Chapitre 4

179 18 8
                                    


Mes amis arrivent enfin, tous les quatre en même temps. Ils ont un mouvement de recul en voyant mon agresseur, qui me tient toujours en clé de bras, le pistolet chargé sur ma tempe. Catherine émet un petit cri.

– Chut ! lui intime mon agresseur, un doigt sur la bouche. Ne fais pas de bruit, sinon nous nous ferons repérer ! Si vous ne ripostez pas, je ne lui ferai rien.

Elle leur désigne du menton le carrelage, et ils viennent s'asseoir, prudemment.

– Tu peux me lâcher, maintenant ? m'énervé-je.

Elle abaisse son pistolet, lâche mon bras et vient s'asseoir en tailleur auprès des autres, refermant le cercle. Je m'assois à côté d'elle.

– Ne vous inquiétez pas, elle est des nôtres, dis-je aux autres. Elle fait partie du groupe, maintenant.

– Drôle de façon de nous montrer son affection ! Ironise Adrian.

– C'était juste pour s'assurer que nous n'allions pas lui tirer dessus.

Je ne sais pas pourquoi je prends sa défense, comme ça. Mais j'ai vraiment envie de l'intégrer au groupe et d'apaiser les hostilités, malgré ce qu'elle m'a fait subir.

– Au fait, tu t'appelles comment ? lui demandé-je en me tournant vers elle.

– Matricule 220.

– Mais... Euh... Tu n'as pas... D'autre nom ?

– Ben non.

– Mais c'est ridicule ! m'emporté-je. Nous sommes des humains, nous avons le droit d'avoir un autre nom qu'un numéro de matricule ! Ce sera notre première action de rébellion contre le gouvernement.

– D'accord.

Elle s'arrête, pensive. Je la comprends. Le nom qu'elle va choisir la suivra toute sa vie. Il lui faut un nom qui reflète son caractère.

– Tina.

J'approuve d'un hochement de tête. Ce nom lui va bien. Nous nous présentons ensuite à tour de rôle.

– Bon, n'oublions pas pourquoi nous sommes réunis ici, cette nuit. Le document.

Je le sors de sous ma salopette, où il formait une boule, et le défroisse sous les yeux admiratifs de mes amis et de Tina.

– Voilà. Ici, ce sont les numéros de matricule de tous les soldats du Camp. Et ici, le numéro de la maternité et de la salle dans laquelle ils sont nés. Mais je crois qu'il en manque une partie.

– Je ne vois pas en quoi ça va nous aider à retrouver nos parents, intervient Tina.

– Si tu n'es pas contente, tu pars, rétorqué-je. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est déjà une première piste. Je vais faire passer la feuille parmi vous afin que vous vérifiiez si votre matricule y est. Si quelqu'un s'y oppose et préfère passer sa vie en soldat anonyme, qu'il s'exprime.

Personne ne bouge. Je fais passer le document parmi le petit groupe. Tout le monde y est présent, sauf Solange, qui doit être inscrite dans la partie manquante. Un voile de tristesse passe sur son visage.

– Ce n'est pas grave, se résigne-t-elle. J'irai, pour Edward.

Je regarde les numéros de maternité de chacun. Nous sommes tous les cinq nés dans le même Camp de Naissance, mais pas dans la même salle. C'est déjà ça.

– Bon, je propose qu'on parte dès demain.

A l'instant même où je prononce ces paroles, je les regrette. Je parle parfois sans réfléchir !

Matricule 301Où les histoires vivent. Découvrez maintenant