Chapitre 22

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Je passai ma journée au lit et n'en sortis que le lendemain matin quand mon réveil sonna. Il était grand temps pour moi de faire comme si toute cette histoire ne m'était jamais arrivée et de reprendre ma vie en main. Heureusement pour moi, demain je voyais ma psychologue et j'allais pouvoir lui raconter en détail tout ce qui s'était produit dans ma vie, tous les premiers pas extraordinaires que j'avais faits et les désillusions qui m'avaient finalement mis K.O. Il serait peut-être judicieux de faire une liste, juste histoire d'être sûre de n'avoir rien oublié.

Si j'allais beaucoup mieux ce matin, c'était grâce à ces longues heures passées au fond de mon lit à me demander s'il n'y avait pas une bonne raison à tous ça et voilà ce que j'en avais conclu : Si Charles était capable de coucher avec n'importe qui les yeux fermés et sans en ressentir le moindre remords, alors ce n'était pas quelqu'un pour moi. Je m'étais finalement convaincu que moi aussi j'avais le droit au bonheur et que quelqu'un de bien m'attendait quelque part. J'allais changer ma vie et en prendre enfin les rennes dans la mesure de mon possible. Je ne disais pas que ça allait être facile, j'aurai toujours de nombreuses difficultés à faire confiance à la gent masculine, mais j'étais enfin prête à essayer.

Un nouveau départ s'annonçait pour moi ce matin. Je pris la douche la plus longue possible, frottant de toutes mes forces afin de faire disparaître le spectre de Charles Potens planant sur moi. Je voulais en effacer toutes traces et sortis de la cabine aussi rouge qu'une tomate. Je m'en voulus presque immédiatement et m'excusai auprès de mon épiderme en badigeonnant généreusement ma peau meurtrie. Ce jour-là, ma préparation fut assez pénible et éreintante et ce ne fut que quarante minutes plus tard que je sortis de la salle de bains sans même m'être encore habillée ni coiffée. Je choisis dans ma penderie quelque chose de confortable, un pull long noir une taille au-dessus de la mienne et un slim de la même couleur. J'enroulais mes cheveux en boule au sommet de ma tête et fixai le tout avec un élastique.

Mon portable se mit à sonner dans la cuisine, mais j'étais trop pressé pour décrocher. Je laissais sonner en me disant que de toute manière, si urgence il y avait, la personne me laisserait un message. Je ne doutais pas qu'il s'agisse de Gab. Vu mon état d'hier, elle voulait sûrement prendre de mes nouvelles et savoir si j'étais morte ou non. Mon interlocuteur ne réitéra pas son appel. Ce ne devait donc pas être très important.

Je ne pris pas la peine de me maquiller et courus enfiler mes Doc Marteens. Mon cours commencerait dans à peine une heure et il fallait encore que je me rende jusqu'au campus en voiture. Avec la route, on ne pouvait jamais savoir si l'on allait être à l'heure ou en retard. D'une minute à l'autre des bouchons gigantesques pouvaient se former et vous bloquer pendant une durée interminable.

Je fis une dernière petite caresse à Squeezy à qui je versais des croquettes dans son bol avant de partir, pris mon téléphone en vol et me jetais littéralement dans ma voiture. Finalement, le trafic était assez fluide ce matin et j'arrivais en moins d'un quart d'heure. J'eus plus que le temps d'aller me chercher un café à emporter ainsi qu'un de ces nouveaux cookies au chocolat blanc et thé matcha avant de me poser sur un siège de l'amphithéâtre quasiment vide. J'allais pouvoir prendre le temps de déjeuner en paix et de rappeler Gabrielle. Je sortis mon téléphone de mon sac et l'écran s'illumina du fameux "un appel en absence". J'appuyais sur "ignorer" et rappelais directement mon amie. La sonnerie ne retentit que deux fois.

- Salut ma belle ! claironna Gab à l'autre bout du fil.

- Salut Gab, ça va ?

- Ça va et toi alors ? Remise ?

- Parfaitement !

- Tu penses que tu vas sortir aujourd'hui ?

- Tu ne crois pas si bien dire, gloussai-je. Je suis justement en cours, je suis plutôt en avance ce matin.

- Super, c'est que ça va mieux, souffla-t-elle rassurée. J'ai cru que tu m'appelais pour me demander de t'apporter du bouillon de poule, ricana-t-elle ensuite.

