Chapitre 14

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Neuf mois. Cela fait neuf mois que nous sommes dans cette foutue prison. Cette cage de bois m'étouffe, me fait suffoquer. Heureusement, les barbares nous font souvent sortir, pour laver leurs cabanes, couper du bois, ramasser les récoltes, réparer un toit... Alors même si ce n'est pas vraiment une partie de plaisir, c'est pour moi une bouffée d'oxygène. Le reste du temps, ils nous laissent dans la cellule et se contentent de nous donner de quoi nous nourrir et nous laver tous les jours par une petite trappe, c'est tout. Nous gardons tous, par réflexe, la moitié de ce qu'ils nous donnent, dans un coin, ayant pour espoir de sortir d'ici un jour. Au moins, nous aurons des provisions... Si elles se sont conservées d'ici là, ce qui n'est pas si sûr, même si nous veillons à garder des aliments qui se conservent bien. D'ailleurs, en parlant de la nourriture, nous avons été bien étonnés. Aucun aliment de ce que nous donnaient les barbares ne nous étaient connus. J'ai pu découvrir de nouvelles denrées que j'ai (il faut bien me l'avouer) adorées.

Entre-temps, j'ai appris à apprécier mes compagnons de geôle. Je n'irais pas jusqu'à dire que nous avons tissé des liens d'amitié, mais disons que nous nous entendons bien. En même temps, quand on passe presque toutes ses journées à trois dans une petite pièce, c'est quasiment nécessaire.

Soudain, je sens les garçons s'agiter derrière moi.

– Qu'est-ce qui se passe ? demande Matt, de la peur mal dissimulée dans sa voix.

Tout d'abord, je ne comprends pas. Puis j'entends des cris. Ou plutôt des hurlements. Des hurlements de peur, sans aucun doute. Je ne mesure l'ampleur de la catastrophe que lorsque j'entends quelqu'un hurler : « Au feu ! »

Notre prison est en bois. Nous allons brûler ! Matt et Flamme sont tous les deux en train de tenter de défoncer la porte. Je ne prends même pas la peine de les aider ; ça ne servirait à rien. Il faut se rendre à l'évidence, on est coincés.

Quand soudain, la porte s'ouvre à la volée. Matt et Flamme tombent à la renverse. J'allais les féliciter quand je vois un jeune garçon barbare dans l'encadrement de la porte, un trousseau de clés en main.

– Vous me remercierez plus tard. Tiens, prends ça, me dit-il en me lançant les clés. Allez délivrer les autres. Ensuite, continuez vers le Nord, vous trouverez une civilisation qui vous hébergera.

Puis il file silencieusement.

+ + +

J'ai pu délivrer tout le monde, bien qu'il y ait eu quelques morts et une bonne centaine de blessés. Nous sommes actuellement en route vers le Nord. J'ai eu beaucoup de mal à les convaincre ; la plupart de mes compagnons voulaient retrouver ceux laissés près du Centre de Commandement. Mais mes arguments étaient plus forts : nous n'avions pas de provisions et donc nous n'arriverions certainement pas à destination avant de mourir de soif. De plus, ils étaient sûrement morts. Et pour finir, le garçon m'avait informée qu'en continuant vers le Nord, nous trouverions une civilisation qui nous accueillerait les bras ouverts.

Nous sommes désormais au deuxième jour de marche, sans aucun signe ni de vie ni d'eau. Nous marchons maintenant sur le sable, ce qui rend notre avancée bien plus difficile. Un désert qui semble infini s'étend devant nous. Il fait une chaleur épouvantable. Chaque respiration est pour moi difficile ; j'ai la gorge complètement asséchée. Un peu d'eau serait pour moi la bienvenue, ne serait-ce qu'une seule goutte.

Je ne sais pas comment je parviens à rester debout et à continuer d'avancer, inlassablement. Je voudrais m'écrouler mais pourtant mes pieds continuent de me porter, pareils à des automates. Un pied, puis l'autre.

Autour de moi, des silhouettes s'écroulent, épuisées et déshydratées. Je ne leur accorde aucun regard. Je dois me concentrer sur une seule et unique chose, ma seule chance de survie : un pied, puis l'autre. Je ne dois pas succomber à la tentation de m'écrouler sur le sable chaud, car je sais que je ne pourrais alors plus me relever.

Un pied, puis l'autre. Je ne sais pas combien de fois je me suis répété ces cinq mots. Je crois que je vais devenir folle. La tête me tourne et ma vue commence à se brouiller quand un souffle chaud me balaie la nuque, sans apporter la moindre fraîcheur. En quelques minutes, j'ai du sable plein les yeux et la bouche.

Je cherche mes amis du regard. Heureusement, il ne leur est rien arrivé. Ils marchent près de moi, l'air visiblement inquiet. Ils redoutent sûrement, tout comme moi, que le vent ne gagne en force.

Mes craintes ne mirent pas longtemps à se concrétiser. Bientôt, c'est une vraie tempête de sable qui s'abat sur nous. Cette fois, je n'y vois vraiment plus rien. Je profite de mes dernières petites secondes de visibilité pour attraper la main de Catherine et d'Adrian. Aucun signe ni de Solange ni d'Edward.

Nous luttons tous les trois contre la tempête, qui gagne chaque seconde en force, tout en sachant que nous n'y arriverons pas. Le sable obscurcit totalement le soleil ; impossible de déterminer dans quelle direction nous allons. Nous avons perdu le groupe. Seules les mains de Cat et d'Adrian dans les miennes me donnent le courage nécessaire pour continuer.

Un pied, puis l'autre. Mon esprit s'embrouille. Tous mes sens semblent endormis. Je ne ressens plus rien. Je continue de lutter contre ce sable qui me griffe la peau un instant, puis c'est le néant.

+ + +

Pour la deuxième fois en peu de temps, je me réveille dans le noir complet. Je crois tout d'abord que tout cela n'était qu'un long cauchemar et que je suis de retour dans ma chambre du Camp. Mais peu à peu, la douleur revient. Ma gorge sèche. Ma peau déchirée par les grains de sable dévastateurs. Mes muscles endoloris. Mes pieds. Mes jambes. Mon dos. Tout mon corps proteste de douleur. Tout cela était bien réel.

Puis je m'étonne d'être encore en vie. Car oui, je suis en vie. S'il y a bien une chose dont je suis sûre, c'est que le paradis ne ressemble pas à cet océan de douleur. Mais comment ai-je survécu ? Seule, évanouie dans le désert... Je n'avais aucune chance.

Puis je me souviens que je n'étais pas seule. Adrian et Cat étaient avec moi. Sont-ils ici ? Je voudrais les appeler, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je décide alors de tâtonner autour de moi, avant de me rendre compte que je suis ligotée à ce qui semble être une chaise. Je me serais donc fait enlever ? Je n'arrive plus à réfléchir... Je sens alors les ténèbres qui, peu à peu, m'envahissent de nouveau.

Matricule 301Où les histoires vivent. Découvrez maintenant