Durant toute la journée, Charles n'avait cessé de tenter de me tirer les vers du nez. Fort heureusement, il n'avait rien obtenu de moi, ni même de Mme Cheming qui prônait religieusement le secret professionnel. Il m'avait fallu un bon moment dans son cabinet pour reprendre mes esprits et sortir de là comme si de rien n'était. Néanmoins, je réussis à faire illusion et c'était tant mieux. Une fois de retour au manoir, Charles n'en avait pas fini avec les initiatives personnelles.
- Va mettre une tenue de sport, j'ai une surprise pour toi !
Il avait l'air tellement fier de lui que j'eus toutes les raisons du monde de m'inquiéter. Qu'est-ce qui lui faisait croire que les mots "surprise" et "sport" pouvaient me faire plaisir ? À vrai dire, je n'aimais pas vraiment le sport, je dirais même que je détestais ça. Je n'en pratiquais aucun et connaissant un peu les pratiques sportives de Charles, j'avais peur qu'il puisse s'agir d'un footing. J'avais une sainte horreur de courir, et pour cause, je courais n'importe comment. Quoi qu'il en soit, je n'avais pas vraiment le choix. Durant ces deux derniers jours il avait fait tellement d'efforts que je lui devais bien ça.
Comme je ne faisais jamais de sport, je n'avais pas non de tenue adéquate alors j'enfilai un vieux pantalon de jogging que j'enfilais le week-end quand je n'avais pas envie de m'habiller et un simple T-Shirt. C'était ce que j'avais de mieux pour me lancer dans une activité sportive jusqu'à ce que soudainement, je me rende compte que je n'avais pas de basket. Intérieurement, ce fut la danse de la joie car qui disait pas de basket disait pas de sport non plus. C'est en mimant la déception et les pieds nus que je rejoignis Charles dans le Hall d'entrée. Comme à son habitude il était magnifique, un véritable Dieu Grec.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi tu fais cette tête ? me questionna-t-il en me scrutant de haut en bas. Tu n'as pas mis ta tenue de Yoga ?
- Ah, euh non, je l'ai oublié,mentis-je pour justifier mon accoutrement. Je n'ai pas mes baskets non plus, je crois qu'on va devoir reporter notre séance de sport.
- Ce n'est pas grave, tu n'as pas besoin de baskets étant donné que j'ai prévu une séance de Yoga pour nous deux dans le jardin.
- Du Yoga ?
J'étais foutue. Combien de fois l'univers me fera des signes tel que celui-là avant que je comprenne qu'il fallait que j'arrête de mentir à tout va. J'allais encore me retrouver dans un sacré pétrin.
Avalant mon excuse bidon de vêtements et baskets oubliés, il m'attira à l'extérieur d'où nous attendait un homme devant lequel s'étalait deux tapis, l'un rose l'autre vert. Très vite, la séance vira au cauchemar pour moi. C'était la première fois que j'étais contrainte de tenir sur un pied et de me tordre dans tous les sens possibles et imaginables. Au bout de la deuxième posture, Charles ainsi que notre professeur me dévisageaient déjà d'un drôle d'œil. Forcément, si certaines d'entre elles étaient plutôt aisées comme" le chien tête en bas" ou bien "la montagne", d'autres demandaient un équilibre et une concentration que je ne possédais pas.
- Quoi ? me défendis-je face à leur regard insistant. J'ai dit que je faisais du Yoga pas que j'étais douée.
Cela fit beaucoup rire Charles, notre prof un peu moins. Au fil de la séance, je pris sur moi de faire les choses bien. Mon compagnon, que j'avais cru trop massif pour faire exceller dans cet art, était d'une grâce incroyable. Il enchaînait les postures avec une facilité déconcertante, même les plus improbables. À côté de lui, j'étais un bloc de béton.
Contre toute attente, cela me fit le plus grand bien. Je me sentais apaisée et libérée des tensions qui me nouaient l'estomac au quotidien. Je bus une grande rasade d'eau pendant que Charles remerciait notre professeur et l'attendis bien sagement sur mon tapis. Il vint s'allonger à mes côtés sur son tapis et prit une seconde pour apprécier le silence autour de lui.