- Très drôle, comme si ça ne t'arrivait jamais d'être malade à toi ! grondai-je.

- En tout cas tu as l'air en forme. Alors qu'est-ce que tu voulais ?

- Comment ça qu'est-ce que je voulais ? m'enquis-je en ne comprenant pas bien de quoi Gab parlait.

- Ben pourquoi tu m'appelles ?

- C'est pas toi qui m'as appelé ce matin ? Désolé, j'ai naïvement pensé que ma meilleure amie future médecin s'inquiétait de ma santé et venait aux nouvelles ! raillai-je faussement touchée.

- Oh mais je l'aurais fait, seulement à un autre moment que toute nue dans mon bain, avoua-t-elle.

- Ah OK, je vois. Je vais te laisser barboter dans ta crasse alors, m'amusai-je.

- Tu n'y comprends rien ! On se voit ce soir ?

- Pourquoi pas ! On se redit ça plus tard ?

- OK ma poule, à toute.

- Toute !

Je raccrochais et bus une gorgée de mon café en parcourant mon historique d'appel. Juste après l'appel sortant que je venais de donner s'affichait l'appel entrant que j'avais reçu ce matin et là, mon sang ne fit qu'un tour. Le nom de Charles s'afficha en lettre capitale sur mon écran. Je reposais fébrilement mon café sur la table et analysais la situation. Charles Potens avait essayé de m'appeler ! Après trois jours à tenter de faire le deuil de sa personne, voilà qu'il daignait enfin répondre à mes nombreuses supplications. Pourtant, je n'étais plus sûre de vouloir lui parler. Avais-je encore envie de souffrir ?

Son appel datait d'il y avait à peine trois quarts d'heures, mais pouvais-je encore le rappeler ? Devais-je le rappeler ? Toutes mes bonnes résolutions volèrent en éclat et je ne pus m'empêcher d'appuyer sur le rappel automatique. Je ne me rendis réellement compte de ce que j'étais en train de faire que lorsque j'entendis sa voix à l'autre bout du fil.

- Charles ! annonça-t-il fièrement, mais un peu froidement.

Je me demandais, à la manière dont il me répondait toujours, s'il voyait mon nom s'afficher sur son téléphone ou non. Il paraissait toujours tellement dur.

- Salut, c'est Maggie ! m'annonçai-je à mon tour pas très à l'aise.

Je ne savais même pas ce que j'étais censée lui dire. À dire vrai je n'y avais pas beaucoup réfléchi. J'avais encore un peu de temps devant moi avant que l'amphi ne se remplisse et qu'il ne devienne impossible d'avoir une conversation privée et audible.

- Bonjour Margaret ! me salua-t-il très distant. Tu as mis du temps avant de me rappeler !

Et toi donc, pensai-je.

- Oui, j'étais en voiture. Je suis contente que tu m'aies appelé, entrai-je enfin dans le vif du sujet.

- Je voulais simplement savoir si tout allait bien pour toi. Je t'ai aperçu hier et ça n'avait pas l'air d'être la grande forme.

- Oui... Oui ça va mieux merci, bégayai-je toute étonnée de prendre conscience qu'il s'était inquiété pour moi.

- Dans ce cas tant mieux. Je dois te laisser !

- Attends ! m'empressai-je d'ajouter avant qu'il ne raccroche.

- Je n'ai que très peu de temps à t'accorder alors dis-moi ce que tu veux.

- Je pensais que nous pourrions prendre le temps de discuter un peu de ce qui c'est passé la dernière fois, proposai-je.

- Malheureusement j'en manque cruellement, répondit-il très sèchement.

- De quoi ?

- De temps Margaret ! Je suis en pleine réunion. Une autre fois peut-être.

Il était sur le point de raccrocher une deuxième fois et si je le laissais faire, je n'arriverai plus à le ravoir au bout du fil, j'en étais certaine.

- Je suis désolée, lançai-je comme un hameçon dans sa direction en espérant que mon appât lui plaise suffisamment pour qu'il décide de le gober.

Je l'entendis souffler au bout du fil.

- Je pense pouvoir t'accorder une dizaine de minutes après le déjeuner. Tu penses que ça suffira ?

- Je prends ! acceptai-je.

- Rendez-vous dans mon bureau.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant