Ses interrogations se multipliaient. Les réponses restaient suspendues à des plafonds encore trop élevés pour qu'il puisse les atteindre.
Depuis le cours d'Histoire, il scrutait chaque structure martienne avec attention pour espérer y déceler les traces d'une Roue du Temps. Cependant, il savait que si des personnes passionnées par ce sujet n'en avaient pas trouvées, il n'avait presque aucune chance d'en découvrir une. « Vous pouvez trouver tout ce que vous voulez lorsque vous savez où le chercher... » avait dit Mme Lyn. Il baissa la tête vers le sable, résigné à patienter.
Au loin, il apercevait le spatioport, doyen parmi toutes les habitations rondes. Cela lui fit repenser à l'enregistrement du matin. Le coup de feu lui revint en tête, ainsi que la nuit où il avait entendu les cargos décoller.
Il se souvint soudainement du message crypté de David. Il se rendit compte que les enregistrements avaient absorbé son attention durant toute la matinée, si bien qu'il avait complètement oublié de le lire.
Mais avant de passer le seuil de l'habitation, ce ne fut pas la première chose à laquelle il pensa. Ma mère... Il se fit une courte prière mentale, espérant qu'elle soit revenue.
La porte coulissa.
Edna était là, en face de lui, assise sur un fauteuil. Elle le regardait droit dans les yeux. Pendant un instant, il crut faire face à une autre personne. Il montra un mouvement de recul.
- Je t'attendais, dit-elle en souriant. Elle se leva. Ta journée s'est bien passée ?
Uris hésita à lui demander la cause de son absence ce matin, mais cela voudrait dire que lui aussi devrait se justifier. Il se contenta d'acquiescer en hochant la tête. Ce qui comptait, c'était qu'elle soit là.
Edna s'éloigna vers la cuisine d'une démarche presque joyeuse et Uris monta sur sa mezzanine sans chercher à comprendre la raison de son enthousiasme.
Après avoir vérifié que sa mère restait dans la cuisine, il saisit sa tablette et lança le logiciel de décryptage. Qu'as-tu à me révéler David ?
Le message était devant ses yeux.
« Viens à l'institut demain à cinq heures. Ne sois pas en retard. »
Je veillerais à y être demain.
Uris ne resta pas méditer sur le sujet. Il descendit manger avec sa mère.
Lorsqu'il la vit, il sentit son cœur faire un bond. Une multitude de larmes perlaient sur ses jours. Elle avait le regard vide et elle était si pâle que la vie semblait avoir quitté son corps.
- Je n'aurais jamais dû faire ça, murmurait-elle. Je n'aurais jamais dû...
Uris s'avança à pas lent. Avant de la réconforter, il voulut savoir la cause de ce changement d'émotions.
La table était allumée.
Il vit, en train de scintiller, une ville martienne, qu'il ne sut nommer en raison de la similitude qui reliait toutes les cités martiennes sous l'emblème de la planète rouge. Rien ne semblait dramatique au premier abord.
Il remarqua ensuite une étrange fumée s'élever du centre de la ville vers l'atmosphère artificielle. Ses yeux s'écarquillèrent. . Des cris surgissaient de nulle part et un message était diffusé en boucle : « Avis à tous les habitants de Nerthela, alerte de niveau V. Regagnez immédiatement vos habitations. L'atmosphère artificielle sera désactivée dans peu de temps à cause des gaz s'échappant de l'incendie. »
« Ce drame est le plus meurtrier de ce nouveau siècle, commentait une journaliste. Les autorités sont sûres que cette acte était prémédité et réfléchi. Leur mode d'agissement reste cependant inconnu... »
La vidéo se poursuivit sur des images rapprochées du bâtiment. Les braises encore fumantes étaient les seules traces de lumière qui s'en échappait. Le reste était dévasté, noirci par la fumée et les cendres. Seuls quelques pans de murs tenaient encore debout, menaçant de tomber. Sur l'un d'entre eux était inscrit « Inanis », entouré d'un cercle semblable à une auréole. La fumée était si épaisse que seuls les murs extérieurs étaient encore visibles.
Qu'est-ce qui a pu causer de tels dégâts ?
« ...selon certains témoignages, des cargos inhabituels seraient atterris au spatioport dans la matinée... »
Pourquoi ont-ils fait cela ?
Il jeta un coup d'œil à sa mère, qui n'arrivait plus à sortir un seul mot, ravagée par un flot de larmes.
Qu'est-ce qui la chagrine tant ?
« ...le Gouverneur martien a demandé à la compagnie chargée de gérer les transports spatiaux de lui fournir les effectifs des cargos, mais la compagnie a refusé toute diffusion de ces rapports, tenant à garder une « marge de manœuvre sur les événements » et décrétant que faisant partie du domaine privé, elle n'avait « aucune redevance à faire à l'Etat. Staten Naaris a d'ailleurs décidé de ne pas réagir à ces informations pour le moment... »
Mère ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
« ...selon les secours, qui sont intervenus juste après le drame, il n'y a eu aucun mort. L'usine était fermée au moment du drame... »
Personne n'est mort.
« ...mais ceux qui ont été envoyés, là-haut, par le biais des tunnels quantiques, sont à présent voués à y rester jusqu'à la fin de leurs jours... »
« Croyez-vous qu'il est possible de les faire revenir, par un matériel quelconque, en créant un portail similaire ? demanda une voix masculine. »
« Non, c'est impossible. Même si la science a des pouvoirs presque infinis, elle aura toujours une limite. Les employés d'Inanis sont formels : les hommes qui ont été envoyés là-haut ne pourront jamais revoir les rayons du Soleil... »
Les deux dernières voix qui venaient de parler scindaient un destin irréversible.
« Oui, à moins que les miracles existent, les Spationautes ne verront plus jamais la couleur du sable martien... »
Uris reconnaissait le bâtiment qui brûlait de mille feux. C'était l'endroit où son père travaillait, l'endroit qui le menait dans l'espace, à l'autre bout de l'univers, qui le maintenait éloigné de lui en permanence.
C'était le portail qui allait s'ouvrir dans dix jours pour lequel il s'était impatienté, en espérant qu'il reviendrait parmi eux.
Mais il ne reviendra pas.
Son père ne reviendra jamais.
Des lueurs sombres l'entourèrent et le noir l'envahi.
Il s'affala à terre, à boutde forces.

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Insurrection
خيال علميLes Temps Sombres sont révolus. Personne ne sait ce qui s'y est réellement passé. Une épidémie ? Une guerre ? Seule une chose est sûre : l'humanité a été presque éradiquée, laissant seulement un million de survivants. L'an 0 a été annoncé à la fin...