- Je dois partir demain matin pour un grand séminaire, lâcha-t-il timidement plein de regret dans la voix.
- Oh, Je comprends. Tu dois donner une conférence ?
- Oui une seule. C'est plutôt une sorte de grande réunion qui a lieu chaque année et qui se déroule sur deux ou trois jours généralement. Il y a une multitude de conférences sur les dernières avancées technologiques et les progrès en matière de médecine.
Je regrettais qu'il doive une fois de plus me quitter. Entre nous ça commençait seulement à aller mieux et voilà qu'il devait déjà repartir. Je détestais me retrouver seule dans cette immense maison et à chacun de ses départs, les retours étaient généralement poussifs et peu naturels.
- Tu pars quand exactement ? lui demandai-je en jouant avec un petit morceau de bois que j'avais trouvé dans l'herbe.
- Demain matin ! J'aimerais que tu m'accompagnes !
Je crus avoir rêvé ses dernières paroles, mais il avait rouvert les yeux et m'observait avec insistance, attendant ma réaction.
- Tu veux que je vienne avec toi ? lui demandai-je confirmation.
- Pourquoi pas ! Tes cours sont terminés et chacun de mes départs ne nous a pas été très bénéfique. Tu pourrais m'accompagner si tu le désires.
Ma réaction ne se fit pas attendre. Je lui sautais au cou et il embrassa mon front avec tendresse. Une heure plus tard, je faisais déjà ma valise pour le lendemain, choisissant avec soin chacun des vêtements que j'allais porter. En ce moment, pour faire plaisir à Charles, j'étais de plus en plus féminine. Une fois que mes vêtements et mes affaires de toilettes furent sélectionnés avec soin, je m'emparai de mon pyjama pour le plier et le mettre à son tour dans ma valise jusqu'à ce que, soudain, j'eusse un doute. Allais-je vraiment emmener celui-là ?
Une idée folle me traversa l'esprit. Et si ces quelques jours loin de nos repères étaient le moment parfait pour tenter de fendre l'armure comme disait ma psy. Je me surpris à y penser comme étant une bonne chose, une chose dont j'avais envie. Et si ce voyage était l'occasion rêvée ? Je reposais mon pyjama sur mon lit et me dirigeai vers ma commode pour en sortir mes plus belles culottes en dentelles noires. Je me rassurai en me disant que ce n'était pas parce que je prévoyais le coup, que ça devrait forcément arriver. Je ne me mis pas la pression, mais je sentais quelque chose de différent en moi, comme un déclic. Du coup, c'était encore plus anxieuse que je refermai ma valise, consciente qu'il se passerait sans doute de grandes choses lors de ce voyage. Je ne croyais pas si bien dire.
À peine en avais-je terminé avec mes bagages que Charles pénétra dans ma chambre sans même se donner la peine de frapper.
- Je viens chercher ta valise pour la mettre dans l'entrée, s'expliqua-t-il devant ma mine accusatrice.
- C'est ça oui ! gloussai-je.
Il s'approcha de mon lit pour s'en emparer et jeta un coup d'œil interrogateur à mon pyjama, encore en boule sur mon dessus-de-lit. Il se tourna vers moi un sourcil levé.
- Tu n'as rien oublié ? me demanda-t-il.
Je savais très bien qu'il parlait de mon pyjama, de même qu'il savait que je n'en avais qu'un puisque c'est lui-même qui avait fait ma valise quand j'étais venue emménager chez lui après mon entorse. Je soutins son regard tant que je le pus, tâchant de ne pas paraître trop entreprenante au cas où je changerais d'avis à la dernière minute.
- Non ! me contentai-je de répondre avec certitude.
Charles eut un petit rictus et empoigna ma valise pour la soulever.
- D'accord !
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Cœur Artificiel
RomanceMaggie s'est toujours demandée pourquoi elle ? Avait-elle fait quelque chose qui justifiait ce qui lui était arrivée ? Sans doute que non ! La vie pouvait parfois être cruelle avec les plus faibles et ça elle l'avait bien compris. Ravagée de l'inté...