Le lendemain, en me réveillant, je me sentais troublée. Le comportement du capitaine n'avait cessé de me tourmenter durant toute la nuit, et je n'avais qu'une envie : être seule. Et comme c'était le jour d'aller voir Nuage, l'occasion était rêvée. Je me levai rapidement, m'habillai sans prendre garde à la robe que je passais, et attachai mes longs cheveux en une épaisse natte, que je laissais libre. Les chignons pesaient sur mon crâne, et je ne les supportais parfois plus.
Je sortis de ma chambre, ma pèlerine à la main, et descendis rapidement les escaliers. Dans le hall, il n'y avait personne. En revanche, j'entendais des voix en direction de la grande salle à manger. Les soldats devaient y manger. Silencieusement, je passai devant la pièce, et sortis de la demeure. Je ne me détendis qu'en parvenant à l'orée de la forêt, sûre que personne ne me suivait. Un vent frais me fit frissonner, alors je passai la pèlerine en chantonnant, me dirigeant vers l'enclos de Nuage. C'était un petit faon que j'avais recueilli avec la mort de sa mère, et je venais tous les trois jours le voir, pour ne pas trop l'habituer à ma présence. Car je savais bien qu'un jour, j'allais devoir le relâcher.
J'arrivai devant son enclos, et le vis se recroqueviller dans un coin. Ce comportement était habituel. Je sentais malgré tout qu'il m'aimait bien, et c'était aussi mon cas. J'ouvris doucement la petite porte de son enclos, et pénétrai dedans avant de la refermer. Puis, je m'agenouillai parmi les feuilles mortes, et tendis la main pour qu'il vienne vers moi. Il fit un pas en hésitant, perché sur ses longues et fines pattes, puis se rapprocha un peu plus de moi.
Mais soudain, j'entendis une brindille craquer dans mon dos, et Nuage fila se réfugier dans un coin en tremblant. Je tournai vivement la tête, et ouvris la bouche de stupeur en voyant Baptiste s'avancer vers l'enclos. Sa haute stature me remua les entrailles, et je devais me concentrer pour ne pas le dévisager avec insistance. Il se posta devant les petites barrières, un sourire aux lèvres :
« - Voilà donc pourquoi vous sembliez si pressée de partir.
- Pourquoi m'avoir suivie ? Que croyiez-vous ? Que j'avais... Je ne sais pas, un amant ? »
Mon ton était sec, pourtant je sentais mon cœur battre plus vite à cause de ses prunelles grises fixées sur moi. Il se contenta de sourire, et je compris que ce qui n'avait été qu'une bravade était vrai. Il pensait vraiment que j'étais partie rejoindre mon amant ! Sans réfléchir, je me relevai brusquement pour venir me planter devant lui, et m'écriai :
« - Mais de toute façon, cela ne vous regardait pas ! Et... Comment pouvez-vous me prendre pour une fille comme ça ?! »
J'étais à deux doigts de le souffleter, folle de rage. Mais je me souvins de la présence du faon, alors eus un dernier regard sombre pour le capitaine avant de retourner m'agenouiller au milieu de l'enclos. Mais, au lieu de partir, il vint s'accroupir à mes côtés. Je serrai la mâchoire, tournant la tête vers lui pour planter mes yeux dans les siens :
« - Que faîtes-vous ?
- J'apprends à vous connaître. »
J'ouvris la bouche pour répliquer, mais ne savais que dire. Ma colère fondait comme neige au soleil. Et étrangement, cette phrase me tordit les entrailles. Pour dissimuler mon trouble, je tendis la main vers Nuage, l'encourageant en murmurant des mots en irlandais tandis qu'il avançait en hésitant vers moi :
« - Viens par-là, petit faon... Voilà, comme cela. Avance encore un peu... »
Il finit par caresser ma paume de son museau, puis appuya sa petite tête contre ma main. J'eus un sourire, et soufflai :
VOUS LISEZ
Raison ou sentiments ? ✅
Historical FictionUn conflit oppose depuis des années les catholiques et les protestants du pays. Les premiers veulent renverser le roi pour mettre en place un régime plus juste, tandis que les autres souhaitent conserver ce souverain. Au milieu de la guerre civile...