Chapitre 67

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Je me tenais devant cette porte qui captait toute l'attention de Charles et qu'il mourrait d'envie d'ouvrir. Que pouvait-il bien y avoir derrière ? À la fois tendu et excité, il souriait béatement, le coin des lèvres légèrement crispé.

- Ça mène où ? demandai-je pressée de le découvrir.

- C'est mon bureau !

Son bureau ? Pourquoi faisait-il tant de mystère de cette pièce ? J'avais du mal à m'imaginer qu'il avait été bizarre toute la journée parce qu'il voulait me montrer son bureau. Je dus faire une tête étrange ou tout du moins déconcertante car il se sentit obligé de se justifier.

- Tu vas comprendre, me fit-il.

Il tourna la poignée et me laissa faire les premiers pas, seule. La pièce était véritablement immense, toute en longueur, comme s'il s'agissait d'une galerie d'art. D'immenses bibliothèques ornaient les murs et, entre chacune d'elles, des pylônes en bois sculpté sur lesquels trônaient des objets placés sous de grands cubes de verre. Tout près de la porte il y avait son bureau avec, comme il m'y avait habitué, un bazar sans nom de paperasse étalé un peu partout, allant même jusqu'à en trouver sous sa chaise.

- C'est un beau bordel ! finis-je par lâcher.

- La maniaquerie c'est le boulot de Paul, le mien c'est de créer des cœurs, lâcha-t-il avec une certaine nostalgie en observant son univers. Il n'a pas le droit de pénétrer ici. Personne n'en a jamais eu le droit, ajouta-t-il en posant sur moi un regard lourd de sens.

Je me sentis tout à coup véritablement privilégiée que Charles accepte ma présence ici. Qu'il me fasse ce cadeau signifiait à la fois beaucoup pour lui, mais aussi beaucoup pour moi. Être à cet endroit, en cet instant, c'était comme fendre l'armure de Charles et pénétrer à l'intérieur pour venir se blottir contre sa peau nue, sans artifice, sans pudeur, sans faux-semblants. C'était le découvrir comme il était réellement, sensible, intelligent, travailleur et pudique.

Il m'invita à faire quelques pas de plus à l'intérieur et referma la porte derrière nous. Il n'y avait plus que nous et son monde, là à portée de mains. Je me dirigeais naturellement vers les objets exposés sous cloches et, en m'y rapprochant de plus en plus, je compris enfin de quoi il s'agissait.

- C'est un cœur artificiel ! soufflai-je d'émerveillement.

C'était la première fois que j'en voyais enfin un pour de vrai. Je ne vais pas mentir, je m'étais attendue à autre chose, mais l'exploit qui se tenait là, devant moi, était fascinant. J'avais le sentiment de faire partie de l'histoire et réalisai la chance que j'avais de pouvoir apprécier de mes propres yeux cette pièce unique. Le créateur de génie qu'était Charles vint se poster à mes côtés pour admirer cette merveille lui aussi.

- À vrai dire, c'est le premier cœur artificiel que j'ai conçu, précisa-t-il. Tu trouveras ici tous les prototypes que j'ai pu mettre au point, ajouta-t-il en me désignant les autres cœurs de la main.

Jetant un rapide coup d'œil à la pièce, j'en comptais au moins une bonne dizaine. La quantité de travail devait être colossale. En y regardant de plus près, je découvris avec amusement la progression de Charles, en passant d'un cœur rudimentaire à avec une véritable pièce de musée. Le dernier prototype était absolument remarquable. Je ne pourrais dire combien de temps je restais là à observer le miracle qui se présentait devant mes yeux. D'une forme absolument identique à un cœur humain, il était d'un blanc immaculé, extrêmement lisse et d'une brillance comparable à de la porcelaine. Il émanait de lui une telle majesté et une telle pureté que j'en eus presque les larmes aux yeux.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant