Chapitre 20 -Dans l'espace, un jour plus tard- Réanimation

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Il trouva sans mal la cellule où le cobaye était arrivé à la fin de l'expérience. La porte coulissa devant lui sans bruit. Il ne fut pas étonné de trouver le corps de Matthew étendu sur le sol, sans aucun signe de vie : il était justement là pour le réanimer.

Il avait demandé à être celui qui le réveillait, et à devenir donc son tuteur, son formateur. Il sourit à l'approche de ce futur destin. Il avait désiré avoir ce rôle depuis longtemps. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il avait été désigné pour rechercher l'agent X.

Il resta sans bouger, observant le visage de Matthew. Le jeune homme lui faisait penser à son fils. Peau blanche, yeux bleus, cheveux bruns emmêlés... Il s'avança vers lui en ravalant des larmes. Il avait tellement voulut avoir le rôle de père jusqu'à la fin de sa vie.

Il se secoua la tête, se concentrant sur sa tâche, évacuant ainsi ses mauvais souvenirs nostalgiques.

Il installa le matériel de réanimation autour du corps de Matthew, qu'il enveloppa soigneusement de la coupole de verre hermétique prévue à cet escient. A tâtons, il brancha certains câbles à des réserves de produits chimiques dont il ignorait l'utilité.

Il n'y connaissait rien en médecine. Il réussit tout de même à assembler la structure de réanimation. Selon ce qui était écrit sur la coupole de verre, il fallait presser un bouton, le vert. Il le chercha, puis appuya dessus.

Une bourrasque d'air – sûrement d'oxygène, il n'en savait rien – emplit la coupole de verre, formant un drap blanc à sa surface. Le tout se mit à vibrer sur lui-même. David parut même effrayé par la situation. Il s'écarta, juste avant que la coupole s'ouvrît, montrant le corps vivant de Matthew.

Tout était brouillé. Par ses yeux autant que par son esprit, qui interprétait mal les informations, comme emprisonné dans un piège incontrôlable. Il avait la tête lourde.

Il eut envie de bouger, mais son système nerveux l'empêchait de faire quoique ce soit. Il tenta d'analyser ce qui se passait autour de lui. Tout était immobile, seules les couleurs échangeaient leurs places, ou se muaient en un noir indéfinissable.

Lassé de cette scène terne et envoûtante, il faillit replonger dans le sommeil, incapable de rester éveillé. Mais une image, la première qu'il réussit à interpréter, l'en empêcha. Un visage, associé à des souvenirs, de nombreux souvenirs. En forçant sur son cerveau, il réussit à retrouver son nom, éparpillé dans sa mémoire saturée. David.

Son esprit embrouillé se rétracta sur lui-même, tentant d'arracher les chaînes qui le maintenaient en place, mais cet effort fut vain.

Il ne trouva aucune autre solution que de dormir.

Il s'est endormi... David fut presque surprit : cela s'était produit presque à l'instant où il s'était penché au-dessus de lui. Il ne sut pas dire si c'était normal ou pas. S'est-il évanoui ? Il se rapprocha, et tâtonna pour prendre son pouls.

Il soupira de réconfort lorsqu'il sentit un léger battement vibrer dans son doigt.

Il s'écarta légèrement de son patient, afin qu'il puisse respirer. Selon lui, il n'y avait rien d'autre à faire qu'attendre.

C'est ce qu'il fit patiemment jusqu'au réveil attendu du jeune homme. A côté de lui, il lui sourit chaleureusement. Mais le visage crispé de son apprenti affichait tout sauf du contentement.

Il hésita avant de lui parler.

Les yeux de Matthew tournèrent brusquement dans leurs orbites, comme s'il avait envie de bouger. David savait cependant que c'était inutile : son système nerveux était partiellement immobilisé pendant les cinq premières minutes après son réveil, afin d'éviter toute violence de sa part. Il y a en effet de fortes chances qu'il soit dangereux lorsque son esprit reprenne sa place dans son corps.

Il choisit de le réconforter :

- Détends-toi. Ferme tes yeux si tu le souhaites.

Il posa sa main dans la sienne, afin de le rassurer, mais ce fut l'effet inverse qui se produit. David l'enleva donc en se forçant de rester tranquille.

Ecoute-le. Détend-toi, détend-toi. Ce n'est pas ton ennemi. Il essayait de se contenir, de suivre les conseils de David, de ce personnage qui ne lui inspirait pas encore confiance. Il réussit à assoupir son esprit.

Il tenta un mouvement, en signe d'excuse vers l'homme qui l'observait chaleureusement... et sa main se leva. Je ne suis plus paralysé. Un filet d'air chaud le parcourut, et lui procura un bonheur intense. Son visage se crispa, et il réussit à esquisser un sourire.

Il fut un instant partagé à l'idée de pouvoir revenir sur son plan de départ, et de se jeter sur David pour fuir le vaisseau. Mais il éloigna ce sujet d'un mouvement de tête.

Il espaça ses lèvres, tentant de faire sortir des mots :

- Ou... ui... ?

Mais ce n'était que des sons. Il ne s'attendait pas à cette difficulté : le langage. Bien qu'ancré profondément dans la mémoire, il ne revenait pas en un instant.

- Prends-ton temps, lui conseilla David.

Il inspira profondément. Est-ce que je suis encore dans le vaisseau spatial, ou chez moi ? Est-ce que je suis vivant, ou mort ? Chancelant, il se concentra sur tous les éléments qui faisaient sortir des paroles : le larynx, la langue, les cordes vocales, le souffle...

Il ferma les yeux comme le lui avait conseillé David. Puis tout sortit d'un seul coup :

- Où suis-je ?

David soupira discrètement, rassuré qu'il ait réussi à retrouver le sens des mots rapidement.

- Tu es dans le vaisseau Candars II, dit-il.

L'apprenti acquiesça. Mais ce n'était pas la réponse qu'il attendait. Il tenta autre chose :

- Nous allons vers où ? dit-il d'un air désespéré, hagard.

- Vers Vénus, répondit-il calmement. Nous avons décollé il y a maintenant un jour.

Un bond lui percuta la cage thoracique. Nous avons décollé. Il répéta ces mots dans sa tête, comme s'ils paraissaient invraisemblables.

Il mit quelques secondes avant de se rendre compte de la situation. Son crâne parut soudainement sous le point d'exploser.

- Nous ne sommes plus sur Mars ? demanda-t-il, rempli d'indignation.

David lui jeta un regard plein de bon sens.

- Non.

En voyant la mine interrogée et tétanisée de son interlocuteur, il détailla sa réponse.

- A la seconde où je te parle, nous sommes à dix millions de kilomètres de Mars.

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