Chapitre 3 : M. Adkins ?

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« Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

- Jean d'Ormesson -


Enfin, il ne me restait plus que deux heures de cours avant que je puisse rentrer me jeter comme un phoque sur mon canapé. Je n'avais repris les cours que depuis trois jours mais je n'en pouvais déjà plus. On pouvait presque s'attendre à voir de la fumée sortir de mon cerveau surchauffé par le trop pleins d'informations dont il faisait l'objet. Et malheureusement, étant donné l'averse qui tombait sur la Nouvelle-Orléans depuis plusieurs heures, le retour risquait de s'avérer compliqué. Les bus et les tramways seront sûrement bondés à cause des conditions climatiques. Je détestais les transports en communs pleins à craquer, surtout quand c'était la troisième guerre mondiale pour avoir une place.

Je m'installai au fond de la salle pour assister à mon dernier cours parmi quelques personnes qui pour la majorité étaient des garçons car même si j'avais dix minutes d'avance, les places à l'avant de la salle étaient déjà toutes occupées par bon nombre de filles. Vu que quelques unes bombaient la poitrine tout en replaçant pour la quinzième fois une mèche de cheveux derrière leur oreille, le professeur devait être plutôt pas mal.

Alors que je m'étais perdue dans les méandres d'internet depuis déjà plusieurs minutes, des soupirs s'élevèrent du fan club. Je relevai mes yeux d'une vidéo au contenu totalement débile pour voir un grand brun au physique de mannequin passer la porte pour rejoindre le bureau à l'avant de la salle. Il était probablement dans la trentaine et sa peau halée trahissait des origines latines. Voilà qui expliquait le pourquoi du comment. Enfin... il pourrait être leur père mis à part le fait qu'il soit bien foutu.

Tout en déposant la pile de document qu'il tenait sur le bureau, il demanda le silence d'une voix puissante avant de projeter au tableau un extrait d'un roman de Jane Austen intitulé : Orgueil et préjugés. Ce cours de littérature anglaise portait sur la vision du mariage donné par l'auteur dans la société du dix-neuvième siècle.

Visiblement peu intéressé par les problèmes des Bennet, la plupart des élèves présents n'avaient pratiquement rien écouté du cours comme mon voisin de table qui avait carrément décidé de regarder un épisode de Game of Thrones. Bon... j'avouais avoir un peu louché sur son écran pendant quelques minutes mais c'était uniquement pour faire une petite pause cérébrale.

Lorsque le professeur termina son cours, un groupe de fille quitta la salle d'un pas traînant en tentant inutilement d'attirer son attention. Alors que je ramassais mon sac, je ne pus m'empêcher d'exploser de rire quand l'une d'elle qui le mangeait du regard rentra dans le mur au lieu de sortir par la porte. En m'entendant contenir avec difficulté mon hilarité, M. Adkins détacha son attention du tableau pour me jeter un coup d'œil.

Sauf que je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il me regarde avec des yeux prêts à sortir de leurs orbites comme s'il venait de voir un fantôme. Tout son corps se tendit à l'image de son poing qui broyait désormais la feuille qu'il tenait dans sa main jusqu'à rendre ses jointures blanches. Perturbée par sa réaction, je restais immobile alors que tous les étudiants quittaient la salle peu à peu. Quand l'amphithéâtre fut déserte à l'exception de nous deux, je m'approchai de lui. Je crus entendre Adkins murmurer plusieurs fois un prénom comme s'il s'agissait d'un mantra : "Grace".

- Monsieur Adkins, vous allez bien ? demandai-je d'une voix hésitante.

Quand je m'arrêtai devant lui, il sembla reprendre conscience de se qu'il se passait autour de lui. Il passa nerveusement une main sur ses yeux rougis tout en m'adressant un sourire crispé.

Between Two SidesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant