Un souffle attristé m'échappa, vite étouffé par les bourrasques de vent. Mon château irlandais était en bien piètre état... Un homme se posta devant moi :
« - Mademoiselle ? Nous pouvons charger les malles à l'intérieur ?
- Oui. Allez-y. »
Je les observai faire d'un œil détaché. Ici... J'avais l'impression d'être chez moi, même si je n'étais que douleur et chagrin.
Un autre homme déclara :
« - C'est fini, mademoiselle.
- Oh... Tenez, votre argent. »
Je lui tendis cinquante livres. Il y avait peu de personnes qui avait accepté de transporter mes malles dans cette zone aussi reculée. Ils n'étaient que cinq. L'un d'eux, blond, se rapprocha de moi, et me demanda d'un ton inquiet tout en lorgnant mon corps :
« - Vous voulez vraiment rester dans c'château ? Il a l'air tout vieux...
- Oui. Je vous remercie de votre sollicitude. »
Je les dépassai pour pénétrer dans la demeure. J'en poussai la lourde porte, m'enfermant ainsi dans le château. Et il était bien pire à l'intérieur... Les tapisseries pendaient du mur, poussiéreuses. La poussière recouvrait tout. Le sol, les quelques meubles restant, les tableaux, tout n'était que saleté. Un sanglot me noua la gorge, mais je me repris. Je n'allais pas pleurer, pas maintenant.
Mes malles étaient entassées dans la grande entrée. J'en saisis une, et entrepris de monter les escaliers. A l'étage, je me dirigeai de mémoire vers la chambre que j'occupai en étant petite. J'en poussai la porte, et lâchai la malle de surprise. Tout était encore intact, juste poussiéreux. Une foule de souvenirs remontèrent en moi. Je les repoussai, ne souhaitant pas souffrir encore plus. Car dans tous mes souvenirs, mes parents étaient là. Alors que maintenant... J'étais seule.
Ravalant ma peine, je montai une à une mes quatre autres malles, que je plaçai dans ma chambre. Je n'avais pas visité les autres pièces, et je n'en avais pas envie. Je refermai la porte, et me laissai glisser le long du battant. Jamais je n'aurais imaginé ma vie comme cela. J'aurais plutôt pensé me marier avec un homme que j'aimerais, qui m'aimerait, et vivre heureuse. Je n'étais pas mariée, l'homme que j'aimais désespérément m'avait oubliée à cause de je ne sais quoi, et... Je n'étais certainement pas heureuse. Loin de là. J'eus soudainement envie de pleurer, mais je n'avais plus de larmes. Depuis un mois, elles avaient toutes coulé.
J'avais dû vendre presque tous les biens de mon père, puis les bijoux de ma mère afin de rembourser les dettes faramineuses dont j'avais hérité. Puis, j'avais congédié les domestiques, ne pouvant leur imposer de me suivre. J'avais pleuré dans les bras de tout le monde, oubliant totalement ma dignité. Enfin... J'étais partie. J'avais si envie de courir à la ville pour retrouver Baptiste, et lui rappeler ce qu'il m'avait promis, mais... Je savais que cela n'aurait rien produit de positif. Alors... J'étais partie sans le revoir. Et c'était sans doute mieux. J'avais tout de même emmené ses lettres. J'avais bien tenté de les brûler, mais... Je n'en avais pas eu le courage. J'étais faible.
Je reniflai, et me relevai. J'entrepris d'ouvrir chacune de mes malles, pour en trouver les restes du repas que Madge m'avait cuisiné pour le voyage. C'était mon plat préféré. Tous les domestiques avaient donné un peu d'argent pour acheter du chevreuil, des pommes de terre, des carottes et des tomates. Et j'avais aussi une part de tarte aux prunes. Je sentis mon cœur se serrer en commençant à manger. Ma nouvelle vie promettait d'être morose...
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Raison ou sentiments ? ✅
Historical FictionUn conflit oppose depuis des années les catholiques et les protestants du pays. Les premiers veulent renverser le roi pour mettre en place un régime plus juste, tandis que les autres souhaitent conserver ce souverain. Au milieu de la guerre civile...