- Réveille-toi. Matthew. Réveille-toi.
Il entrouvrit lentement les paupières, éblouit par une clarté méconnue de ses yeux.
- Réveille-toi.
Il n'était plus dans la salle qu'il avait quittée. Il était sur Soltanis, dans la base principale, que son père lui avait déjà décrite mille et une fois.
Il écarquilla les yeux, tentant de reconnaître les détails du visage de l'homme en face de lui. Cette voix, ce ton. Cela lui rappelait tellement de souvenirs. Il se concentra sur ces deux yeux, qui l'observaient attentivement.
- Tu vas bien ?
Aucun doute. C'était bien son père. Cela lui procurait tellement de bonheur de le voir ainsi, en vrai, et d'entendre sa voix.
Il sourit, éperdu de joie. Il ne savait pas comment, mais il avait réussi à le retrouver. La seule chose qu'il souhaitait, à présent, c'était de rester le plus longtemps. Si au moins son esprit lui donnerait une telle offrande.
- Oui, je vais bien, dit-il en essayant de se lever de son lit.
- Attends, chaque chose en son temps, lui conseilla son père en le repoussant doucement dans son lit.
Son père reporta son sourire sur son fils. Lui aussi semblait joyeux.
- Comment se passe ta vie dans le système solaire ?
Un choc frappa soudainement le cœur de Matthew. Il n'était pas là, en réalité. Il était là seulement grâce à la force des rêves. Il devient soudainement blême. Il tenta de maintenir le lien entre son esprit et son imagination. Il le sentait : il se fragilisait. Et il savait que si le lien se rompait, alors il retournerait dans son malheureux monde.
Il décida de vivre cette scène merveilleuse le plus longtemps possible, comme si elle se déroulait réellement.
- Et toi, comment ça avance sur Soltanis ?
Son père mit un temps pour réfléchir :
- Pas mal. Au début, c'était très dur, mais, on s'y habitue. On renouvelle les plannings, on continue à vivre comme on le peut.
- Quel est votre projet en cours ?
- En ce moment, nous rassemblons des matériaux, afin de construire une fusée. Cette fusée nous transportera sur les planètes avoisinantes, et là, peut-être qu'une infime chance nous ramènera sur Mars...
Il se pencha légèrement vers son fils.
- Ta présence me fait du bien. Et toi, que fais-tu sur Mars ?
- Je ne suis plus sur Mars, répondit Matthew, d'un air sombre.
- Où es-tu ?
- Je suis dans l'espace, sur un vaisseau du nom de Candars II, dit-il en essayant de se frayer un passage jusqu'à la mémoire de son conscient. Ils m'ont séparé de ma mère...et de Mars... Ils ont capturés Jonathan avec moi.
Son père parut tout à coup affolé.
- Retrouve ton ami. Il faut absolument que tu t'enfuies de ce vaisseau. Ta vie est en danger ici. Surtout, éloigne-toi de David, éloigne-toi de tous les adultes du vaisseau. Ils sont mauvais. Ils risquent de conduire à ta perte, et à celle de l'humanité.
Il avait tellement envie de demander « pourquoi ? », mais pendant qu'il disait ces paroles, il se sentait aspiré par son conscient. Il retournait dans le monde réel.
- N'oublie pas ce que je viens de te dire Matthew, c'est très important. A bientôt mon fils, j'espère que nous nous reverrons...
Son esprit arriva comme dans une boucle temporelle, et regagna sa place dans son enveloppe corporelle.
Matthew se réveilla brutalement, en sueur, haletant. Sa vue était brouillée. Il entendait différents sons, qu'il ne parvenait pas à analyser. Tout était calme.
Il dut mettre un certain temps de réadaptation pour que ses sens retournent à leur état habituel.
Il était de nouveau dans sa cabine. Il se souvenait de ce qu'il avait vécu dans son subconscient. Mais c'était impossible pour lui de se remémorer les instants juste avant qu'il ne s'endorme. Il força sur sa mémoire. Impossible de lui faire cracher ses souvenirs. Ils étaient comme... emprisonnés.
Il put cependant reconnaître quatre infirmières, qui touchaient des instruments, et une personne à son chevet. Il sursauta lorsqu'il le reconnu. Le dernier mot qu'il avait entendu de lui, et qu'il avait associé avec lui, était « mauvais ». Le premier réflexe qu'il eut fut de s'éloigner de lui, bien que ses membres ne répondissent pas au signal nerveux.
Ce sentant obligé de bouger, il força de nouveau sur ses articulations, en vain.
David, à son chevet, sourit.
- Détends-toi. N'essaie pas de bouger. Tout va bien.
Il crut un instant que la voix de son « tuteur » le rassurait, mais non. Elle ne faisait qu'empirer les choses.
Il tenta de soupirer, de s'apaiser, en se concentrant sur son souvenir, celui de son père.
Une femme entra dans la pièce. David se leva, et avança vers elle en la voyant arriver. Ils discutèrent entre eux sans que Matthew puisse entendre leur conversation. Finalement, son « tuteur » quitta la salle, et la femme s'assit à son chevet. Comme il s'en doutait, il s'agissait de Saks.
- Tu vas bien ? demanda-t-elle.
Sa présence avait un effet rassurant, il ne pouvait pas le nier. Il entrouvrit la bouche. Un mélange de oui et de non en sortit.
- Une infirmière m'a expliqué ce qui s'était passé. J'étais partie de la pièce lorsque l'infirmière chargée de ta rééducation était entrée. Vous étiez resté dans la cabine, et elle a commencé à te faire marcher. Elle t'a entraîné en te faisant effectuer différents tests. Ton comportement était tout à fait normal. Elle m'a même confié que tu allais beaucoup mieux. Mais, alors qu'elle allait te faire sortir de la cabine, tu t'es évanoui, « comme si tu avais pris une décharge », m'a-t-elle dit.
Matthew observa les deux prunelles qui le regardaient. Il se souvenait de tout.
- Elles en ont conclu que c'était normal, après ce que tu avais vécu, conclut-elle. Tu n'as pas à t'en faire.
Le jeune homme parut presque rassuré qu'elle ne lui ait pas demandé de lui raconter ses rêves.
Il avait pourtant la nécessité de se confier à quelqu'un pour pouvoir lui expliquer ce qu'il avait vécu. Quelqu'un de confiance qui saurait lui dire la vérité sans la divulguer à autrui. Jonathan. songea-t-il. Encore lui, toujours lui. Il devait le retrouver. Mais pour l'instant, il n'était pas là. Seule Saks était là.
- Pourquoi David est-il venu ? Je croyais qu'il travaillait...
- C'est quelque chose que tu ne peux pas encore comprendre. Je lui ai demandé l'autorisation de t'expliquer ton rôle ici, mais le Commandement affirme qu'il faut encore attendre.
Elle parlait sur un ton de lassitude, comme si elle aussi était exaspérée par les événements.
- Quand est-ce qu'il reviendra ?
- Il m'a promis qui s'occupera de toi dès demain. Il s'est engagé à convaincre le Commandement de tout te dire.
Matthew ne répondit pas. Il n'espérait qu'une seule chose : qu'il tienne sa promesse.
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Insurrection
Science FictionLes Temps Sombres sont révolus. Personne ne sait ce qui s'y est réellement passé. Une épidémie ? Une guerre ? Seule une chose est sûre : l'humanité a été presque éradiquée, laissant seulement un million de survivants. L'an 0 a été annoncé à la fin...