Chapitre 13

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Je n'arrivai pas à croire que j'étais assise sur la cuvette des toilettes d'un bar à chercher activement la réponse à un problème insoluble. Ma première idée, avait été de me glisser par la fenêtre des toilettes comme dans les films. C'était ma meilleure option, mais il s'était avéré que la pièce qui devait être mon salut en était dépourvue. Le sort s'acharnait contre moi.

Ma deuxième option fut de demander de l'aide à Gabrielle. Trois appels plus tard, ou plutôt monologue avec sa messagerie, je dus me résoudre à trouver autre chose. J'ai cherché longtemps, niant l'évidence qui s'imposait à moi au fur et à mesure de mes triturages de méninges.

Je n'arrivais pas à croire que j'allais faire ça, mais, en même temps, je n'arrivais pas à croire non plus que je m'étais volontairement laissée enliser dans un tel pétrin moi-même. Je parcourus mes récents appels et retombai enfin sur le numéro que je cherchai. Bien que je ne connaisse pas son numéro, la date et l'heure de ce coup de téléphone correspondaient parfaitement avec celui que Charles Potens m'avait passé la veille au soir.

J'appuyai sur le rappel automatique, le cœur au bord de l'explosion. J'étais sur le point de demander un énorme service à un homme que je ne connaissais pas, qui ne me devait absolument rien et avec qui j'avais plus ou moins toujours été parfaitement odieuse. Je devais être totalement désespérée pour faire ça.

Après seulement deux sonneries, il décrocha.

- Charles ! s'annonça-t-il en décrochant.

Le timbre de sa voix m'emporta dans les plus hautes sphères.

- Bon...bonsoir Charles ! bégayai-je très peu sûre de moi et de ce que je m'apprêtais à faire. C'est Maggie !

Après ça, je lui laissai l'occasion de répondre et d'engager lui-même la conversation, mais il n'en fit rien. Le silence s'éternisa et je fus encore plus mal à l'aise que je ne l'étais déjà. Il est vrai que je ne m'étais pas attendu à un accueil aussi froid de sa part. Je m'étais imaginée de la joie, de la satisfaction et une pointe de fierté même, mais pas à un silence glacial et à une évidente déception.

- Comment as-tu eu mon numéro ? gronda-t-il à l'autre bout du fil.

- Le rappel automatique, répondis-je rapidement pour changer de sujet et tenter de le mettre de meilleure humeur qu'il ne semblait l'être. Comment vas-tu ?

Gentleman et poli comme il l'était, il ne résista pas plus longtemps à corriger son manque d'égard envers moi.

- Bien, merci ! Je peux faire quelque chose pour toi ? lança-t-il sur la réserve.

Qu'est-ce que je disais ? Je décidai de ne pas entrer dans le vif du sujet tout de suite. J'avais d'abord quelques excuses à lui faire.

- Je t'appelle pour m'assurer que tu vas bien, mentis-je à moitié car son bien-être m'intéressait plus que je ne voulais bien l'admettre.

- Pourquoi ça n'irait pas ?

- J'ai été un peu dure avec toi hier soir et tu as raccroché tellement vite...

- Ne t'en fais pas, j'ai bien compris. Tu n'es pas une femme facile. J'ai eu ce que je méritais, j'ai peut-être un peu trop insisté.

- C'est vrai, mais ce n'était pas une raison. À vrai dire, je ne m'attendais pas à ce que tu m'appelles, ça m'a surpris et j'avais déjà un peu bu.

- Voyez-vous ça ? ricana-t-il. J'espère que personne n'en a profité ! ajouta-t-il avec sérieux.

- Euh non !

- Tu es sûre ? Même pas Gab ? insista-t-il.

Il n'y avait bien que les hommes pour faire ce genre de réflexion bizarre. Encore un malade qui fantasmait sur deux femmes qui couchent ensemble. Je n'étais plus vraiment sûre de vouloir qu'il vienne me venir en aide tout à coup. Je tentais de désamorcer tout de suite la situation. S'il s'imaginait pouvoir nous glisser toutes les deux en même temps sous sa couette, il se fourrait le doigt dans l'œil.

- Je ne suis pas vraiment son genre, lui assurai-je.

- Je n'en crois pas un mot.

- Pour que j'aie une chance il faudrait que je sois plus grande, que j'ai beaucoup plus de muscles et tout autant moins de poitrine.

- Gab est Gay ? Parce que j'ai une théorie sur tous ces hommes qui se déclarent soi-disant gays pour attirer l'attention des filles et gagner leur affection.

Je compris immédiatement le mal entendu qui c'était immiscé entre nous deux et fus soulagée de voir qu'il s'agissait non pas de perversion, mais plutôt de jalousie.

- Gab est une femme ! le coupai-je comme une évidence. Elle s'appelle Gabrielle, mais elle déteste qu'on l'appelle Gabi.

- Bien sûr, répondit-il sur un ton évident peu convaincant.

- Il y a un problème ?

- J'ai cru comprendre hier soir qu'il s'agissait de ton petit ami.

- Oui je vois ça ! Ça aurait été un problème ?

- Pour moi oui, avoua-t-il à peine honteux.

Il avait ce côté direct qui parfois me mettait mal à l'aise et d'autre fois qui me plaisait terriblement. Impossible de dire, dans le cas présent, si c'était l'un ou l'autre. J'aurais aimé lui demander pourquoi ça aurait été un problème, mais la porte d'entrée des toilettes s'ouvrit dans un grincement épouvantable, accentué par la lenteur du mouvement qui l'avait déclenché.

- Maggie ? J'ai réglé la note ! Est-ce que ça va ? s'éleva la voix inquiète de Robin par-dessus les cloisons des toilettes individuelles qui s'inquiétait de mon séjour prolongé au petit coin.

- Oui, oui, j'arrive ! l'expédiai-je.

Il sortit et Charles tiqua immédiatement. Il faut dire que je n'avais pas vraiment pris la peine de mettre ma main sur le micro de mon téléphone pour privatiser et surtout scinder mes deux conversations. Acte délibéré ? Sûrement !

- Tu es avec quelqu'un ? s'inquiéta Charles la voix légèrement différente.

Son ton avait pris une teinte de possessivité qui me donnait des frissons d'excitation dans tout le corps.

- Pas vraiment ! me lançai-je enfin dans la raison de mon appel. Pour être honnête, je suis cloîtrée dans les toilettes miteuses d'un bar.

- Qu'est-ce qu tu y fais ?

- Je suis en proie à un garçon extrêmement collant et je n'arrive pas à m'en débarrasser sans le froisser.

- Dans quel bar es-tu ?

- Chez Momies !

- J'arrive !






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