Chapitre 5-3: Derniers préparatifs

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Xelius amena deux seaux qu'il fit descendre dans un puits, juste derrière la taverne. Il les fit descendre un bon moment avant de toucher le fond et de les sentir s'immerger puis se remplir. Mais la profondeur se fit d'autant plus ressentir quand vînt le moment de remonter les seaux remplis, chargés chacun de trois bons gallons. Ça tirait sur les bras de l'archer qui n'avait pas l'habitude des exercices de force.

Une fois les seaux remontés, il les prit en main et les emmena quelques mètres plus loin. Et les vida dans un demi-tonneau, qui ferait office de baignoire improvisée.

Il retourna au puits et répéta l'exercice, mais avec plus ample peine. La potion commençait à faire effet, il le sentait. Malgré le froid, il transpirait à grosse goutte, laissant parfois perler des gouttelettes salines tombant en forant le sol neigeux. Il eut alors une terrible sensation d'intense chaleur intérieure, dû à l'effort, et de froid extérieur, exacerbé avec la transpiration rafraîchie par l'air. Très vite, il grelotta au point d'avoir du mal à finir de vider ses derniers seaux.


Pour ne pas souffrir du froid, Xélius par la force de son esprit d'hydrokinésiste et en projetant son magnétisme avec sa main, au-dessus du bac, fit légèrement vibrer les fines particules d'eau, groupe  par groupe. Ce qui à un niveau invisible à l'œil humain créait de l'agitation et  augmentait la température du volume d'eau de quelques vitaux degrés.

 À toute vitesse, il retira ses vêtements chauds et les plus près du corps qui commençait à coller. Il entra, sans hésitation.  Une fois installé il se frotta comme si sa vie en dépendait ( ce qui était peut-être un peu vrai) et sentit disparaître la sueur et la crasse accumulée tout le long des derniers jours.  

Agréable! La sensation de l'eau sur son corps. Ça lui avait manqué! Il est vrai que trouver des lieux pour profiter d'un bon bain s'avérait plus difficile et moins commode à mesure qu'on s'éloignait du point d'été éternel*. Et même si le dispositif était spartiate il en appréciait avec un naturel enthousiasme tous les bienfaits.

Voyant le soleil à peine levé il jugea qu'il avait suffisamment de temps pour une méditation matinale. Réactiver ses compétences au plus vite - mise en sommeil par l'alcool et la procrastination - était primordial au vu de se défendre sur la route et de sortir de cet état d'apathie larvaire.

Ainsi donc il commença. Tout d'abord une série d'exercices de respiration: 


Exercice de respiration 1

Asseyez-vous sur une chaise, le dos bien droit. Posez vos deux mains sur le ventre. Puis respirez tout en ressentant avec les mains et le ventre les mouvements du corps. Ensuite, tranquillement, inspirez plus en profondeur. À chaque expiration, laissez aller les tensions au niveau des épaules, de la nuque et du dos. 

Il dressa son esprit à se focaliser sur son corps ( les mouvements que provoquaient les inspirations et expirations) et à en oublier toutes les sensations externes, ce que l'apesanteur aqueuse rendait beaucoup plus évident. Ainsi, donc sa perception devenait nuageuse, évanescente à l'extérieur du bain. Malgré tout, il restait déconcentré par de légers remous, qui lui rappelait sans cesse son immobilité incomplète. Dans un état d'extrême sensibilité toutes gênes  emplissait  l'esprit comme une explosion. Il s'efforça à ne plus bouger pour atteindre un état plus profond. Il la sentait sur son corps comme si sa peau était une langue et discerner les différentes nuances de température ou d'acidité et de basicité de l'eau, ce qui stimulait encore plus son esprit. En tant qu'hydrokinésiste expert, d'un simple contact il savait différencier avec précision les eaux et leurs propriétés. 

