Malgré son bouquet de fleurs à la main, il ne m'était pas difficile de ressentir toute l'anxiété de William. Quelque part, ça me faisait rire de savoir que ma grand-mère lui faisait autant d'effet et il avait raison de trembler. Quand mamie parle, même le diable s'assoit pour prendre des leçons.
« - Poule mouillée
- Chut. Je n'ai ...pas peur.
- Dit-il la voix tremblante. Elle ne veut pas te manger non plus. On n'est pas dans Hansel et Gretel. »
Et au même moment, il esquisse un léger sourire me disant :
« - Non, mais je te mangerais bien moi.
- Eh bien, est-ce des façons de saluer sa future belle mamie ? Voyou va. »
J'éclate de rire tandis qu'il s'enterre un peu plus parmi les fleurs.
« - Entrez donc tous les deux. Vous n'allez quand même pas camper sur le paillasson.
- Tenez madame ! Des fleurs.
- Oh. Quelle douce attention William. Tu les mettras dans le vase pour la peine. »
On entre, déposant nos vestes sur le porte-manteau et tant de souvenirs de notre « première fois » me reviennent alors qu'on pénètre dans le salon. J'espère que cette fois-ci, grand-mère s'est calmée.
« - Bon alors les jeunes, qu'est-ce vous racontez de beau ? »
On commence par où ?
« - Oh tu sais, je t'ai déjà dit au téléphone qu'à présent William et moi travaillons ensemble, dans la même boîte.
- Je m'en rappelle bien oui... »
Elle s'approche alors de ce dernier avec son petit air suspicieux comme si elle cherchait la moindre trace d'une quelconque culpabilité d'un quelconque méfait.
« - Dis-moi William...J'espère que Marguerite est ton égale. Qu'elle est payée autant que toi. Qu'elle a les mêmes droits, les mêmes avantages. Il serait dommage que ce ne soit pas le cas ? Que la femme ne soit pas l'égale de l'homme...N'est-ce pas ?
- Tout...Tout à fait.
- Grand-mère, ne commence pas à l'embêter. Le pauvre.
- Bon. Ensuite ? Vous vous mariez quand tous les deux ? »
On se regarde, complètement perturbés. Je déteste les personnes âgées pour cette raison. Ils ont l'expérience de la vie, le vécu et ils savent très quand telle ou telle chose va se produire.
« - Mamie !
- Quoi ? Ta mère m'a bien dit que tu vivais avec non ? Vous vivez ensemble et vous n'êtes pas mariés ? C'est quoi cette histoire ?
- Je t'ai déjà dit que les mœurs avaient évoluées ! Tu n'écoutes jamais.
- Ouais bien sûr...La société « évolue » mais les femmes ont toujours moins de droits que les hommes. Hé toi là, petit vaurien...Tu attends quoi ? »
Bien sûr qu'il attend. La bonne occasion et sachant que je suis sur mes gardes pour l'instant, ce n'est pas pour de suite et il compte bien profiter de cela.
« - Bon. Passons à table.
- Tu nous a préparé quoi de bon mamie ?
- Des moules. William aime manger des moules apparemment. »
Grand-mère ! Un peu de retenue.
Le pauvre, s'il pouvait disparaître derrière la porte du salon, il l'aurait fait sans hésiter.
« - Quoi ?
- Tu te rends compte de ce que tu viens de dire ?
- C'est vrai, c'est un petit sous-entendu finement glissé. Je m'améliore hein !
- Cela n'a rien d'un « petit sous-entendu finement glissé ». C'était direct. Trop direct. Laisse donc William tranquille. Arrête de t'acharner sur lui.
- Oh parce qu'on ne peut plus rire ? Vous n'avez pas connu Mai 68 et la liberté sexuelle et tout ça vous les gamins...Ah ! La belle époque ! Vous jouissez d'une vie pour laquelle, nous, nous avons risqué les nôtres. Nous nous sommes battus pour tout ça ! »
Oui. Merci.
Nous en sommes reconnaissants, vraiment. Tous autant que nous sommes et c'est vrai, qu'il nous est difficile d'imaginer comment c'était « avant ». Toutes ces choses que l'on nous raconte et qui nous paraissent absurdes. C'est difficile et nous ne saurons jamais comment c'était. Nous ne pouvons qu'imaginer et encore...Je présume que même ça, c'est trop nous demander.
« - Vous savez, à mon époque, un garçon et une fille, l'amour, c'était quelque chose d'unique, de pudiques. On ne se montrait pas ou peu. C'était des petits bisous volés et puis...Et puis après le mariage. Ah le mariage ! C'était quelque chose. Fallait demander la bénédiction des familles et ...William, as-tu seulement songé à demander à la mère de Marguerite ?
- Disons que...
- JE LE SAVAIS ! FRIPPON ! POUR LA PEINE TU SERAS PUNI DE DESSERT ! »
Pauvre William.
Sincèrement, je compatis à son sort aussi triste soit-il.
On pouvait lire dans ses yeux « SOS : Sauvez moi de là. »
« - Bon, à table. »
On la rejoint à table et à peine ma grand-mère avait-elle vue William se mettre à côté de moi, qu'elle le dévisagea derrière ses petites lunettes avec un léger sourire.
« - Non mon chou, toi tu viens à côté de moi. Il faut qu'on parle. »
Je prierais pour son âme.
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Le voisin de la chambre d'à côté - Tome 2
RomanceVie rythmée selon l'air des années 80', répliques cinglantes lancées au détour d'un couloir et super-héros dans la peau, Marguerite et William en sont à leur deuxième mois de collocation forcée et si tout semblait bien au début, il n'est jamais simp...