Chapitre 26

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Notre maison a explosé. MA maison, je n'en reviens pas. Tout s'est passé très vite. Cat et moi avions été dispensées de corvée pour bon comportement (je ne savais même pas que c'était possible !) et sommes donc rentrées chez nous. En bonne maladroite qui se respecte, j'ai fait tomber un vase (enfin, LE vase, puisqu'on en a qu'un par maison). Et puis, juste après le fracas, on a entendu des cris. Adrian et Edward ont déboulé à toute vitesse dans la maison, nous ordonnant de partir d'ici sur le champ. Au début, nous avons été un peu réticentes mais nous nous sommes rapidement laissées convaincre par leurs supplications mais surtout par leurs visages – ils exprimaient une réelle terreur. On a couru. Puis on a entendu des explosions en chaîne. Nous nous sommes retournés, et on a vu notre maison exploser, sous nos yeux.

Edward et Adrian semblent bouleversés, bien plus qu'ils n'auraient dû l'être ! Après tout, ce n'est plus leur maison. Je commence à croire qu'ils nous cachent des choses quand j'entends :

– Adrian, Edward !

C'est Tina. Je me retourne et la vois les chercher au milieu des débris de notre (ancienne) maison.

– Mais qu'est-ce qu'elle fait là, elle ? Je croyais que...

Je suis interrompue par un fracas immense. Une dernière explosion provenant des ruines de notre maison et qui n'avait pas dû être enclenchée en même temps que les autres. Puis j'entends un grand cri empreint de souffrance.

– Tina ! hurle Edward.

– Laisse-là, lui répond Adrian en lui retenant le bras. Elle n'a eu que ce qu'elle mérite.

Je n'en peux plus de ne rien comprendre à tout ce qu'il se passe. Alors sans réfléchir, je cours vers ma maison. Je ne saurais pas dire si ce que je vois en arrivant me réjouit ou me répugne. Devant moi, je vois Tina. Enfin, son corps, plutôt. Gisant dans les débris. Le torse perforé par un éclat.

+ + +

Nous sommes tous les quatre dans la nouvelle maison d'Edward et d'Adrian. Je tente de comprendre ce qui s'est passé, en vain. Cat me demande de laisser tomber, car selon elle ce ne sont plus nos affaires. Elle me supplie de simplement aller voir le chef pour l'informer de ce qui vient de se passer et de lui demander une nouvelle maison. Moi, je ne l'entends pas du tout de cette oreille. Comment les garçons étaient-ils au courant pour l'explosion, hein ? Je suis sûre qu'ils étaient impliqués dans cette histoire. Ils n'étaient même pas surpris de voir surgir Tina !

– Cat, enfin, vas-tu m'écouter ? Je veux comprendre !

– Tina est morte, maintenant. Tout est fini. Laissons les garçons vivre leur vie, s'ils étaient impliqués ou non, je m'en fous. Je veux juste une nouvelle maison et qu'on me foute la paix une bonne fois pour toutes.

Je baisse la voix de façon à ce que les garçons ne nous entendent pas.

– Alors c'est vrai, tu as tout oublié ? Les soirées au coin du feu, tous les cinq ? Nos fous rires ? Toutes les épreuves que nous avons eu à surmonter depuis notre évasion, avec les garçons toujours à nos côtés ? Comment peux-tu tirer un trait sur eux, comme ça ? Moi je crois encore à notre amitié passée. Je pense juste que Tina a réussi à leur retourner la tête. Mais comme tu dis, maintenant, elle est morte.

– Ok, je consens à écouter leur plaidoyer. Mais s'ils n'ont pas une bonne explication, je m'en vais et ne veux plus jamais entendre parler d'eux.

– D'accord. Heu, Adrian, Edward ?

Ils s'interrompent et se retournent.

– Alors c'est bon, dit Adrian avec un petit rire amer, vous voulez bien nous écouter, maintenant ?

– Oui.

– Bon, commence Edward. Tout d'abord, Nathalie, jure-moi que tu n'as pas tué Solange.

– Mais bon sang, m'énervé-je, combien de fois faudra-t-il que je vous le dise ? Bien sûr que non, je ne l'ai pas tuée ! C'était mon amie, enfin ! C'est Tina qui l'a assassinée, justement pour semer la discorde entre nous, me prendre ma place de sous-chef et tout simplement me voler ma vie ! Je n'en reviens pas que...

– C'est bon Nat, on te croit, maintenant, intervient Adrian. Après avoir eu un aperçu des intentions de Tina... Disons qu'on a beaucoup moins de mal à y croire.

En disant cela, sa bouche se tord en un rictus de dégoût.

– Bon, alors voilà, déclare enfin Edward. Il faut bien que vous compreniez, nous, on croyait dur comme fer que t'avais tué Solange, Nat... Et on avait une confiance aveugle en Tina. Elle nous disait qu'elle avait un plan pour venger Solange. Et on l'a crue. Alors on l'a aidée à se libérer de prison, et on l'a cachée chez nous.

Au fur et à mesure qu'Edward parle, Cat semble de plus en plus survoltée. Elle met même une main devant sa bouche.

– Elle nous a expliqué son plan. Au début, elle voulait te tuer, Nat. Mais pour nous, c'était hors de question. Nous t'accusions d'avoir tué l'une de nos amis, nous n'allions tout de même pas faire pareil, cela n'avait aucun sens. Alors nous avons réfléchi à la façon dont nous aurions pu te « punir » de ton crime. Finalement, nous nous sommes décidés à faire exploser votre maison, quitte à se venger plus durement plus tard. C'était une idée de Tina... Et cela nous rassurait de savoir que nous n'aurions pas à vous tuer. Alors on a accepté.

Les pièces du puzzle commencent à s'assembler dans mon esprit. Quelle garce !

– On a passé trois jours à élaborer notre plan. Nous avons dissimulé des bombes, que Tina avait ramenées des Camps, tout comme son revolver, dans votre maison. Nous, nous devions simplement être en planque afin de s'assurer que personne ne passait à proximité. Tina, quant à elle, devait déclencher l'explosion à distance. Puis nous avons entendu un bruit venant de votre maison.

– C'était moi qui cassais le vase !

Je crois que c'est la première fois que l'une de mes maladresses me rend aussi fière.

– Ah oui, ça faisait un peu ce genre de bruit. Bref, on a tout de suite compris que Tina nous avait trompés sur toute la ligne, et qu'elle voulait en fait vous tuer. Nous, on croyait que vous étiez à la corvée, comme tout le monde...

– Ah oui, me souviens-je, on avait reçu un mot du chef nous informant que nous étions dispensées de corvée aujourd'hui ! Ce devait sûrement être Tina, grâce à son poste, qui nous avait obtenu cette faveur...

– Enfin, quand on a compris que vous étiez toujours à l'intérieur, on s'est précipités pour vous faire sortir. Voilà, maintenant... Vous savez tout.

Il y a un court silence, puis Catherine s'avance vers les garçons et les enlace. La scène me laisse complètement bouche bée. Ils ont quand même collaboré avec Tina, notre ennemie jurée ! Ils ont détruit notre maison, et par la même occasion ont failli nous tuer ! Comment peut-elle leur pardonner aussi facilement ?

– Aller, Nat, viens donc, m'encourage Cat.

– Je... C'est que...

Puis je les regarde et prends du recul. Quel a été mon rêve le plus fou ces derniers mois ? De nous voir enfin tous réunis comme avant, bien-sûr. Alors je laisse ma rancœur de côté et vais les rejoindre.

Matricule 301Où les histoires vivent. Découvrez maintenant