Finalement, lassé par ces sensations-informations qui le déconcentrait, il s'immergea tête et corps dans l'eau et ainsi se laissa  aller dans le liquide. Mais mentalement, Xelius s'en allait ailleurs. Désormais, il se trouvait dans le lac Noir, le lac de son enfance, là où lui et sa famille vivait avant... Il eut l'habitude de se plonger dans cette immense et profonde étendue d'eau qui rendait une couleur noir abysse (d'où le nom). Il était plongé en profondeur et revivait avec forte intensité chaque instant et détail comme l'absence de lumière, avec autant de clarté qu'un souvenir pouvait permettre. Revisualiser cette fantasmagorie à chaque méditation était devenu plus un plaisir, un moment de détente, qu'une obligation car ce lieu lui était cher et l'apaisait. Chaque élémantaliste entraîné pouvait en son esprit avoir un ou plusieurs lieux, où son élément se trouvait en abondance. C'est une sorte de sanctuaire intérieur réel, imaginaire ou les deux. Un lieu où l'élémantaliste, en contact avec son élément, régénère ses forces en communiant psychiquement avec son élément.  En le laissant le pénétrer et se pénétrer en lui. Pour cela, Xélius n'avait qu'à rester dans son sanctuaire intérieur, dans les profondeurs du lac Noir, parfaitement immobile et imaginer que l'énergie de l'eau rentrait dans psychique, en l'attirant par sa volonté . 

Une autre propriété de ce sanctuaire mental est que le temps s'y écoule moins vite que dans le monde réel. Alors que le corps de Xélius dans son demi-tonneau était plongé dans l'eau depuis quelques instants, son corps psychique, dans le sanctuaire, lui était immergé depuis une dizaine de minutes et commençait à refaire le plein. 

Le corps psychique de Xélius parfaitement immobile dans les profondeurs du lac noir, avait quasiment repris toutes ses forces. Quand soudain, le sortant de sa concentration, un lointain souvenir du passé refit surface. Pas de panique ! Cela arrivait souvent. L'esprit n'est pas fait pour ne pas penser qu'a une seule et unique chose. Il est même normal dans ces instants de recueillement que des pensées et souvenir s'invitent pernicieusement . Cependant la concentration élémentale se devait d' être parfaite et ne pas être gêné par une pensée parasite opportuniste. C'était perpétuellement un combat mental pour retenir les flots de pensées. Xélius reprit mentalement les étapes menant à la concentration, c'est-à-dire : se focaliser sur la respiration, tout en limitant son espace perceptuel à son corps uniquement puis à son sanctuaire mental. Il reprit alors le contrôle de la situation. Mince ! Il venait de penser au fait "qu'il avait repris le contrôle de la situation". Et à partir de là, ce fut une avalanche. Pleins de pensées, inutiles, l'assénèrent : combien de temps durerais le voyage jusqu'à Talion, quel genre de créature il allait voir sur la route et d'autres... L'eau du lac noir commença à bouillonner. Il perdit la stabilité de son sanctuaire. Soudain, des profondeurs du lac noir, une bulle mémorielle gigantesque  s'éleva. Xélius lâcha sa concentration et pu la voir monter vers lui, il y vit deux gros yeux et crus entendre très furtivement " Tu ne m'as pas oublié Xélius " . Deux lumières rouges l'éclairèrent des abysses insondables et inviolables de la profondeur de son esprit. Puis il fut aspiré et projeté dans son lointain passé.

* Dans le monde de Tamaran les saisons n'existent pas en période changeante annuelle. Au Nord, c'est l'hiver éternel et au Sud l'été infini. Et entre les deux les nuances des deux grandes saisons, ce qu'on peut nommer l'automne et le printemps.  Cela dit le climat n'est pas constant il y a des périodes de pluies, de vent, des périodes dîtes neutres et même de tempête qui reviennent quasiment de manière périodique.

Les Chroniques de Tamaran Tome 1: La Route du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant