31. Je dois y aller.

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Je me réveillai en sursaut, alertée par les coups frappés contre la lourde porte du château. Baptiste dormait encore, un bras passé de façon possessive autour de ma taille. Sa respiration profonde m'apaisa un instant. Avec lui, le dos ainsi pressé contre son torse, je ne craignais rien. Les coups reprirent. En soupirant, je me défis de son étreinte, et me levai doucement. Il remua lentement, crispant sa main sur le drap où j'étais auparavant allongée, puis s'immobilisa. Je passai rapidement ma chemise pour échapper au froid, puis enfilai ma robe d'intérieur et mes mules. Un coup d'œil vers la fenêtre m'apprit qu'il faisait à peine jour. En grommelant, je remontai rapidement mes cheveux, et sortis silencieusement de la pièce. C'était sûrement Nolwenn, qui apportait de la nourriture. Il n'était pas rare qu'elle vienne au lever du jour, lorsqu'elle avait d'autres occupations pour la journée. Mais elle ne m'oubliait jamais.

Je descendis les escaliers, un léger sourire aux lèvres, et allumai un flambeau avant d'ouvrir la lourde porte. Mais ce n'était pas Nolwenn. Je reculai d'un pas en apercevant tous ces soldats, lourdement armés. Je sentis les poils de ma peau se hérisser. L'un d'eux s'avança vers moi, comme cette fameuse nuit où j'avais rencontré Baptiste. Il n'ôta pas son chapeau, et me demanda d'un ton sec :

« - Connaissez-vous Baptiste Carpenter ? »

Mon cœur s'emballa. Que lui voulaient-ils ? Je m'agrippai au chambranle de la porte en répliquant d'une voix mordante :

« - Et qui êtes-vous ?

- Connaissez-vous Baptiste Carpenter ? »

Je croisai les bras en levant le menton. Puisqu'il ne me répondait pas, il était hors de question que je le fasse ! Et il était hors de question que je livre Baptiste à des inconnus. L'homme posa sa main sur le pommeau de son épée, me menaçant :

« - Répondez-moi. »

S'il pensait me faire peur, il se trompait. J'avais connu bien pire que ça, alors ce n'était pas un freluquet armé qui allait m'effrayer ! Je serrai les dents, avant de rétorquer :

« - Et pourquoi le ferai-je ? Je ne vous connais point.

- Je vous conseille de ne pas énerver des soldats, mademoiselle ! Des paysans vous ont vue avec le capitaine, alors répondez !

- Je vous interdit de traiter mes amis de paysans ! Et vous, qui êtes-vous ?! Pensez-vous être mieux, avec vos armes qui brillent, vos bottes reluisantes et votre foi que vous exhibez sans aucune pudeur ?! »

Je m'aperçus trop tard que j'aurais dû me taire. J'étais dans une zone catholique, ils étaient catholiques, et je n'avais pu, comme à mon habitude, me retenir de parler. L'homme afficha un air furieux, et commença à dégainer son épée.

Mais un bras s'enroula soudain autour de ma taille, et un torse se colla contre mon dos. La barbe de Baptiste chatouilla ma joue quand il me pressa contre lui, s'abaissant à ma hauteur pour me demander, le regard inquiet :

« - Vas-tu bien ? »

Je m'apprêtais à répondre lorsque l'homme s'exclama :

« - Baptiste ! Qui est...

- Je vous présente Jeanne. Ma femme. »

Sa main gauche pressa doucement ma hanche. Je baissai les yeux pour m'apercevoir qu'il avait mis son alliance en avant. Une brusque bouffée d'amour m'envahit. Qu'aurais-je fait s'il n'était pas arrivé ? Je tournai la tête vers lui pour lui demander d'une toute petite voix :

« - Les connais-tu ? »

Ses prunelles grises me fixaient, et il répondit doucement :

« - Oui. Ce sont d'anciens compagnons d'armes. J'étais avec eux lorsque... »

Raison ou sentiments ? ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant