Chapitre 25 -Dans l'espace- Deux ennemis, deux camps

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La fumée noire mit du temps avant de se dissiper. Le silence perturbait Matthew. Il hésitait à tirer à l'aveugle. Il se retenait de tousser devant les multiples grains de poussière qui envahissaient la pièce.

Il entendait de légers pas avancer vers lui. Attendre, ou tirer ? Et si les soldats devant lui n'étaient pas un danger potentiel ? Il chassa immédiatement cette pensée de sa tête. Ce sont mes ennemis. se promit-il, sans quoi il n'aurait jamais le courage de tirer.

Découragé par le fait de ne pas voir son adversaire, il voulut trouver un moyen d'éclairer l'entrée et le couloir. Il observa brièvement la nature de son pistolet tout en gardant un œil sur la fumée. Un déflagrateur électrique. lut-il au niveau du canon. Distance : cinq mètres.

Il appuya sur la gâchette, juste avant de penser que lorsqu'il verrait les soldats en face de lui, ils le verraient aussi.

Une décharge électrique sortit de l'arme sous forme sous forme d'arc bleu. Faisant un léger bruit grave, l'arc fonça dans la fumée, et éclaira l'entrée explosée sur son passage. Matthew put apercevoir les soldats stationnés à côté de l'embrasure. Ils étaient quatre, et arboraient une armure verte. Des soldats de la Collaboration... songea-t-il en se souvenant de la garde rapprochée de David.

Il se surprit soudainement à hésiter sur son camp. Deux ennemis se combattaient, deux camps distincts et deux modes de réflexion différents. Seulement, il ne savait pas qu'elles étaient les idéologies des deux factions. David ne lui avait rien dit sur la Collaboration, et il ne savait rien sur la Secte. Il n'avait plus de repère. Lequel est l'ennemi ? Lequel est dangereux ? aurait-il dû se dire.

Une voix vint interrompre sa réflexion.

- Agent X. Répondez.

Matthew sut automatiquement qu'il était l'interpellé grâce à ses précédentes recherches. Cependant, il ne répondit pas. Il hésita à rendre les armes. Pourtant, il sentait que s'il se rendait, il n'aurait toujours pas de liberté. Mais si je veux ma liberté, cela voudrais dire qu'il faudrait toujours fuir. La société dans laquelle je suis n'est pas l'anarchie : elle me suivra jusqu'à me tuer. Si le mot liberté équivaut au mot fuir, le sens du premier serait corrompu.

Il s'imaginait avec Jonathan et sa mère, à la conquête de l'espace dans des vaisseaux volés. Mais la réalité lui revint lorsqu'il entendit la voix sèche et inflexible du soldat.

- Vous avez dix secondes pour venir vers nous, sinon, nous emploierons la force.

Il songea aussitôt à quelque chose d'horrible : s'il voulait sa liberté, il devrait tuer. Il s'agissait d'un véritable supplice de faire un tel choix. C'est impossible ! Mais c'était la liberté qui l'animait, qui le poussait à exister, à vivre. En entendant le soldat commencer son décompte, il n'hésita plus, soudainement perdu dans une étrange dimension parallèle. Il vit un instant son père. Puis il perdit le contrôle de son corps et de son esprit. Une nuance aveugle perturba son regard. Son instinct prit le dessus. Il tira une seconde fois en prenant soin de bien viser. La décharge fendit l'air pour atteindre le corps d'un des soldats.

L'instinct libéra l'esprit de Matthew, mais il était trop tard : la décharge électrifiait le soldat, dont le corps se convulsa avant de s'effondrer sur le sol. Ses coéquipiers tournèrent la tête vers lui, horrifiés par ce qu'il venait de se passer. L'un d'entre eux se jeta sur son compagnon, tandis que les deux autres observèrent Matthew d'un œil sans pitié.

Le jeune homme ne se sentait pas bien. Il se rendait enfin compte de ce qu'il avait fait. Pour la première fois, il avait tué. Son fusil tomba de ses mains, puis il s'effondra à son tour.

Il avait tué pour sa liberté.

