✩ l'arme du crocodile

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CECI EST UNE PARTIE BONUS. PAS LA PEINE DE LA LIRE SI VOUS AVEZ LA FLEMME, ÇA NE CHANGERA RIEN AU RÉCIT. C'ÉTAIT JUSTE HISTOIRE DE FAIRE UNE MISE A JOUR PARCE QUE JE SAIS PAS SI JE POURRAIS LE CONTINUER AVANT SEPTEMBRE LOL (SORRY).

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J'AI ENTENDU dire qu'il y avait des tensions au sein du groupe, et que c'est pour cette raison que vous vous êtes séparés. Dites-moi, qu'est-ce que ça fait, de voir son groupe se disloquer sans pouvoir rien y faire ?

Quel excellent moyen d'amorcer une interview, se dit Miles. C'est une drôle de stratégie, de dégoûter son interlocuteur dès le début si on veut par la suite lui tirer les vers du nez. Ou alors c'est pour l'effet choc, montrer qu'on ne suit pas le courant, qu'on « ose ». Oui, ça doit être ça : la journaliste, qui se tient les coudes posés sur les genoux, a le regard carnassier de quelqu'un qui en veut toujours plus. De son fusil à canon scié qu'elle appelle langue, elle tire des balles de platine.

Miles marmonne « c'est la vie », pas vraiment d'humeur. Il boit une nouvelle gorgée de son gobelet en plastique, hydratant ses glandes asséchées par le malaise palpable.

— Comment définiriez-vous l'ultime opus des Rascals ? demande la journaliste.

— Décisif.

La femme hausse les sourcils au-dessus de ses lunettes écaillées pour le pousser à approfondir ses propos, mais Miles ignore sa requête muette. Ce sont toujours les mêmes questions. Les lecteurs devraient en avoir marre, à force, de lire des choses similaires dans n'importe quel journal qu'ils ouvrent.

— Vous avez choisi Sheffield pour votre dernier concert, continue la journaliste. Y a-t-il un sens derrière cette décision ? Êtes-vous attaché à cet endroit ?

— Pas vraiment.

Encore un truc typique de journaliste : la recherche de sens cachés. Ils la font à tous les coups, celle-là. Toujours à trouver des significations obscures là où il n'y en a pas. Essayer de décortiquer chaque fait et geste des artistes. La couleur de l'album est rose ? C'est pour annoncer que la copine du bassiste est enceinte. Il y a le mot « noir » dans les paroles ? Cela reflète sans aucun doute la pensée complexe du chanteur désespéré, qui doit probablement cacher un terrible secret. Un deuil, un meurtre, voire les deux à la fois.  

— Pensez-vous que vos fans seront satisfaits de votre nouvel album ?

— Oui, peut-être.

La journaliste mordille son stylo avec souci ; elle doit penser que ses réponses, qui ne dépassent pas trois syllabes, ne satisferont sûrement pas les abonnés de son hebdomadaire. Miles se retient de rire. C'est bien fait. Elle aurait dû y penser avant de lui déclarer la guerre.

La femme jette un coup d'œil désespéré vers Fiona. Cette dernière est adossée dans un coin de la pièce, l'oreille collée à son téléphone. L'Afro-Caribéenne fait les gros yeux à Miles, le forçant à développer. Il la fusille du regard en retour.

— J'espère qu'ils aimeront, ajoute-t-il cependant à l'attention de la journaliste. Néanmoins, cet album est plus pour moi que pour eux, vous voyez ? J'avais envie de me prouver que je pouvais le faire, seul. Évidemment, j'ai quand même besoin de l'approbation des auditeurs !

Voilà, il a casé sa remarque complaisante. Il faut qu'il continue à se montrer affable encore quelques minutes. C'est le public qui compte, se répète-t-il. Il faut savoir laisser son égo de côté pour satisfaire l'auditoire, même si certains journalistes le répugnent. La plupart, en fait.

Quand il a dit ça à Alex, le garçon lui a rétorqué que lui ne serait jamais capable de brosser dans le sens du poil des gens qu'il exècre juste pour plaire à l'opinion générale. Qu'il faudrait qu'il prétende être une autre personne, beaucoup plus cool, ou qu'il soit légèrement défoncé pour qu'on réussisse à lui extorquer une interview qui ne transpire pas le mépris.

EUPHÉMISTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant