Chap 1.2 : Samedi 25 janvier 2014

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******* HENRI*******

Je reprends ma course à la fois agacé et dépité par la rencontre que je viens de faire. Certes j'avais été surpris de la trouver sur ma route et c'était de ma faute si elle s'était retrouvée sur les fesses. J'avais effectué un demi-tour sans respecter les règles de base du joggeur. Je me suis retrouvé face à cette black qui fonçait dans ma direction tête baissée. C'est le message que j'écoutais à ce moment là qui était en partie responsable de mon changement de cap mais aussi de mon changement d'humeur... Si le choc avait été rude pour elle, personnellement, je n'avais pas ressenti grand-chose. C'était bien qu'elle se mette au sport mais elle pouvait peut-être commencer par quelque chose de plus doux...

Cette fille jurait comme un charretier. Un accent charmant du reste, que je n'arrivais pas encore à identifier, mais charmant...enfin sauf quand elle jurait.

Bon j'ai d'autres soucis pour le moment... mon père arrive de Zurich. Son avion va atterrir dans 45mn. La soirée avait été longue et je n'avais pas pris connaissance de mes messages avant de partir courir.

Ce voyage n'était pas prévu et je suis curieux de savoir ce qu'il en est. Le dernier message émanant de l'assistante de mon père était plutôt succinct : Mr McEverty père sera sur le vol de 7h00 demain dimanche à l'aéroport de Genève, il souhaite vivement vous y voir. Il n'y a que mon père pour prévoir un voyage un dimanche matin aussi tôt et son invitation tient plus de l'ordre que du souhait !

Je ne serais sûrement pas sorti ce matin faire un footing, ni fait traiter de triple con par cette fille... C'est bien ce qu'elle avait dit ? Je souris malgré moi, cette rencontre n'avait rien eu de drôle ou d'intéressant d'ailleurs, mais j'y repensais Dieu sait pourquoi. C'est le genre de fille que je ne remarque pas en temps normal. En plus, elle manquait cruellement de confiance en elle, se traiter de grosse vache... franchement... Pour moi, une femme c'est du plaisir, rien de plus rien de moins. Gérer leur image d'elle n'est pas du tout dans mes prérogatives. Elle devait être sexy, sûre d'elle, entreprenante... Une vraie femme quoi ! Celle-ci ne répondait à aucun de ces critères, en plus elle-même se traite de grosse vache... que faire avec ça je vous le demande !

Je me défends d'avoir même une seconde pensé à ça... je suis bien trop respectueux voyons.

Il ne me reste pas beaucoup de temps, je dois rentrer, me doucher et retrouver mon père à l'aéroport. En général quand il m'y donne rendez-vous, c'est qu'il ne doit pas rester. Donc j'allais le voir entre deux vols. Je crois que ça me va très bien. Après la nuit que je viens de passer, supporter mon père toute la journée sera au dessus de mes forces.

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- Père !

- Henri !

Il m'accueille en se levant pour me donner la main. Mon père et moi ne sommes pas très démonstratifs... il y a une espèce de pudeur que ni lui ni moi ne cherchons à refréner... flegme british ? Sûrement, mais le différent que nous avions eu pendant mes études y est aussi un peu pour quelque chose. Je sens, malgré tout, toute l'affection qu'il me porte.

- Heureux de vous revoir Père. Comment va mère ?

- Bien, bien, même si elle se plaint de ne pas te voir très souvent.

- Nous nous sommes vus pour les fêtes, lui rappelai-je tout en riant

- Certes... mais vous connaissez votre mère, elle voudrait toujours tous vous avoir sous la main. Ce soir c'est la Burn's Night*, nous avons des invités et j'ai donc été sommé d'être là et aucune excuse ne sera acceptée.

Je souris encore à cette évocation, ma mère est du genre mère poule, cela compensait parfaitement le côté un peu réservé de mon père. Ils étaient tout deux issus de l'aristocratie... anglaise pour ma mère, écossaise pour mon père. 25 janvier... Nous avons toujours honoré cette date, même si depuis que je suis ici, j'y prête moins d'importance.

- Alors père, que me vaut l'honneur de votre visite ?

- Un sujet qui, j'en suis certain ne va pas beaucoup te plaire, mais c'est mon rôle de père d'en passer par là...

Je lève un sourcil, me demandant où il veut en venir. Nous avons rarement eu les conversations père/fils qu'on retrouve dans les familles classiques... Sauf celle la concernant ELLE. Quand j'avais des questions, je les posais à mon frère Thomas mais pour tout ce qui est intime, je ne me souviens pas avoir eu besoin d'en poser... Pose t-on forcément des questions pour avoir des réponses ?

- Je vous écoute Père

- Tu vas avoir vingt-sept ans mon garçon... N'envisages-tu pas de rentrer dans le droit chemin ?

Je reste sans voix devant cette question, car je sais très bien ce qu'elle implique et effectivement ça ne va pas du tout me plaire... ça me replonge dix ans en arrière.

Je pensais cette époque révolue, il ne va pas recommencer, pas après toutes ces années, pas après ce qui c'était passé, le drame que ça avait été. Ça ne lui a donc pas servi de leçon ? Dix ans bientôt, dix ans que cette histoire avec ELLE m'avait gâché la vie, dix ans que notre famille à failli imploser et il ose remettre ça sur le tapis ? Est-ce à cause d'ELLE ?

Non ça ne va pas me plaire, mais alors pas du tout !

(*) Jour férié en Ecosse (pour les expatriés aussi), en hommage à Robert Burns célèbre poète,  "le fils préféré de L'Ecosse", incurable romantique pour certains, Don Juan pour d'autres. Ce soir là, il est de coutume, en famille ou entre amis, de célébrer le souper de Burns. On y déclame des poèmes, on danse et chante au son de la Cornemuse en dégustant un Haggis.

Le Haggis : C'est un plat traditionnel écossais consistant en une panse de brebis farcie d'abats de mouton (poumons,  foie, coeur), d'oignons, d'avoine, de graisse de rognons de mouton, d'épices et de sel.

Destins croisés : It's always been us [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant