À grands coups de peinture

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Après le rangement forcé des courses, nous passâmes le reste de la journée à mater des films d’horreur, les garçons ruinant les ambiances effrayantes. 
****
-Tu croyais pouvoir échapper à ton destin en tentant de te tuer ? Me demanda un homme brun, aux yeux perçants de bleu.
Je ne répondis pas, me contentant de fixer mes pieds nus.
-N’ai pas peur, je tiens à toi comme à ma propre fille. Je te protégerais contre toi-même, me déclara-t-il en me serrant contre son torse.
Il puait la charogne.
-Oncle Matthis pouvez-vous me lâcher ? Demandais-je, aussi froide qu’un glacier.
Il me regarda surpris de ma demande.
-A l’époque tu m’appelais plutôt Antoine, me fit-il remarquer.
-Je ne suis pas elle. Nous avons des histoires différentes mais vous continuez de l’ignorer. Qu’attendez-vous de moi ?
Il me serra la gorge mais je ne bronchai pas.
-Que tu effaces la partie de ma mémoire où tu n’étais pas avec moi.
-Comme si j’allais le faire. Ca reviendrait à détruire une légende vivante et je ne veux pas être assimilée à vous en étant votre destructrice.
Il me colla violemment contre un mur.
-Et cesse de m’appeler Oncle Matthis, tu sais très bien que je ne me suis fait passer pour cet ivrogne que pour t’approcher, ma douce.
-Vous êtes professeur je pourrais vous faire passez pour un pédophile si je le voulais, déclarais-je, vide de toute émotion.
-Tu ne le feras pas, me rétorqua-t-il. Elle vit en toi, elle t’en empêchera.
Je fis un sourire malsain, sadique.
-Et qu’est-ce qui vous fait croire que je ne l’ai pas tuée ?
Un sourire plein d’amour s’afficha sur son visage.
-Parce que sinon je ne pourrais pas faire ça…
Et il m’embrassa sans me demander mon avis.
-Vous n’êtes qu’un faible !
-Et tu es mon égale…
****
Je m’éveillais en sueur sur le canapé, les garçons ronflant parterre, la manette encore dans la main. Le rêve que je venais de faire me dérangeait fortement surtout cet Antoine…Ou ce Matthis ?
Si je faisais ce que m'avait décrit Marcus, aurais-je la réponse à ma question ? Est-ce que je ne saurais pas, à moi toute seule, une source de problème en plus sur les épaules de mes proches ?
Quelque chose me fit dire que je l'étais déjà...
Je pris mon manteau du porte-manteau et sortis à l'extérieur où un froid glacial m'enveloppa toute entière.
Il était temps que je saches !
Je me dirigeais à l'aide de mon portable et de son application "lampe torche" à travers les arbres de la foret qui entourait la maison. J'y vis quelque animaux comme des chouettes ou des chevreuils mais ils ne vinrent jamais me voir, trop effrayé sans doute, par ma peau luisante de blanc à lueur de la lune et de mon portable.
Je m'arrêtais dans une petite clairière un peu cachée par un plus épais feuillage, je ramassais une branche cassée parterre.
-Je veux savoir, déclarais-je d'une voix décidée.
Je me tailladais un peu les veines avec la branche.
-Ce n'est pas possible...Sanglotais-je.
Un épais liquide noir s’échappait de la blessure et je la regardais comme si c'était la chose la plus répugnante au monde.
Je tombais à genoux sur les feuilles mortes et la terre.
-Je ne peux pas...Ça ne peut PAS...On n’a pas le droit de me faire ça à moi...Moi qui suis morte !
Il y avait la lune. Il y avait les feuilles mortes, les arbres, les branches brisées. Il y avait une adolescente se roulant dans la terre, pleurant toutes les larmes de son corps et cette adolescente...C'est moi.
Mais quel destin on m'a refilé !?
Je suis restée là, longtemps, trop traumatisée, trop triste...Trop tout en fait. Mes lèvres ont finis par virées au bleu sombre et des frissons parcourraient ma peau par intervalles réguliers.
