Chapitre 46

269 18 1
                                    


Je n'en revenais toujours pas d'avoir proposé à Charles Potens de vivre chez lui pendant quelques jours. Ce n'était qu'une fois m'être installée dans ma chambre que je réalisai enfin. J'étais à la fois ravie et terriblement nerveuse. Pour tenter de contrôler mon anxiété, je passai un petit coup de téléphone à Gabrielle. J'avais plusieurs petites choses à lui demander et plus que tout, je ressentais tout à coup le besoin pressant de tout lui dire. J'avais besoin d'entendre le point de vue d'une personne dont ma psychose ne payait pas les vacances d'été.

Charles m'avait installé dans une des chambres du rez-de-chaussée pour que je puisse être libre de me déplacer où bon me semblait. La pièce était magnifique et ne ressemblait pas trop aux autres pièces de la maison. Celle-ci était plus chaleureuse, plus vivante. Les murs étaient tapissés de fleurs roses discrètes que de tout petits oiseaux-mouches venaient butiner. La moquette était d'un blanc si éclatant qu'elle donnait le sentiment d'avoir été changé la veille. De superbes commodes habillaient délicieusement les murs. De gigantesques bouquets de fleurs fraîches dans un nuancier de rose magnifique trônaient si et là, parfumant la pièce avec tellement de délicatesse que, si on fermait les yeux quelques secondes, on pouvait avoir l'impression de se promener dans un jardin. Le lit, aussi somptueux que celui dans la chambre dans laquelle je m'étais réveillée un peu plus tôt était recouvert de draps vieux rose et d'un jeté de lit blanc tout en délicatesse.

À l'aide de mes béquilles, je me glissai jusqu'à lui et m'assis sur l'un des fauteuils tout près, reposant ainsi mon pied gauche sur le matelas. Je laissais tomber mes béquilles sur le sol et sortis mon téléphone pour appeler Gabrielle. Avec Charles, nous avions convenu que si Gab était d'accord, elle irait chez moi faire mes valises et que Paul s'y rendrait plus tard pour les récupérer.

Le téléphone sonna deux fois avant qu'elle décroche.

- Salut vieille poulette, scanda-t-elle le sourire audible. Quoi de neuf ?

- Salut Gab ! Ça pourrait aller mieux, tu vas vite comprendre. Est-ce que tu peux me rendre un service ?

- Bien sûr ? Tout va bien ?

- Oui ça va aller ! voulus-je la rassurer car je sentais le ton de sa voix se muer en inquiétude. J'étais chez Charles aujourd'hui et j'ai dévalé les escaliers, racontai-je pour ne pas avoir à lui dire toute la vérité.

- Mon Dieu tu n'as rien de cassé ? s'enquit-elle en laissant sortir le médecin en elle.

- Non juste une méchante entorse ! balayai-je bien que mon pied me fasse affreusement souffrir.

- Tu as vu un médecin ?

- Oui Charles a été parfait, il s'est occupé de tout, ça va aller.

- Ton pied est-il bien immobilisé ?

- Gab, ne t'inquiète pas ce n'est pas grand-chose.

- Arrête Maggie, tu n'es pas obligée de jouer les héros avec moi. Surtout n'hésite pas à prendre des antidouleur, ça ne sert à rien de souffrir par fierté.

Alors ça, je ne pouvais pas lui promettre. S'il y avait bien une chose que je détestais par-dessus tout, c'était de me bourrer de médicaments. Je préférais avoir un peu mal plutôt que d'empoisonner mon corps avec ce genre de trucs. Depuis ma tragique histoire, j'étais difficile à soigner car, pour moi, ressentir la douleur était un moyen comme un autre de me sentir vivante. Quelle drôle d'idée doivent penser les autres, mais je m'étais sentie trop longtemps morte de l'intérieur pour ne pas apprécier chaque occasion de me sentir plus vivante.

J'aurais très bien pu passer ma vie sous anxiolytique, mais à quoi bon ? La vie était-elle mieux quand on a le sentiment de ne plus rien ressentir ? Je voulais vivre pour vivre, pas pour survivre ou survoler mon existence sans que plus rien ne se passe jamais au fond de moi. J'avais depuis longtemps fait le choix de la souffrance pour me persuader que l'homme dont découlaient tous mes malheurs ne m'avait pas tué ce soir-là.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant