Sonrisa

Chapitre 16

Ritchie

Mon téléphone à la main, je ne réalise pas encore l'appel que je viens de recevoir. Je regarde Alie et Mathias s'éloigner à travers la vitre du taxi. Je compose immédiatement son numéro.

- Tu es incroyable, lui dis-je simplement.

- Ah oui? Plus que toi qui prend la route immédiatement après ton concert dans la Drôme juste pour pouvoir prendre le petit déjeuner avec moi avant de partir une semaine en vacances?

- Tu marques un point. (je me frotte la nuque, je ne réalise pas bien encore le tournant que va prendre notre histoire). Alors comme ça on part dix jours aux Baléares?

- Peut être que la destination ne te plait pas?

- Ce qui me plait le plus c'est que pour la première fois depuis que nous sortons ensemble nous allons passer du temps seulement tous les deux, loin des salles de concert, des paparazzis et de tout ce qui va avec.

- Je sais.... Je suis contente que ça te plaise... Il était temps qu'on franchisse le cap.

- Tu vas me manquer amore mio, prends soin de toi et amusez vous bien.

- Toi aussi mon joli. A très très vite.

Je raccroche pour ne pas être en retard pour mon embarquement. Alie et moi allons partir en vacances ensemble. Dix jours seul avec elle. J'ai du mal à réaliser. Je monte dans l'avion sur cette pensée et me laisse sombrer dans un rapide sommeil. La nuit a été courte. Hier soir j'étais en concert à Montélimar dans la Drôme, j'avais dit au revoir à Alie et son fils le matin même, mais le soir venu j'avais été incapable de me résoudre à ne pas la revoir avant mon départ. J'ai donc demandé à Luc de me ramener sur Paris en pleine nuit. J'ai débarqué chez Alie à six heures du matin, non sans l'avoir appelé avant prétextant qu'elle me manquait et que j'aimerais être sous sa fenêtre à regarder sa lumière de chevet s'allumer.... Après un gros doute, elle avait fini par regarder par la fenêtre et pousser un cri de surprise. Elle m'avait rejoint en courant dans le couloir de l'immeuble, en nuisette. Après quoi nous n'avons pas dormi plus que ça et sommes aller bruncher.

A mon réveil, je constate que je suis arrivé à destination. Je regarde mon téléphone, ma mère m'a appelé six fois. Cela ne veut dire qu'une seule chose: elle est déjà là. Je sors de l'avion et arrive au terminal A, je n'ai pas le temps de chercher quelle porte emprunter que des bras se jettent à mon cou. Maman. Ils sont tous là. Les cousins, les copains, les tantes.... On sort de l'aéroport, non sans bruit, et je sens en moi une sensation encore jamais ressentie jusque là: je me sens complet. Entouré des miens et aimé d'une femme que j'aime malgré une vie décousue et privée de liberté, j'ai réussi à retrouver mes racines, mon point d'ancrage. J'exerce un métier aux milles facettes, un métier de passion. Il me permet de faire vivre ma famille que je vois moins, certes, mais qui aujourd'hui grâce à moi vit plus sereinement, loin des clichés liés à nos origines.

Lorsque j'ai commencé l'émission qui m'a permis d'en arriver là où j'en suis aujourd'hui, je n'avais qu'un seul but: prouver que les gitans avaient leur place dans le système. A présent je ne cherche plus à prouver quoique ce soit à qui que ce soit, j'ai rapidement compris que ce milieu était un monde de requins, je fais juste mon chemin tout en tentant de protéger les miens. Et il semblerait que je ne sois plus seul pour parcourir ce chemin. Cela me fait bizarre de penser cela... Ces week end sur la route, ces trajets en train collés l'un à l'autre pour que personne ne me reconnaisse, ces appels nocturnes interminables... Toutes ces petites choses que je n'avais jamais partagées avec personne d'autre ont fait de moi un homme épanoui. Il est temps de lui dire.

Je pose mon sac et prends ma guitare, je cale mon téléphone face à moi prêt à enregistrer. Je commence à gratter quelques notes et je me mets à chanter Je vais t'aimer de Michel Sardou. Un peu tremblant je récupère mon téléphone et appuie sur la touche « envoyé ». mon coeur bat à la chamade je n'ai jamais dit à aucune fille que je l'aimais.