Ma Vie En Théâtre

Chapitre 16

Vendredi, nous sommes à la répétition comme d'habitude.

Savoir que nous sommes aussi distants rend mon jeu encore mieux car Lilia vit la même chose en ce moment et la tristesse et la colère qui m'habitent m'aident à mieux l'exprimer.

-Dernière scène, annonce le prof. Je lis la situation. Lilia et Mira se sont réconciliées et Mira a enfin pu faire part à Lilia du fait qu'elle est lesbienne. Cela a été un choc pour la jeune fille, mais elle ne juge pas sa meilleure amie. Pourtant, celle-ci semble avoir des secrets qu'elle ne partage pas avec Lilia, cette dernière n'a pas la force d'essayer de les dévoiler. Lilia et Lucas sont en froid car Lucas traîne dernièrement avec Caroline, la fille qui a été la cause pour de nombreux moments douloureux dans la vie de la jeune fille. Celle-ci est avec sa meilleure amie et une très bonne amie, Lira, qui est aussi la grande sœur de Lucas, installée sur son lit.

-Les filles, dit Lilia. Je me sens vraiment mal à cause de Lucas, je n'arrive pas à croire qu'il me fasse ça.

-Tu veux que je lui parle ? Après tout, c'est mon frère, peut-être que ça pourrait t'aider.

-Non, il doit savoir régler ses différents tout seul.

-Je pense que tu as raison, si Lira est toujours là pour lui dire comment faire, ça ne sert à rien.

Après que les filles sont parties, Lilia va dans la chambre de son frère. Même si ce dernier avait des problèmes dans sa vie, il était une très bonne personne et ils avaient été très proches.

-Je t'aime, Alex, murmure Lilia.

Une larme coule sur sa joue et elle sent sa présence.

Après cette dernière scène, le prof demande à nous parler, Sébastien et moi, en privé.

Nous allons tous les trois derrière le rideau rouge et les autres partent.

-Je voulais vous féliciter, vous faites bonne équipe et quand vous jouez, on voit bien que Mina et Sébastien ont disparu pour laisser place à Lilia et Lucas, s'exclame le prof. Donc bravo.

-Merci, disons-nous en chœur.

Ces moments de complicité avec lui me manquent.

Après avoir dit au revoir, nous sortons sans même nous regarder et je vais chercher un livre dans mon casier.

Soudain, Chloé apparaît un sourire maléfique aux lèvres.

-Salut, Mina. Alors, c'est comment de savoir que Sébastien te trouve cruelle et méchante ? demande-t-elle fielleusement.

-Laisse-moi tranquille, craché-je.

-J'insiste, maintenant que tu sais ce qu'il pense vraiment, tu dois avoir le cœur brisé.

Je fronce les sourcils.

-Comment tu sais que j'étais là ? À moins que...

-Ce qu'on peut faire dire aux mecs aveuglés par l'amour et ce qu'on peut les faire gober surtout. Il est encore amoureux de moi, tu sais comme en 5ème, quand tu le kiffais mais que lui avait des sentiments pour moi. C'était amer comme sentiment, non ? Il l'a cru quand je lui ai dit que tu n'es son amie que par pitié.

-Mais pourquoi tu fais tout cela ? demandé-je en interrompant mon geste de chercher mon livre.

-Parce que t'es une peste, "cruelle et méchante" comme dirait ton ex-meilleur-ami. Il est tellement mieux avec moi qu'avec toi. Tu les sors d'où tes vêtements ? Tu récupères ceux que les gens jettent ? C'est parce que vous êtes pauvres ? Parce que ton bon à rien de père vous a quittées ?

Des larmes coulent sur mes joues et je ne peux pas m'empêcher de sangloter. Je sais qu'elle le fait exprès. Elle aura bientôt seize ans et elle n'est pas puérile, elle sait que ce qu'elle dit c'est n'importe quoi, mais elle essaie d'appuyer là où cela fait mal.

J'essaie de rester forte et dis:

-Je ne peux pas croire ce que tu es en train de dire. Nous étions meilleures amies, Chloé, tu étais tellement gentille. Qu'es-tu devenue ? Je sais que nous nous sommes disputées mais honnêtement, que t'ai-je fait ?

Alors qu'elle s'apprête à répondre, Sébastien apparaît dans son dos, une expression de pure fureur décore ses traits.

Je ne lui ai encore jamais vu une telle rage.

-Moi non plus, je n'arrive pas y croire, intervient-il.

-Non, Sébastien, ce n'est pas ce que tu crois, se défend-elle.

Sa fierté l'a fait faire une erreur fatale. C'est ce que j'aime appeler le karma. Et peut-être qu'une pincée de destin s'y mêle aussi.

-Je t'attrape en flagrant délit et tu en rajoutes ? Notre amitié est terminée, tranche-t-il d'une voix qu'il ne laisse pas de place aux protestations. Je croyais que tu avais changé et que je pouvais te faire confiance. J'avais de la compassion pour toi parce que tu n'as pas d'amis, mais j'aurais dû me douter du fait que ç'a une bonne raison.

J'avais donc raison.

-Pff, de toute façon vous n'êtes que deux victimes, tu aurais mieux fait de rester mon ami, je suis mille fois mieux que ça-là.

Elle me montre du doigt en prenant un air dégoûté, puis tourne les talons et repart de sa démarche assurée habituelle.

-Ça va ? s'enquiert Sébastien inquiet.

-Non, réponds-je avant de fondre en larmes.

Il me prend dans ses bras et depuis ce qui me semble être une éternité, je me sens de nouveau sereine.

Nous allons nous asseoir sur un des bancs qui sont dehors.

-Je suis désolé, déclare Sébastien une fois que je me suis calmée.

-Comment as-tu pu la croire ? l'interrogé-je déçue. Moi, je t'ai entendu dire que tu me trouvais méchante et cruelle. Tu l'as dit !

-Elle m'a fait lire quelque chose qu'elle avait écrit sur un papier. Cela devait être un entraînement pour le théâtre, de dire des choses que tu ne dirais jamais et de façon convaincante. Tu comprends ? me demande-t-il et je vois le désespoir dans son regard.

Ses yeux me supplient de comprendre et surtout de le croire.

-Oui, mais je ne comprends toujours pas comment tu as pu la croire que je ne suis ta meilleure amie que par pitié.

-J'avais peur... peur que ce soit vrai. Alors pour me protéger, je n'ai pas essayé de découvrir si c'était un mensonge car j'avais peur d'être blessé en apprenant que c'est bel et bien la vérité, avoue-t-il et j'entends l'amertume dans sa voix.

-Mais jamais, Sébastien ! lui assuré-je. Tu es mon meilleur ami depuis CM2 et ce n'est pas prêt de changer. 

-En fait, après la réaction que tu as eue quand Chloé t'as demandé si tu as des sentiments pour moi, je n'étais plus très sûr.

-Si j'ai réagi de cette façon, c'était à cause de la panique. Je me sens très mal à l'aise déjà quand je parle de mes sentiments avec Nona, devant un public je panique. 

-Ah, enfin réconciliés ? s'enquiert Nona en se joignant à nous avant qu'il puisse prononcer la question qui s'est formée dans sa tête.

Je lui raconte ce qui vient de se passer. Elle ne dit rien, mais je vois son sourire s'évanouir et la dureté s'installer sur ses traits.