Chapitre 32

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- Tu comptes me laisser entrer ?

Au début j'étais d'avis de tenir bon, de ne pas lui laisser le temps de dire quoi que ce soit. Je voulais être forte, mais la douce mélodie qu'était sa voix mettait à mal ma plus petite trace de volonté. J'essayais de ne pas totalement céder et me contentai d'abord de lui adresser un simple regard.

Je n'aurai peut-être pas dû faire ça. Le front bas, les cheveux ébouriffés, voûté et tremblant, Charles me fit de la peine. Il était transi de froid et le couloir venteux dans lequel je le forçais à rester lui déclenchait bon nombre de frissons incontrôlables. Je ne sais pas si c'est ma grande faiblesse pour lui ou mon manque de volonté qui me fit céder, mais le fait est que je finis par lui laisser l'accès à l'entrée uniquement. En revanche, je ne pus me résoudre à fermer la porte. Je lus sur le visage de Charles à quel point il trouva ça curieux car, tandis que je m'engouffrai dans ma cuisine, il se retourna plusieurs fois pour l'observer.

- Tu ne fermes pas la porte ?

- Non ! De toute manière tu vas bientôt y aller, non ?

- C'est ce que tu veux ? Que je m'en aille ?

Sa question resta en suspens dans l'air quelques secondes. Entre-temps j'avais trouvé tout à fait naturel, alors que c'était stupide, de me mettre à faire la vaisselle. Les quelques tasses dans l'évier me servaient d'alibi, pensant bêtement que ça suffirait à lui montrer que j'étais occupée. Pathétique.

- Oui, je veux que tu t'en ailles ! finis-je par déclarer non sans trémolos dans la voix.

Je n'étais pas fière de moi, j'avais même terriblement honte, mais j'étais éreintée par cette situation. Je voulais juste ne plus avoir à me justifier, qu'on me mette sans cesse devant mes bizarreries ou face à mon incapacité à avoir une relation normale. Je voulais une vie sans drame.

Malgré mon ordre, il est vrai pas très ferme, je n'entendis pas Charles partir. Un énorme nœud dans le fond de ma gorge m'empêcha de formuler ma demande une fois de plus. C'est à peine si j'arrivai à avaler ma salive. Alors que j'attendais avec angoisse son départ, je sentis ses bras enserrer ma taille et son visage s'enfouir dans ma nuque. Je n'arrivais plus à me retenir.

Son corps était si chaud, son contact si agréable et ses bras si réconfortants que je ne trouvai pas la force de le repousser. Je n'en avais pas envie. Je partis dans une crise de larmes incontrôlable, laissant une de mes tasses retomber lourdement dans l'eau savonneuse. Je pleurais parce que j'aimais ce contact, que je l'aimais lui, mais que j'étais incapable de me laisser totalement aller et de lui faire confiance. Je me retournais pour lui faire face et m'agrippai avec désespoir à son cou, plus du tout d'accord pour qu'il s'en aille.

- Chut ! souffla-t-il tendrement en me caressant les cheveux.

Je dus pleurer trois bonnes minutes encore sans qu'il ne retrouve rien à y redire, frictionnant patiemment mon dos du plat des mains. À bout de forces, soulagée par l'odeur délicate de sa peau, je finis par sécher mes larmes.

- Je suis désolée ! m'excusai-je.

Il se décolla de moi et se dirigea vers la porte.

- Ce n'est pas grave, mais il faut vraiment qu'on parle, trancha-t-il en fermant la porte.

- Je n'y couperai pas si j'ai bien compris !

- Non !

Après ce petit moment de tendresse, il redevint sérieux et distant. Il se dirigea dans le salon et s'assit dans le canapé, attendant que je l'y rejoigne.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant