6. Désirez-vous quelque chose ?

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Le soir venu, j'envisageai un instant de prétexter me sentir mal pour ne pas descendre manger en compagnie du capitaine. Je craignais de croiser son regard. Mais cela aurait été un acte de lâcheté, et je refusai de paraître faible aux yeux de cet homme ! Alors je retardai le plus possible l'instant où j'allais devoir sortir de ma chambre. Alors que je regardai nerveusement dehors, plantée devant ma fenêtre, plusieurs coups furent frappés à la porte, et la voix inquiète de mon père me parvint à travers le battant :

« - Jeanne ? Tout va bien ? Pourquoi ne viens-tu pas manger ?

- Oui, je... Je n'ai pas vu le temps passer. Je viens. »

J'avais réussi à maîtriser ma voix, alors que mes mains tremblaient. J'étais si sotte de me troubler ! Baptiste l'avait dit lui-même, il aimait les femmes, alors cela devait bien l'amuser, de jouer ainsi avec moi !

Soudainement et étrangement blessée, je me levai, lissai mon corsage, et ouvris la porte. Je sursautai en manquant de rentrer dans mon père, qui attendait, devant la porte. Un air inquiet assombrissait son visage fatigué, et je m'empressai de lui sourire :

« - Je vais bien, père, j'étais occupée à lire. Je vous remercie d'être venue me prévenir. »

Il me coûtait de lui mentir, mais je ne voulais surtout pas qu'il apprenne la vérité. Vérité que je ne savais définir, tant j'étais troublée. Il sembla soulagé, et me tendit le bras pour aller dans la salle à manger. En feignant d'être amusée, je le pris, et nous descendîmes ainsi les escaliers. Mais à chaque pas qui nous rapprochait de la salle, je sentais mon cœur battre plus vite.

Quand nous passâmes la porte, je vis le capitaine, assis devant un gros plat de viande, qui semblait perdu dans ses pensées. En nous entendant, il releva la tête pour saluer mon père, et son regard gris se posa ensuite sur moi. J'eus l'impression désagréable, mais en même temps horriblement flatteuse, qu'il voyait sous mes vêtements, qu'il me déshabillait du regard. Je me séparai de mon père, qui pris place à côté de lui. Je me plaçai en face de mon géniteur, qui commença à parler à Baptiste :

« - Que comptez-vous faire demain ? »

Il leva la tête vers lui, puis coula un discret regard vers moi, comme pour jauger de ma réaction :

« - Je pense partir en repérages avec ma troupe, afin de vous trouver de quoi manger, et ainsi vous dédommager, mais aussi pour préparer une nouvelle opération. Il reporta son attention vers mon géniteur. Avez-vous besoin de quelque chose en particulier ? »

Il avait beau ne pas me regarder, je savais qu'il s'adressait à moi. Je le devinai. Mon père haussa les épaules, alors le capitaine se tourna enfin vers moi :

« - Et vous, mademoiselle ? Désirez-vous quelque chose ? »

Qu'il parte, et qu'il arrête de me retourner le cœur et l'esprit comme il le faisait. Mais je me forçai à sourire et à secouer la tête :

« - Non. Merci.

- Pas même de fruits ? Vos tartes sont pourtant délicieuses. »

Il pencha la tête sur le côté, et je me sentis frémir sous son regard intense. Les battements de mon cœur s'accélérèrent. J'ouvris la bouche, et balbutiai :

« - Oh... Je... Oui, des fruits.

- Quels fruits ?

- Peu m'importe. Ceux que vous désirez. »

Raison ou sentiments ? ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant