Chapitre dernier et épilogue

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Je cours presque. C'est que... Je suis un peu en retard. Je dois retrouver Akiriah comme nous en avons pris l'habitude depuis quelques semaines, dans ce qui est maintenant notre repère secret. Je connais le chemin par cœur. Quand je vois la verdure apparaître à l'horizon, je sais que je ne suis plus très loin.

J'arrive enfin. Je vois qu'Akiriah est déjà là, allongé dans l'herbe, et je prends un air faussement surpris.

– Oh... Tu es déjà là ?

– Ça fait trois millions d'années que je t'attends, c'est pas trop tôt ! dit-il avec un petit rire qui me fait craquer.

Je viens m'allonger auprès de lui.

– Au fait, me dit-il, j'ai une surprise pour toi.

Il se lève, va chercher quelque chose qu'il a caché dans l'anfractuosité d'un arbre et revient vers moi. Je me redresse. Il tend sa main et je vois, au creux de sa paume, un collier. Au village, les femmes se fabriquent parfois des bijoux, mais je n'en ai jamais vu de si beau. Une pierre bleue, grossièrement mais joliment taillée, pend au bout d'un cordon.

– C'est de la fluorite. C'est mon père qui m'a appris à en trouver et à la tailler. Elle peut être violette, verte ou même orange, mais j'ai pensé que cette couleur t'irait parfaitement bien.

Il passe le bijou autour de mon cou. Je caresse la pierre du bout des doigts ; je la trouve superbe.

On discute encore un moment quand il me dit soudain, avec un sourire en coin :

– Dis donc, tu me sembles bien joyeuse, toi ! C'est mon cadeau qui te fait cet effet ?

– En partie, réponds-je en lui rendant son sourire. Mais c'est surtout qu'avec mes amis, tout est rentré dans l'ordre, et je ne pouvais rêver mieux, après ces longs mois de séparation. On est enfin soudés de nouveau, tous les cinq, comme à nos débuts... Enfin, je voulais dire tous les quatre... Maintenant que... Tu sais quoi.

En disant cela, mon visage s'assombrit. Mais je ne laisse rien paraître et me ressaisis aussitôt :

– En plus, j'ai enfin accepté de rencontrer mes sœurs. Bon, seules cinq ont survécu... Mais c'est déjà beaucoup. Et on s'entend super bien ! Je crois même qu'Adrian drague l'une d'entre elles...

– Et... Ça te dérange ?

– Pas du tout ! Je serais même très heureuse de devenir sa belle-sœur ! Ah oui et puis pour finir, alors que je voulais bannir tout souvenir du Camp... J'ai repris la musculation. On en faisait tous les jours avant, et je sentais que ça me manquait... Je me sens bien mieux maintenant !

– Ouah, super ! Il faudrait que je m'y mette, moi aussi... plaisante-t-il en me montrant son bras frêle.

– Et puis, ce ne sont pas les seules raisons de mon bonheur.

– Ah oui ?

– Ben... Maintenant, je t'ai, toi.

Sans que je m'y attende, il se penche vers moi et m'embrasse.    



Epilogue


20 ans plus tard, dans un bureau

– Vous m'avez appelé, Chef ?

Alors que je commençais à montrer des signes d'impatience, mon assistant se présente enfin.

– Ah, te voilà. J'ai à te parler d'un problème très sérieux. Comme tu le sais, depuis l'incendie de notre village, le matériel vient à manquer, et le Roi Uznabur ne veut plus nous donner quoi que ce soit. Il faut passer à l'action le plus rapidement possible si nous voulons assurer la survie de notre village.

Mon assistant baisse les yeux, comme si j'allais le punir.

– Je sais bien que ce n'est pas ta faute, Tom.

Il semble se détendre un peu.

– J'aimerais, cette fois-ci, piller un gros village, qui nous permettrait de devenir totalement indépendants.

– Mais, Chef... Comment voulez-vous ? Vous savez bien que nous ne possédons pas d'armée suffisante !

– Nous allons en créer une, Tom. Tout simplement. Je veux que mes futurs soldats soient entraînés dès leur plus jeune âge. Réquisitionnez tous les enfants. Quant aux hommes en âge de se battre, nous les ferons attaquer quelques petits villages sans défense en attendant la grosse armée que je prépare.

– Chef, quel village voulez-vous attaquer ?

– La Cité des rois.

– Mais... Ce n'est même pas un village ! C'est la plus grosse cité que je connaisse ! Chef, même en entraînant intensivement tous les enfants du village pendant les dix années à venir, nous ne parviendrions même pas à pénétrer l'enceinte de la Cité !

– Je vois. Il nous faut plus d'enfants.

Je réfléchis un instant. La seule solution qui se présente à moi me semble horrible. Et pourtant... Je n'ai pas d'autre choix. Je continue donc :

– Que chaque femme fasse un enfant par an à partir d'aujourd'hui. Il lui sera retiré très jeune pour commencer sa formation.

Plusieurs émotions passent sur le visage de mon assistant. Il semble à la fois horrifié et déçu de moi. Je tente de ne pas me laisser atteindre ; la survie du village dépend de mes décisions.

– J'aimerais également que tu ordonnes la construction de bâtiments dans lesquels mes futurs soldats pourront s'entraîner, Tom.

– Bien, Chef.

Il se retire. Instinctivement, je porte la main à mon cou. La pierre est toujours là. Je la serre fort dans ma main et murmure : « Tu seras bientôt vengé, Akiriah. ».

+ + +

15 ans plus tard, dans ce même bureau

– Oui, Tom ?

– Chef, il me semblerait que vous ayez été vandalisée. De la confiture aurait été volée dans le garde-manger du Matricule 1000 du Camp de l'Est.

– Savez-vous le nom du voleur ?

– Le Matricule 301, Chef.

Matricule 301Où les histoires vivent. Découvrez maintenant