Il ne comptait plus les attaques qu'ils faisaient vainement et les ressources qu'ils utilisaient. Ils échouaient à chaque fois. Les vaisseaux ennemis étaient intouchables et le dôme protection de Candars II avait été activé beaucoup trop tard, et cette grave erreur avait couru à leur perte. David était débordé. Seule une action avait réussi : celle qui avait conduit sa troupe d'élite vers Matthew. Elle avait d'ailleurs communiqué avec lui en disant que le jeune homme ne coopérait pas. Il avait immédiatement ordonné de le prendre de force. Ils n'avaient pas le droit de perdre du temps.

Maintenant, il tournait en rond sur son estrade, donnant des ordres à tout va, et répondant aux questions qui le submergeaient.

Il interrompit l'un de ses collègues lorsque son bracelet vibra deux fois de suite. Son visage, bien que déjà attristé, se tordit d'abandon. Cela signifiait que l'un de ses soldats était mort, parmi des dizaines d'autre. Nous ne pouvons plus nous permettre d'en perdre d'autre.

Il vérifia tout de même le lieu de son décès. S'attendant à le trouver devant la brèche, il était dans un tout autre lieu. Au parfait opposé. Le secteur et l'endroit précis s'affichèrent en haut à droite de l'écran.

Lorsqu'il vit que c'était l'un des quatre soldats d'élite qu'il avait envoyé, son visage se crispa de rage. Qu'est-ce que tu fous, Matthew ? Il voulut soudainement le voir en face de lui, afin de lui donner la sanction qui allait avec. Il n'avait pas le droit de faire cela !

David se sentit soudainement impuissant devant la situation. Il ne pouvait rien faire : il devait rester à son poste.

Mais lorsque les trois autres points verts disparurent ce fut son corps et son esprit qui explosèrent. Il n'en pouvait plus de contenir toute cette énergie rageuse. Il la libéra d'un seul coup en frappant l'écran en face de lui avec son poing.

- MERDE !

Le verre se répandit en morceaux à ses pieds.

Il ignora ses collègues, qui l'observaient de travers. Tandis que le point de l'agent X disparaissait à son tour.

J'ai tué. J'ai tué. J'ai tué. Matthew se répétait ce mot à chaque seconde, ajoutant à chaque fois un nouveau sens à sa signification.

Ses sens étaient saturés de partout : une fumée blanche venait de lui embuer la vue et l'odorat, un bruit semblable à un ultrason agressait ses oreilles, tandis que des picotements résonnaient sur son corps tels des fourmis. Ses cinq sens embrouillés, il n'était plus capable de se contrôler, ni même de réfléchir. La seule pensée qui lui venait restait la même : il avait tué. Ce mot, ainsi que le sens de tous ceux qui s'y rapportaient, le laissaient figé. Il ne parvenait pas à saisir que la vie avait quitté le corps d'un homme par sa faute.

Il se sentait transporté. Ses yeux parvenaient à relever quelques images, mais sa mémoire les effaçait avant qu'il ne puisse les analyser.

Il se sentait seul. Un esprit vide dans un corps inutile. Sans lui, sans son caractère, son mode de réflexion, sa présence, le monde ne serait pas bien différent. Si un humain venait à quitter le beau berceau de la vie, on remarquerait rapidement que sa présence aura été aussi inutile que celle de tous les autres. Seulement, on leur disait toujours que plusieurs individus formaient un ensemble, et qu'un ensemble était nécessaire : il avait un rôle à jouer, qu'il soit bon ou pas.

Il pensait à cela car ce qu'il voyait était effectivement un groupe de personnes. Il n'interprétait toutefois toujours rien. De ce fait, la nature de ces humains lui était inconnue. De quel camp étaient-ils ? De quelle manière réfléchissaient-ils ? Comment allaient-ils le traiter ?

Quelle importance ? Ce sont des humains.

Ces dernières pensées le désarmèrent. Il sentit ses muscles se relâcher, son esprit retomber dans un vide inexplicable.

Pour la seconde fois dans sa vie, il eut l'impression de mourir.

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