Chapitre 45

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J'ouvris un œil, la tête martelée de coups, le front glacé. Par réflexe, je mis ma main dessus et en ôtai un linge humide. Quelle drôle d'idée, pensai-je, moi qui avais si froid. Il ne me fallut que quelques secondes pour ressentir l'affreuse douleur vive qui s'élançait de mon pied gauche. J'émis un grognement de malaise lorsque j'essayai par réflexe de remuer les orteils. Je pris le temps de réaliser où j'étais, mais ne reconnus pas cet endroit, du moins, je n'y étais jamais venu. En revanche, le style m'était familier.

J'étais confortablement pelotonnée dans un lit baldaquin gigantesque en bois noir, sans aucun voilage, aux draps épais et doux couleur cuivre. Un nombre ridiculement élevé de coussin recouvrait une large tête de lit, dix peut-être plus. La décoration de cette chambre me rappela avec certitude celle de la maison de Charles, ce même côté sombre, strict et antidaté lui ressemblait bien. Sur le sol, une multitude de papiers s'étalaient à leur guise.

J'aperçus le haut de la tête de Charles, assis par terre, au pied du lit. Un large sourire illumina mon visage lorsque je compris qu'il était resté là, près de moi. Je tentais de me redresser et découvris avec horreur que je ne portais plus mes vêtements, mais un peignoir blanc en éponge. Je rabattis rapidement le col du peignoir pour protéger le peu d'intimité qu'il me restait. Où étaient mes vêtements ? Qui me les avaient ôtés ? Je rougis à la simple pensée qu'il puisse s'agir de Charles. Je sentis une petite once de chaleur m'envahir en imaginant ce dernier découvrir mon corps nu, mais aussi un malaise persistant dû à mon histoire. Une fois encore dans ma vie, je m'étais retrouvée dans une situation où mon état de faiblesse ne m'avait pas permis de défendre mon intimité, mon corps, mon âme. Je me sentis mal à l'aise devant cela, mais bizarrement, réussis à faire la part des choses.

Mes mouvements finirent par informer mon infirmier d'un jour que j'étais réveillée, mais contrairement à ce que j'aurais pu croire, il ne se pressa pas pour venir à mon chevet. Il se releva simplement et resta à bonne distance, à sa place.

- Salut, tentai-je d'articuler.

Qu'était-on censée dire dans ces moments-là ? Il m'avait quitté, j'étais venue le voir, il m'avait fermé la porte au nez, j'avais escaladé son mur pour qu'il accepte de me parler, j'avais failli mourir, il m'avait sauvé et maintenant tout ça était en suspens. Charles laissa tomber les feuilles qu'il avait dans la main sur le sol.

- Est-ce que ça va ? me demanda-t-il les mains dans les poches, penaud.

- Je ne suis pas sûre, grognai-je en me massant la tête.

- J'ai dû appeler un médecin, tu t'étais cogné la tête et tu as perdu connaissance.

- Ah ! soufflai-je un peu honteuse de lui avoir causé tant de soucis. J'espère que ça ne va pas devenir une habitude, tentai-je de faire de l'humour en repensant à cette fois où j'avais trébuché dans le couloir de la fac de médecine et m'étais cogné la tête là aussi.

- Le risque de traumatisme crânien est ridiculement faible. Le médecin pense plutôt que c'est la douleur à ta cheville qui t'a fait perdre connaissance. Tu avais besoin d'une surveillance constante alors je suis resté là. Tes médicaments sont sur la table de nuit, m'expliqua-t-il très calmement. Ton pied est immobilisé, tu as sans doute une très grosse entorse. Quelqu'un peu s'occuper de toi ?

- Je, je ne sais pas, bafouillai-je complètement désorientée par la tournure de notre conversation. Je pense pouvoir me débrouiller seule.

Était-on vraiment en train d'aborder un sujet aussi banal que celui-ci, alors qu'en réalité j'étais là pour une chose bien plus importante à mes yeux ? Je crois bien que oui.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant