Chapitre 4

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Je me faisais presque pitié. Je ne voulais pas me résoudre à admettre que j'avais lâchement abandonné à la première difficulté. Sur le long et tortueux chemin de la guérison, j'avais emprunté la première sortie de secours à ma disposition. Le pire dans cette histoire, c'est que je continuais à me persuader que si nous ne rentrions pas trop tard, je rejoindrais Robin comme convenu. Mon œil.

Gabrielle n'avait jamais été au courant de ma situation. C'était une histoire, un passage destructeur de ma vie, que je gardais pour moi et ma psy. Surtout pour ma psy en fait. J'étais plutôt à l'aise avec ce mensonge. De toute manière il n'y avait aucune chance qu'elle s'en rende compte un jour. Discuter avec un homme n'avait jamais été un problème. Je ne faisais pas une crise de panique chaque fois que j'en croisais un dans la rue. Ma pathologie était plus subtile que ça, plus sinueuse. J'avais tout un tas de mécanisme de défense qui me permettait de les côtoyer au quotidien, de leur parler comme une personne normale, sans attirer l'attention.

Pour commencer, je n'avais aucun contact physique avec eux. C'est simple, je détestais qu'on me touche. Pour autant, je ne devenais pas hystérique devant tout le monde. Non, je me dégageai gentiment, ni vu ni connu, et mettais un terme à la conversation. C'est fou le nombre de personnes tactiles en ce monde. Ensuite, pour pouvoir être totalement à l'aise en présence d'un homme, je devais - et je n'avais pas besoin de le faire d'ailleurs car mon cerveau le faisait tout naturellement et très bien pour moi - penser ses hommes comme dépourvu d'appareils génitaux où s'arrêtant à la taille. Il peut paraître difficile de m'imaginer discuter avec des hommes troncs, mais je faisais pourtant ça avec beaucoup de talent.

Je n'étais pas complètement handicapée dans ma vie de tous les jours, juste dans ma vie amoureuse. Je refusais d'avoir le moindre rendez-vous avec un homme, le moindre rapprochement qui pourrait déboucher sur un acte que je ne serais pas en mesure de gérer psychologiquement. Peut-être était-ce plus facile pour moi d'aller à cette conférence que de rejoindre Robin.

J'attendais dans ma voiture, au pied de son immeuble, que Gab veuille bien se dépêcher de sortir. Je n'avais pas arrêté le moteur puisqu'elle m'avait certifié qu'elle arrivait tout de suite. Elle me laissa malheureusement bien assez de temps pour cogiter sur le choix cornélien qui avait été le mien ce soir.

Robin voulait simplement boire un verre, il n'y avait pas de quoi se mettre la pression. En mon for intérieur, pour tenter de me rassurer, je me remémorais ce que m'avait dit ma psy : "Les hommes ne vous veulent pas tous du mal.". Et elle avait raison bien sûr. Prendre un verre avec lui ne m'obligeait pas à déboucher sur une partie de jambes en l'aire.

Gab sortit enfin de son immeuble pour accourir dans la voiture. Elle était resplendissante, un peu trop même pour se rendre à une conférence. Elle portait une robe de soirée noire moulante plutôt courte et des talons vernis bleu vertigineux. Sa longue crinière était coiffée sans vraiment l'être, sauvage et indomptable. Elle se faufila sur le siège passager, me laissant tout le loisir d'observer malgré moi ses jambes extraordinairement élancées. Je devais sûrement faire une tête de vingt pieds de long parce qu'elle se mit à rire bruyamment.

- Je croyais qu'on allait à une conférence ! m'étonnai-je.

- C'est toujours le cas !

Elle mit sa ceinture et lança un soupir quand elle comprit qu'elle allait devoir m'expliquer la raison de sa tenue.

- Ne fais pas l'effarouchée, ce mec est vraiment un canon et un parti en or.

- Quel mec ?

Décidément je ne comprenais vraiment rien. Elle allait à une conférence pour un homme ?

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant