Il n'y a que dans les limbes du sommeil qu'il pouvait retrouver sa vie d'avant, qu'il pouvait échapper à son existence profanée. Il rêvait d'un monde normal, où ni les atmosphères artificielles, ni les tunnels quantiques existaient. L'évolution humaine n'avait pas encore mené à ces découvertes incomprises et indispensables, rendant l'humanité dépendante de technologies instables. Il voyait une Terre verdoyante, où les humains ne faisaient que naître. Ils vivaient déjà avec des habitudes élaborées, avec des outils utiles, mais la paix était bien là. Une étrange harmonie similaire à celle sur Soltanis émanait de tous les pores des êtres sur ce monde. L'angle de vue commençait à s'éloigner de la Terre, jusqu'à ce qu'elle apparaisse entièrement, bercée par la lumière que le Soleil influait en arrière-plan.
Will ouvrit les yeux. Lorsqu'il se réveilla, il crut durant quelques instants que ce monde était réel, qu'il allait ouvrir les yeux sur une terre paradisiaque non convoitée mais partagée. Son espoir fut de courte durée.
Il se leva promptement. Une fois debout, son regard tomba sur ce petit médaillon, perdu dans les méandres de la matière fileuse qui formait son lit. Il resta un instant sans bouger, puis il se baissa lentement et tendit une main tremblante vers le collier. Une impuissance l'envahit. Il se laissa tomber sur son lit, sa main gauche refermée durement sur le médaillon. Il mit quelques instants avant de se décider à ouvrir ses doigts. Au prix d'un grand effort, il observa ces deux anneaux enroulés l'un dans l'autre.
Il revit son fils, qui n'avait alors que dix ans. Il lui tendait ses jeunes mains, dans lesquelles brillaient les deux anneaux.
« Tu te demandes comment j'ai fait pour les mettre l'un dans l'autre. » avait-il dit de sa jeune voix en souriant d'un air narquois et fier.
Will s'était approché et avait approché ses mains de celles de son fils. Il saisit doucement l'objet et l'observa, intrigué.
« Qu'est-ce que c'est ? »
« C'est pour toi, quand tu pars sur ta planète lointaine. Le plus petit cercle, c'est moi, et le plus grand, c'est toi. »
Son fils reprit l'objet d'un geste vif et tira sur les deux anneaux, qui se cognèrent dans un léger bruit.
« Nous sommes inséparables, comme eux. » avait-il ajouté en rendant le médaillon à son père.
« Merci. » avait-il répondu sans rien ajouté. Il savait d'ores et déjà que ce souvenir allait lui servir dans l'avenir.
Son fils sortit un second objet identique de sa poche.
« Si jamais tu le perds, j'en ai un autre. »
Will émit un petit rire. En comprenant que son père avait compris sa supercherie, le jeune garçon ajouta d'un air coupable :
« En réalité, je les ai trouvé dans les tiroirs de ton bureau. Ça ne te dérange pas ? »
« Non, bien sûr que non. »
Puis il s'était éloigné en courant d'une démarche joyeuse.
Will soupira lentement, heureux de revoir ce souvenir, mais torturé de comprendre la quantité de tristesse que cela lui procurait. Il vida ses sentiments dans un flot de larmes et de souffrance.
Son entraînement l'avait pourtant rendu presque insensible aux émotions, et il se devait de le respecter. Il essuya ses larmes d'un geste brusque et contempla l'horloge au fond de sa cabine. Ils avaient tous ramené un objet de ce type pour se rappeler chaque seconde qui était son pire ennemi ici. Le temps.
Sur Soltanis, il s'écoulait deux fois moins vite que dans le Système Solaire. Plus ils restaient de temps sur la planète lointaine, plus ils s'éloignaient de la réalité martienne et terrestre et plus le tunnel quantique avait du mal à les faire revenir dans le temps pour que leur existence concordât avec la planète rouge. Les missions ne devaient donc pas durer plus de 700 jours sur Soltanis – soit presque l'équivalent d'un an sur Terre – sous peine d'un non-retour dans le temps à la réalité et d'une suite de phénomènes sortant du contrôle scientifique déjà faible sur ces notions.
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Insurrection
Ciencia FicciónLes Temps Sombres sont révolus. Personne ne sait ce qui s'y est réellement passé. Une épidémie ? Une guerre ? Seule une chose est sûre : l'humanité a été presque éradiquée, laissant seulement un million de survivants. L'an 0 a été annoncé à la fin...