Chapitre 35

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Cela faisait bien deux heures que nous œuvrions sur notre opéra et j'étais forcée de constater que mon petit ami était vraiment un as en matière de gâteau. Il se montra fort patient avec moi car, selon ses dires, il réalisait cette recette en moins de temps qu'il ne le fallait pour dire ouf. C'était un très bon professeur, avide de transmettre son savoir, minutieux et rigoureux. Au final, je n'étais plus si étonnée que ça car c'était un passe-temps parfaitement adapté à sa personnalité. La pâtisserie est quelque chose de sérieux, de précis et de carré. On ne peut pas faire n'importe quoi avec les recettes, il y avait des règles et il était impensable pour lui de ne pas les respecter. Une recette, disait-il, ça se suit à la lettre.

Nous en étions à l'étape du glaçage et la pièce embaumait le chocolat fondu. Cette odeur légèrement pralinée, de sucre chaud et de cacao me rappela l'odeur de la peau de Charles. Voilà qui expliquait beaucoup de choses. Son petit côté caramélisé devait lui venir des nombreuses pâtisseries qu'il réalisait car il m'avoua en faire au moins une par jour, parfois même après une nuit de travail.

C'était magnifique à voir tout ce chocolat brillant qui glissait le long de la spatule. Charles nappa lui-même le dessus de notre gâteau soigneusement posé sur une grille et je m'amusai à l'observer si consciencieux, comme si la moindre défaillance rendrait son dessert immangeable.

- Finis ! clama-t-il en posant le saladier en inox sur le plan de travail.

- Je te dois mes plus plates excuses, cédai-je bonne joueuse. C'est vraiment magnifique.

- Et délicieux, mais ça, tu ne le sauras pas avant une bonne heure, il doit reposer au frais.

Il s'empara de son petit chef-d'œuvre et le déposa dans le réfrigérateur duquel il sortit une barquette de fraises absolument énormes et une bouteille de champagne.

- Pour l'attente, se justifia-t-il.

C'était vraiment une délicate attention de sa part. J'avais l'impression de vivre un rêve. Nous nous installâmes sur nos chaises hautes et Il déposa les fraises devant nous. Il fit sauter le bouchon de la bouteille de champagne et me servit une coupe. Je portais le breuvage bien frais jusqu'à mes lèvres et me délectais du meilleur champagne que je n'avais jamais bu de toute ma vie.

- Wouaw ! lâchai-je sans pouvoir me retenir. Il est excellent ! Merci.

Je lui souris tendrement et il me le rendit avec quelque chose de plus dans les yeux. Il saisit une fraise qu'il plongea le long des parois du saladier de chocolat et me tendit le fruit ainsi nappé. Je n'en fis qu'une bouchée, tant c'était bon. Charles, lui n'en mangea pas une seule. Je flottais sur un drôle de petit nuage et ne me fis pas prier pour m'en faire moins même une deuxième. Lorsque j'eus terminé ma bouchée, je remarquai que Charles me fixait comme un chasseur fixe sa proie, avec l'envie et l'excitation du gibier tout proche. Il descendit alors de sa chaise pour se rapprocher de moi d'un pas félin, pénétrant sans problème ma sphère de sécurité. Il s'arrêta à quelques centimètres de mon visage, dévora des yeux chaque parcelle de mon anatomie puis stoppa son exploration sur ma bouche avant de me regarder profondément dans les yeux. Mon souffle était court et saccadé. Je ne savais pas trop si c'était de l'envie ou de la panique. Avec moi, la frontière pouvait parfois être mince.

- Tu as du chocolat sur le coin des lèvres, souffla-t-il d'une voix si érotique et emprunte de désir que mon cœur accéléra d'un seul coup.

Il passa son doigt sur mes lèvres et son contact me fit fondre de plaisir au point que je me mis à fermer les yeux de bien être. Lorsqu'il enleva son doigt, je rouvris les paupières et l'observais le porter à sa bouche. Je pensais soudain que si je ne l'arrêtais pas très vite, il sera difficile de le faire dans une minute. D'ici là, tout sera parti en cacahuète.

- Charles ! l'arrêtai-je en posant ma main sur son torse. Tu vas un peu vite là.

Ça ne sembla pas le décourager, au contraire, me voir me débattre avec une envie partagée et à peine dissimulée le fit beaucoup rire. OK j'en avais envie, mais entre le désir et le passage à l'acte il y avait un océan que je n'étais pas encre prête à franchir de sitôt. Charles repoussa ma main et revint à la charge. Heureusement pour moi, Paul entra au même moment ce qui le stoppa net dans son élan. Je devins aussi rouge qu'une tomate, morte de honte que Paul puisse assister à ce qui devait ressembler à un début de galipette.

Mon petit ami, ainsi refroidi, lança un regard accusateur à son majordome et j'en profitai pour remettre une distance acceptable entre lui et moi.

- Qui a-t-il Paul ? gronda-t-il.

- C'est encore Monsieur Linkel, Monsieur ! déclara Paul le moins du monde gêné par la situation.

Je ne pus m'empêcher d'imaginer toutes les choses auxquelles Paul avait dû assister avec un employeur comme Charles. En fait, après réflexion, je ne préférais pas me l'imaginer. Une petite séance de bécotage dans une cuisine devait être l'action la plus soft qu'il ait pu surprendre.

- J'ai dit que j'étais occupé !

- Il insiste lourdement Monsieur !

- Très bien, capitula-t-il en soufflant.

Paul sortit de la pièce, me laissant de nouveau seule dans la cage au lion. Charles prit une grande inspiration, sans doute pour réoxygéner son cerveau plus qu'autre chose.

- Je vais devoir t'abandonner quelques instants, murmura-t-il en caressant mes cheveux. Je te laisse pique-niquer en paix, dit-il en désignant les fraises et le champagne qui n'attendait que moi.

- Profites-en pour prendre une douche froide, la taquinai-je.

Il s'empara d'une fraise, me lança le regard le plus envieux qu'il m'ait jamais lancé et m'abandonna.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant