1. Qui êtes-vous ?

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Je m'éveillai doucement, au bruit de sons de sabots et de voix. Un instant, je refermai les yeux, avant de les rouvrir, alarmée. Pourquoi y avait-il autant de bruit ?! J'envoyai valser les couvertures et me précipitai pieds nus vers la porte, que j'ouvris brutalement. Je sortis rapidement de la chambre, courant vers le grand hall, et me figeai en haut des escaliers. Plusieurs hommes occupaient l'endroit, parlant entre eux avec animation. Leurs riches habits scintillaient à la lumière du jour, et soudain, l'un d'eux, aux cheveux noirs et bouclés tourna sa tête vers moi. Ses prunelles grises se plantèrent dans les miennes, et je sentis un tourbillon d'émotions troubles m'envahir. Mon cœur se mit à battre plus vite, et je détournai brusquement la tête, les joues rouges. L'homme eut alors un sourire amusé, tout en me détaillant du regard :

« - Je suis navré, si nous vous avons réveillée, mademoiselle. »

Je reconnus aussitôt sa voix chaude tandis que les autres personnes se tournaient à leur tour vers moi. C'était l'homme d'hier, celui que j'avais voulu empêcher d'entrer. Mais le sens de ses paroles me parvint enfin, et je réalisai que j'étais simplement vêtue d'une chemise, qui s'arrêtai à mes poignets et chevilles. Aussitôt, je me sentis rougir jusqu'à la racine des cheveux, et ma première impulsion fut de courir me réfugier dans ma chambre, et ne plus en sortir. Mais je me forçai à ne pas bouger, me contentant de croiser les bras pour dissimuler les rondeurs de ma poitrine à ces parfaits inconnus. Il était hors de question que je parte sans savoir leur identité. Je me redressai, puis demandai d'un ton froid :

« - Qui êtes-vous ? »

Dans un mouvement presque synchronisé, tous les hommes claquèrent les talons avant de s'incliner. Malgré moi, je reculai d'un pas, stupéfaite et intimidée. Puis, l'homme aux cheveux noirs parla au nom de ses compagnons :

« - Nous sommes des soldats, servant une cause juste. Je me nomme Baptiste Carpenter. »

Je me souvenais à présent de lui. J'avais entendu son nom lorsqu'il s'était présenté à mon père, la veille. Gênée, je me raclai la gorge, et sentis soudain une main se poser sur mon épaule, la pressant avec douceur. J'eus un léger sursaut, et tournai la tête pour découvrir mon père. Sa mine fatiguée m'inquiéta, mais il prit la parole avant que je ne puisse lui demander s'il allait bien :

« - Jeanne, je te présente un lointain cousin germain, ainsi que sa troupe de cavaliers. Je les ai autorisés à rester ici un moment afin qu'ils puissent se reposer et réfléchir à la suite de leurs opérations.

- Et je vous en remercie, monsieur. »

Baptiste s'inclina encore une fois, et je remarquai son incroyable prestance. Il aurait pu être seul dans la pièce, le résultat aurait été le même. Je n'aurais eu d'yeux que pour lui. En prenant conscience de cela, je me sentis encore plus gênée que je ne l'étais déjà, mais une phrase prononcée par cet homme me fit oublier tout mon embarras :

« - J'espère que ce conflit sera bientôt terminé, et qu'il rétablira la justice que ce pays attend et dont il a besoin. Nous avons besoin d'un dirigeant juste et honnête, à la différence du roi. »

Mon sang se glaça dans mes veines tandis que je déglutissais difficilement, la gorge nouée par la haine. Des catholiques. Ils étaient catholiques ! Comment avais-je pu ne pas être alertée par leurs riches habits ?! Je me mordis violemment l'intérieur des joues pour ne pas hurler de rage. Comment mon père avait-il pu les laisser entrer ? Baptiste dût sentir mon changement de pensées à son égard, car il coula un discret regard interrogatif vers moi. Je détournai le visage pour dissimuler la haine qui m'habitait. Je les détestais. C'était à cause d'eux, de ces catholiques de malheur, que le pays était ravagé par la guerre ! Comment pouvaient-ils oser remettre ainsi en question le règne du roi ?!

Raison ou sentiments ? ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant