Quand on s'engage dans les études supérieures, on s'attend à certaines choses à la fin. Pour les plus valeureux, c'est 5 ans de malheur. 5 ans à pleurer. À suer. À faire des nuits blanches pour des devoirs frôlant à peine la moyenne et puis au final, c'est un grand soulagement. 5 ans à se demander « Mais pourquoi je me donne autant de mal ? ». On se persuade qu'à la fin, le diplôme nous assure un boulot et que si l'on s'est autant torturé ces dernières années, c'est pour avoir un « bon » salaire.
Sauf que la réalité est toute autre.
On pleure, oui.
On travaille durement, oui.
On s'arrache les cheveux, oui.
Puis on finit dans la catégorie des sans-emploi.
Être diplômé ne signifie pas forcément avoir du boulot après.
Et c'était mon cas.
« - Toujours aucune touche ?
- Toujours rien. »
Je sais que Mathilde essaye de compatir à mon sort depuis quelques semaines et qu'elle évite, par respect ou par pitié, de me parler de son job de rêve dans l'agence de voyages dans laquelle elle bosse. Je l'envie.
Je me suis lamentablement écroulée sur la table de terrasse, regardant ma pauvre tasse de café tandis qu'elle abordait un sourire compatissant.
Mathilde la grande sœur.
« - Et tu as fait le tour de tout le monde ?
- Pratiquement...La plus part m'ont dit « on vous rappellera », mais ne le font pas et ne le feront jamais et les autres me regardent avec un air de dégouts comme si mon CV représentait un bout de papier toilette.
- Marguerite !
- Quoi ?
- Tu as une façon larmoyante de présenter les choses toi alors...
- Oui, mais véridique. Tu te rappelles de nos 17 ans ? Quand on cherchait un job pour l'été ? La plus part te disent « On prend que ceux ayant de l'expérience » mais ils ne comprennent toujours pas qu'on a JUSTEMENT besoin d'eux pour se faire de l'expérience. En gros, c'est un cercle sans fin et totalement vicieux. Je déteste le système actuel.
- Et tu as songé à appeler ta mère ? Elle pourrait t'aider non ?
- Jamais de la vie. Je n'ai pas envie de rester assise à un bureau pendant des heures à trier des papiers. J'ai assez donné comme ça. Je veux quelque chose de fun, quelque chose qui...qui me correspond.
- Pour une première fois, tu ne devrais pas être trop exigeante honnêtement. »
Parce que demander à faire le boulot de ses rêves, c'est trop demander ?
Je ne me suis pas cassé le cul durant ces dernières années pour finir au même rang qu'une machine à café !
« - Du coup...Tu te fais entretenir en attendant ? »
Pardon ?
« - Entretenir ? Je ne suis ni une vieille cougar, ni une fille de joie Mathilde. Ça me vexe que tu dises ça. Et pour ta gouverne : NON, je ne me fais pas entretenir, car j'ai encore ma rentrée d'argent habituelle avec mes bouquins.
- Bah voilà ! Ne dramatise pas trop. Tu sais, si ça se trouve, tu es complètement faite pour l'écriture et tu ne devrais faire que ça.
- Écrivain à plein temps ? Non merci, je me suiciderais avant. J'adore écrire, là n'est pas le problème et c'est vrai que j'ai des idées plein la tête, mais je veux un autre métier. Je veux une autre vie. Passer ma journée à taper à l'ordinateur, ce n'est pas amusant. Rien que deux heures suffisent à me rendre folle, même si mentalement je suis en excellente compagnie. »
Et malgré tous les personnages que j'ai pu inventer dans tous mes romans, aucun n'a su me contraindre à l'écriture au temps plein même si je mourais d'envie d'écrire des suites à chaque fois.
L'écriture n'est pas une obligation, un devoir.
C'est un don.
Écrire c'est facile, mais partager un sentiment, une impression, un message...Ça...C'est autre chose. Faire vivre l'aventure à d'autres, c'est autre chose et moi je recherche ça.
« - Donc tu es coincé ?
- Plus coincé qu'un bouchon de liège dans une bouteille de vin. »
Et je ne trouverais pas meilleure image que celle-ci. J'avais envie de m'y noyer d'ailleurs. Dans le vin.
Après mon déjeuner, je suis rentrée à la porte pour découvrir un William endormi sur le canapé, un manuscrit sur le visage, lui couvrant complètement ce dernier.
« - Et lui il dort... »
Je claque la porte derrière moi, l'air de rien tandis qu'il se réveille en sursautant, les lunettes de travers, les cheveux en pétard.
« - T'as de la bave...Juste là.
- Je ne t'ai pas entendu rentrer...
- J'ai vu ça. »
Je m'en vais déposer mes affaires dans ma chambre, me laissant lamentablement tomber contre mon lit.
Je présume que le moment de déprime arrive.
Honnêtement, je me demande ce que je peux bien faire maintenant.
« - Si j'étais ta meilleure amie, je te proposerais qu'on se siphonne la bouteille de vin blanc, qu'on se gave de glace jusqu'à en avoir mal au bide et qu'on se matte tous les films romantiques du moment...Mais je ne suis que ton... »
Que mon ?
« - Que ton colocataire donc...Tu veux sortir ? »
Ah.
Colocataire. Il continue de le dire, même après deux mois. Quand est-ce qu'il comprendra ?
« - Je ne sais pas...J'ai envie de m'enrouler dans ma couette et d'oublier le monde.
- D'accord. »
Il s'en retourne dans le salon tandis que j'écoute ses pas s'éloigner.
« Et juste au moment où j'étais bien tout seul, tu m'arrives comme un coup de poing sur la gueule. L'autoroute de ma vie filait tout droit devant notre rencontre est un accident. J'ai envie de crier comme un nouveau-né. De hurler comme un animal traqué. Que l'amour est violent ♫»
Je déteste quand il communique en musique comme ça. C'est trop facile pour lui. Il ne sait que trop bien choisir quel titre passer à quel moment précis.
« - JE TE DÉTESTE !
- Moi aussi je t'aime va ! »
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Le voisin de la chambre d'à côté - Tome 2
RomanceVie rythmée selon l'air des années 80', répliques cinglantes lancées au détour d'un couloir et super-héros dans la peau, Marguerite et William en sont à leur deuxième mois de collocation forcée et si tout semblait bien au début, il n'est jamais simp...