Chapitre 13 ~ Marché aux bestiaux

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Le trajet jusqu'au village, bien qu'il ne prenne qu'une vingtaine de minutes, fut horriblement long. Personne n'a osé engager la conversation et d'un certain côté, heureusement. J'imagine mal Seb' et William parlant soudainement de « football » ou de « bricole » comme si de rien n'était.

Alors pour calmer le jeu ou pour faire tampon, Camelia nous avait laissé la radio.

« Alors aujourd'hui, point littéraire. Nous allons vous parler de « Fleur » et »... »

Il n'en fallut pas plus pour que William et moi, nous nous retournions brusquement l'un vers l'autre.

« Fleur ». Mon alias. Mon autre vie.

« - Vous faites une drôle de tête tous les deux. Vous aussi vous connaissez cette auteure ? J'ai lu tous ces bouquins !

- C'est pas celle qui écrit des livres cochons là ? Tu m'en avais parlé une fois je crois.

- Ce n'est pas « cochon » c'est érotique et sensuel. T'y connais rien toi de toute façon. »

Sébastien croisa les bras et s'enfonça dans son fauteuil, abordant alors cette moue boudeuse qu'ont tous les petits garçons insatisfaits.

Tandis que William et Sébastien s'occupaient de décharger la camionnette, Camelia et moi étions chargés d'installer l'étale pour chaque caisse de fruits ou de légumes. Curieux, certains passants nous regardaient avec de gros yeux ronds tandis que d'autres nous passaient allégrement devant, les bras déjà bien pleins.

« - Hé Marguerite !

- Quoi ?

- Tu crois qu'on les aide ? »

Je lève les yeux tandis que Camelia pointe la camionnette du doigt. Cette dernière était entourée de 5 mamies, bien trop en forme pour leurs âges, déjà aux prises avec les garçons. Elles me rappellent un peu Madame Jolop de l'immeuble.

« - Laisse-les donc se débrouiller »

Car après tout, ils étaient en si charmante compagnie que déranger un tel tableau me ferait mal au cœur.

Si Sébastien affichait toute la détresse du monde dans son regard, nous appelant à l'aide, William, lui, était parfaitement à son aise. Souriant, charmant, un poil taquin...Devrais-je être jalouse de mamie persil ?

Soudain, l'une d'entre elles se détache du groupe pour nous retrouver Camelia et moi devant le stand prenant forme petit à petit.

« - Excusez-moi ?

- Oui ? Bonjour, madame, que pouvons-nous faire pour vous ?

- Ils sont à combien vos deux spécimens là-bas ? »

Un fou rire nerveux m'échappe alors.

« - Ahahaha ! Ils ne sont pas à vendre malheureusement.

- Ce sont pourtant de belles bêtes.

- Certainement, mais ils ne sont pas à vendre madame.

- Vous êtes certaines ? Votre prix sera le mien. Vous savez à mon âge, on a besoin de compagnie...Les nuits sont fraîches »

Waw. Dévergondée la mamie.

Mais l'image que j'ai en tête ne me réjouit guère.

Cougar va ! Se faire un petit jeune comme ça, non mais oh...

« - Désolée madame, mais c'est toujours non.

- C'est dommage...le village manque clairement de jeunes hommes comme eux. Même à la location ?

- Madame !

- Oh ! Vous les jeunes alors... »

Elle repart vexée, faisant signe à sa troupe et tandis qu'elles commencent à s'éloigner petit à petit, les deux principaux intéressés d'une telle agitation finissent par nous retrouver.

« - J'ai bien cru passer à la casserole.

- C'est vrai que t'étais à deux doigts de te faire manger tout cru ahaha ! »

Camelia hilare, ne se remet toujours pas de la scène tandis que Sébastien mort de honte tente tant bien que mal de se cacher derrière les cagots.

« - C'est plutôt gentil de ta part de ne pas m'avoir vendu aux vieilles du village.

- Tu semblais pourtant à ton aise. Aurais-je dérangé quelque chose ?

- Pourquoi ? Quand bien même ça serait le cas ? Je ne te pensais pas jalouse.

- Moi ? Jalouse ? Ahahaha ! Du tout. »

« Jalousie » est un euphémisme.

« - Je ne pensais pas que la spéléologie c'était ton truc, c'est tout. »

Je reprends mon activité mine de rien sous les traits dégoûtés de William comprenant le rapport de mon sous-entendu. Bah oui...À cet âge-là...La petite fleur est déjà fanée depuis longtemps ! Il faut s'y attendre.

« - Tu sais que c'est complètement dégoûtant ce que tu viens de dire Marguerite ?

- Je m'en fiche, c'est vrai ! »

Qu'est-ce qu'ils croient les hommes ? Que les femmes restent jeunes à ce niveau-là ? Non, non. Ce n'est pas le cas.

« - Bon les amoureux, quand vous aurez terminés, vous pourrez peut-être nous filer un coup de main non ? Ça serait sympa !

- Ouais on arrive. »

Je passe à côté de William et posant ma main sur son épaule, je lui murmure tout bas :

« - Ça t'apprendra à aller voir ailleurs. »

Et toc !


Le voisin de la chambre d'à côté - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant