Chapitre 1 -Mars, un siècle plus tard- "Réapparition"

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«Le futur écrit, mais le passé lui résiste ». Ce fut la dernière phrase de son père. Elle résonnait encore dans son esprit, telle une brèche de souvenirs qui ne voulait pas se refermer.

Il rentrait de son institut. La température était habituelle, frôlant les cinq degrés Celsius. Elle était régulée grâce à l'atmosphère artificielle qui se déployait au-dessus des habitants. Ce dôme permettait d'ajouter une quarantaine de degrés aux -30 habituels de ce début d'été martien.

Sur Mars, il régnait toujours cette faible température contrastant sur le sable rouge aux allures de désert. La faible gravité était également régulée grâce à une certaine pression atmosphérique.

La ville d'Eysis, dans laquelle il vivait depuis son plus jeune âge, était en pleine effervescence : un nouveau spatioport était en construction à cause de la pénurie de nourriture qui était survenue il y a peu. De plus, de nombreux logements étaient en construction au nord de la ville, pour pouvoir accueillir de nouveaux résidents terriens.

La nourriture que consommaient les martiens venait de Terre. Il fallait donc qu'il y ait un cycle régulier de cargos entre les deux planètes.

Uris traînait ses pieds sur le sol sableux. Il sortait de l'institut avec quatre mauvais examens. Il n'avait jamais été très bon avec la théorie, qu'il jugeait immodérément abstraite. Le premier plan, le concret, avait plus de rapport avec le monde réel, donc plus de valeur, selon lui.

Son quartier était à deux cents mètres de l'institut. Il était constitué d'une vingtaine d'habitations. Eysis possédait quant à elle quarante et un quartiers, ce qui en faisait l'une des villes martiennes les plus peuplées.

Les groupes de maisons étaient sensiblement identiques, mais, pour lui, chaque habitation qui longeait la rue avait son détail.

La sienne apparut devant lui. Ronde, grande, simple. Seules quelques fenêtres trahissaient le blanc immaculé qui recouvrait ce logement classique. À chaque fois, il l'observait longuement, et s'imaginait avec une maison carrée, ce qui lui paraissait tout bonnement impossible.

La forme sphérique assurait une pression équilibrée dans toute l'habitation. Il l'avait appris en sciences ; la filière qu'il avait choisie, SE – Sciences de l'Espace –, lui fournissait de nombreuses connaissances sur la vie quotidienne sur Mars.

À peine fut-il entré dans l'habitacle qu'une femme aux cheveux blonds et aux yeux bleus lui demandait si sa journée s'était bien passée. Ma mère... Il se contenta de répondre en hochant la tête, avant de monter l'échelle menant à sa chambre, située sur une mezzanine.

Il s'affala sur son lit.

Ce soir-là, le sourire de son père ne l'accueillait pas. Sa gorge se noua. Will était reparti la veille dans un de ses périples intergalactiques. Ces aventures spatiales constituaient sa profession et étaient organisées par le gouvernement pour la recherche de différentes ressources. Les trois Spationautes – le S majuscule donnait de l'importance aux sacrifices et à la vie qu'ils consacraient à ce métier – y avaient par exemple trouvé des échantillons qui avaient permis la fabrication des atmosphères artificielles. Mais le principal objectif de ces missions était de trouver un moyen efficace pour produire de l'électricité, ou pour la remplacer par une autre énergie.

Uris voyait son père rarement. Ses séjours pouvaient durer aussi bien trois ans que quelques mois. Lui et ses coéquipiers étaient envoyés là-bas, sur une planète à des milliards d'années- lumières de la leur, par un tunnel quantique, un accomplissement technologique aussi exceptionnel que mystérieux.

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