Repliée sur moi-même en position fœtale j'écoutais, un peu absente, les battements de mon cœur.
Bom bom. Bom bom.
Je ne désire plus qu'une chose...Je veux Tami.
BOM BOM. BOM BOM.
Je me relève un peu chancelante. J'agrippe une racine et appuis de tout mon poids dessus, elle craque.
Je ne sais pas pourquoi mais ça me rassure, je me sens réelle.
Je rentre à la maison sans lumière, dans le noir complet en attendant l'aube.
J'avance d'un pas mécanique, comme une machine réglée au préalable qui avance sans autre but que celui fixé par plus important quelle.
J'aperçois la maison, toutes les lumières sont allumées. Ils sont s'en aucun doute inquiets de ma disparition...
J'allume mon portable.
6h38
Je devrais être dans mon lit à cette heure-ci...
J'avance doucement, je ne fais aucun bruit et à cette heure le vent souffle fort alors je n'ai pas à m'inquiéter.
J'aperçois la porte du garage et soudain une envie étrange me vient.
Je veux peindre.
Je l'ouvre dans le plus grand des silences mais n'allume pas de peur d'alerter ceux d'en haut.
Je fouille un peu dans les placards et trouve ce que je cherche : des pinceaux et de la peinture. En revanche j'ai beau fouillé, je ne trouve pas la moindre trace d'une toile.
Je me retourne vers le mur gris encombré d'étagères. Je les pousses une à une aux recoins de la pièce.
Ce mur sera ma toile, l'instrument qui me servira à déverser ma colère et ma tristesse mais aussi ma joie.
J'agrippe fort le manche d'un gros pinceau et le trempe rageusement dans le seau qui contient de la peinture bleue.
Je mets un grand coup sur le mur, des éclaboussures m’atteignent sur la joue.
-POURQUOI L’ETOILE D’EVE ?! Hurlais-je.
Je trempe mon pinceau dans la peinture rouge et trace de grands arcs de cercle sur le mur.
-VOUS N'EN AVEZ PAS EU ASSEZ AVEC MA PRECEDENTE VIE ?!!
Je le trempe dans la peinture jaune et trace une grande croix.
-J'AI FAIS QUELQUE CHOSE DE MAL ?!
Je le trempe dans le sceau qui contient la peinture noire et en étale sur le mur en faisant des spirales désordonnées.
-FALLAIT-IL QUE JE ME RE-TUE ENCORE ?!!!
Cette fois-ci j'attrape le sceau qui contient la peinture verte et le jette un grand coup contre le mur. Je me retrouve aspergée, tout comme le mur, de peinture verte pomme.
J'agrippe un à un les sceaux et les balancent contre le mur, explosant de rage.
Je remplis un sceau propre d'eau et jette l'eau qui claque contre le mur. La peinture coule.
-VA TE FAIRE VOIR SALETE DE DESTIN !
Je chope un pinceau sur l'établi et le lance violemment contre le mur. Il explose en milliers de débris.
Je colle un poing au mur, puis deux, puis trois. Ma main s’écrase, telle une chose morte contre le mur.
Toute ma nature de goule resplendie dans ma colère.
J'arrache un fil électrique qui pend du mur, de l'électricité jaillit du bout où il a été coupé. Je le plaque violemment contre le mur ce qui fait jaillir des éclairs à travers la peinture.
Sans réfléchir, je prends un pot de vernis qui traine sur l'une des étagères et trace un œil qui ressemble aux hiéroglyphes égyptiens.
Je m'assis parterre observant le désastre. Mine de rien, ça m'a fait un bien fou.
J'aperçois enfin Marcus, Tami, Didi, Joseph et Jacquie assis sur les marches m'observant un grand sourire sur chacune de leurs lèvres.
-Fais chier, jurais-je avant de m'effondrer parterre, sourire aux lèvres, toute ma colère libérée.

Tami [VERSION INITIALE TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant