Chapitre 11

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Les jours qui suivent sont pour moi horribles. Tous mes amis ont survécu, mon père est vivant. Je devrais être heureuse. Mais ce n'est pas le cas. Car j'ai la mort de centaines de personnes sur la conscience. Les autres n'ont pas l'air de s'en soucier. Les résistants sont au comble du bonheur, dansent, chantent à tue-tête. Même Edward et Solange passent du bon temps, comme s'il ne s'était rien passé. La nouvelle de la mort de leurs parents les a un peu bouleversés sur le moment, mais ils s'en sont vite remis. Seuls Catherine et Adrian semblent me comprendre. On reste tous les trois dans un coin de la grotte, côte à côte, prostrés, sans presque bouger ni parler, des heures durant. Depuis l'incident, nous ne sommes pas sortis. Mon moral est au plus bas. Mais je décide quand même de me bouger un peu.

– Catherine, Adrian ? Vous venez voir avec moi ce qu'il se passe dehors ? Rester ici ne servira à rien.

– D'accord, mais s'il reste des cadavres, je repars, me répond Catherine.

– Il y en aura forcément... S'il te plaît... Je ne pourrai pas y aller seule.

– Vas-y avec Adrian !

– Catherine, tu es ma meilleure amie !

Sans attendre sa réponse, je sors de la grotte avec Adrian. La lumière du jour m'aveugle. Après une si longue période dans le noir, ça fait tout drôle. Catherine ne tarde pas à nous rejoindre. Je savais bien qu'elle viendrait.

On marche quelques heures pour retourner au Centre de Commandement. Notre étonnement est de taille. La cohue est indescriptible. Et le monde ! Il y a un monde fou. Ils sont presque tous en uniforme de soldat. Je ne comprends rien. Que font des soldats ici ? Et ce n'est pas ça, le pire. Le pire, c'est que la plaine s'est transformée en un vrai camping. Des tentes sont dressées partout. Des résistants font des distributions de nourriture. Des enfants jouent et rient. C'est la première fois que je vois ça. Ça me donne envie de rire aussi. Tout cela semble si irréel !

– Eh, Nat, Cat, Adrian ! Vous êtes là ! Mais que faisiez-vous ?

On se retourne brusquement. La voix provient de Nick, le chef des résistants. Catherine ignore sa dernière question et demande :

– Que se passe-t-il ? Qui sont tous ces gens ?

– Vous n'êtes donc au courant de rien ? Les Matricules 1000, les chefs de tous les Camps d'Entraînement, n'étaient en fait que des robots qui étaient dirigés par le Centre de Commandement. Nous le savions. C'est pour ça que nous voulions le détruire. Sans chef, les soldats sont maintenant libres. Cela fait une semaine que nous abattons un boulot de fous, avec l'aide de quelques soldats volontaires. Nous les avons d'abord tous répertoriés dans des registres. Ils sont plus de 5000. Puis nous avons œuvré afin de reformer les familles. Presque tous les enfants sont maintenant sous la responsabilité de leurs parents. Ceux pour qui ils sont morts sont regroupés et c'est nous qui nous en occupons. Nous les avons ensuite sortis des Camps. Ils étaient trop éloignés les uns des autres et rappelaient de mauvais souvenirs. Nous avons alors entrepris de les loger. Puis de les nourrir. Selon nos inventaires, il y a assez de nourriture dans les réserves pour tenir encore un bon mois. Après, la situation va devenir quelque peu délicate. Je ne sais pas comment les Matricules 1000 s'approvisionnaient... Au fait, Nat... Nous avons retrouvé ton père. Il est là-bas. Tu veux le voir ?

– Heu... Oui, bien-sûr...

Nick n'a pas l'air de remarquer mon hésitation et commence à me guider vers mon père. En fait, c'est assez étrange. Je rêve de ce moment depuis tant d'années... Et au moment où je peux enfin voir mon père, je me rends compte que je ne sais plus très bien si j'en ai vraiment envie. Je crois que j'ai peur. Peur de ce que je vais découvrir. Peur de sa réaction, aussi. Peur que mon père ne soit pas à la hauteur du père que je m'inventais étant petite.

Matricule 301Où les histoires vivent. Découvrez maintenant