa la lumière.


La Dame Rouge et le Fils de BastetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant