15. Si tu savais à quel point tu me manques...

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« - Mamzelle Jeanne, souriez un peu... »

Je sortis de mes pensées pour faire face à l'ensemble des domestiques. C'était mon anniversaire, et ils avaient eu la gentillesse de me préparer un gâteau. Mais... Je ne parvenais pas à être heureuse, et ce depuis cinq mois. Cependant, je me forçai à étirer un sourire, et déclarai :

« - Merci... Merci à tous. »

Ils eurent l'air soulagé, même si Madge me fixait, l'air peu dupe. J'évitai son regard pour avaler une bouchée du gâteau. Il était délicieux, mais il eut du mal à passer ma gorge. J'observai d'un œil détaché les domestiques évoluer autour de la table. Soudain, j'entendis la cuisinière me soupirer :

« - Mamzelle Jeanne, essayez de l'oublier un peu, vot' capitaine... »

Je sentis mon cœur se serrer, et marmonnai :

« - Je n'y arrive pas. Il m'a promis de revenir.

- Et il vous a pas écrit depuis combien de temps ? »

Je détournai le regard, et finis par murmurer :

« - Cinq mois. Mais peut-être que... Qu'il est blessé, ou...

- Ou il est mort. »

Je reniflai, ne voulant surtout pas pleurer. Pourquoi Madge s'obstinait-elle à remuer le couteau dans la plaie ? Je souffrais déjà bien assez comme cela ! Mais elle me souffla en me frottant l'épaule :

« - J'veux pas être désagréable mamzelle Jeanne, mais je supporte pas d'vous voir comme ça. »

Je reportai mon attention sur elle, les sourcils froncés :

« - Je vais bien.

- Bien sûr. J'ai dû repriser je sais combien de fois vos robes, pac'que vous vous laissez aller. »

Je lissai ma jupe du plat de la main, et marmonnai :

« - J'ai juste... Moins faim qu'avant. »

Elle me jaugea de son regard intelligent. Je sentis les larmes me monter aux yeux, et baissai la tête dans ma part de gâteau :

« - Ce n'est pas gentil de me faire pleurer le jour de mes dix-neuf ans...

- J'veux pas vous faire pleurer. J'veux juste vous montrer que vous espérez trop, pour rien.

- Ce n'est pas pour rien. Il reviendra. Je le sais. »

Elle eut un soupir désabusé, et haussa les épaules :

« - Très bien. Si vous l'dîtes, mamzelle Jeanne. »

Elle s'écarta de moi, me laissant seule. Je reniflai, et déposai soudain mon assiette sur la table avant de sortir des cuisines. J'étouffais.

Je remontai jusqu'à ma chambre, les yeux humides. C'était si dur de devoir faire comme si j'allais bien, alors que je me consumais d'inquiétude et de désespoir ! Je m'enfermai dans ma chambre, et m'écroulai sur mon lit. Je passai une main sous le matelas, et attrapai le paquet de lettres. J'en défis le lien, observant les feuillets s'éparpiller sur la couche. Je me saisis d'un au hasard, et commençai à lire.

Ma chère Jeanne. Je suis sûr que tu ne t'attendais pas à ce que je t'écrive. A la vérité, je devrais plutôt ne pas communiquer avec toi, mais je peux supporter cette distance entre nous.

Raison ou sentiments ? ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant