J'ai peur. J'ai très peur que cette personne, qui a dévasté ma chambre, s'en prenne à moi si je ne lui livre pas le document. Je sais qu'elle va revenir ce soir, durant mon absence. Encore une fois, je me demande comment elle a obtenu tous ces renseignements : le fait que je possède un document officiel, que je m'absente tous les soirs de 22 heures à minuit...
J'ai trois solutions. Soit je pars comme d'habitude m'entraîner avec mes amis en prenant le document avec moi, soit je pars en le laissant sur l'oreiller, soit je reste dans ma chambre en attendant son arrivée. Mais cette dernière option a des pours et des contres : je pourrai identifier le soldat qui m'a fait ça, mais il risque de me massacrer.
Les massacres sont courants, ici. Il y en a plusieurs par semaine. Si ça se trouve, il ne sera même pas puni. C'est pourquoi je suis toujours restée discrète, pour ne pas m'attirer d'ennuis. Mais je sens qu'avec ce document en ma possession, ils vont commencer, les ennuis.
Je vais le lui donner. C'est la meilleure solution. Cette phrase m'agresse tout d'un coup : « le document ou la mort ». Je tressaille. Je le lui donnerai. Je vais noter sur un bout de papier les données qui nous intéressent et lui livrer le document. Seul problème : je ne sais pas comment vont réagir mes amis.
Ou alors je l'ignore et pars avec le document. Que pourrait-il faire de plus dans ma chambre vide, maintenant qu'il l'a dévastée ? Et puis j'y tiens, à ce document ! Mais il pourrait aussi attendre mon retour pour me tuer...
Autant de pensées qui se bousculent dans ma tête. Il faut que je voie Tina avant ce soir. Je ne sais pas du tout comment m'y prendre, sachant que les interactions sociales entre nous sont interdites, mais il faut que je la voie. Tina est devenue ma grande amie. Nous nous adorons. Cette fille est géniale, elle saura me dire que faire. Je sais bien que je laisse un peu Catherine de côté, ces derniers temps, et qu'elle en souffre ; elle n'hésite pas à me le montrer en me regardant avec tristesse chaque fois que je rigole avec Tina. Mais je sens que je noue une amitié forte avec cette dernière, comme jamais auparavant. Et je ne veux pas passer à côté de ça. Alors Catherine a beau pleurer et me dire d'arrêter de gâcher notre amitié pour une inconnue, ça ne me fait ni chaud ni froid.
Mais comment lui parler ? Les règles sont si strictes ici... Nous n'avons pas le droit de communiquer entre nous, ni de détourner le regard, nous nous devons de rester des soldats anonymes sans vie sociale. Je suis si pressée de partir, pour pouvoir crier, chanter, danser, me rouler dans l'herbe, rire... Bref, tout ce qui nous est interdit ici. Mais tout ça ne m'a pas donné la solution pour parler à Tina.
Quand arrive la fin de la journée et l'heure de regagner nos chambres, je n'ai toujours pas réussi à entrer en contact avec elle. Il me reste une demi-heure pour me décider avant de partir m'entraîner avec les autres dans la cabane de Tina. Mais quand j'arrive à ma chambre, il y a un petit mot sur ma porte. Avant même de lire son contenu, je regarde au bas de la feuille, afin de voir s'il est signé. Oui ! C'est Tina ! Elle a réussi à tromper la vigilance du garde et du Matricule 1000 pour me mettre un petit mot sur ma porte de chambre ! Cette fille est décidément géniale. Je lis rapidement ce qu'elle m'a écrit : « Salut Nat, je suis au courant pour ta chambre. Donne-lui le document, c'est ce qu'il y a de mieux à faire. »
C'est pas vrai, mais comment sait-elle ? Et si elle y était pour quelque chose dans tout ça ? Je commence sérieusement à douter. Mais Tina est si gentille... Elle n'a pas pu me faire un coup pareil, ce n'est pas possible ! La Tina que je connais en est incapable. Elle me conseille sûrement ce qu'elle croit le mieux pour moi, il n'y a pas à chercher plus loin. Je vais faire ce qu'elle me dit. Je recopie tout ce qui nous est intéressant sur une feuille que j'ai volée au Matricule 1000 il y a bien longtemps puis pars en laissant le document.
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Matricule 301
AdventureJe m'appelle Matricule 301. J'ai été arrachée à mes parents à ma naissance. Depuis mon plus jeune âge, je vis dans un Camp d'Entraînement dans lequel on nous prépare à la guerre. Une guerre imbécile dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissa...