Chapitre 6 ~Ah l'bon vieux temps !

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Des fois, il nous arrive de penser à des choses sans importances. De nous poser des questions sans grande importance également, mais qui, sur le moment, nous semblent vitale. Comme un dilemme intérieur, une énigme que l'on tenait absolument à résoudre. Une réponse que l'on tenait à avoir.

J'étais actuellement dans cette phase-là. Complètement même.

Et ce, depuis que William a le nez plongé sur sa tablette.

"- Ça va ? Tu vois bien ? Tu ne veux pas une loupe aussi ?"

Il ne m'écoute pas. Ne prétends même pas m'écouter.

"- Allô la lune ici la terre !

- Quoi ? Je t'entends, tu sais ?

- Oui, tu m'entends, mais tu ne m'écoutes pas.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Pourquoi tu lis sur la tablette ? "

C'est vrai pourquoi ?

« - Je n'en sais rien, je préfère. Ça m'évite d'avoir 36.000 bouquins dans les mains je dirais. »

Dit-il alors que l'intégralité de ses livres a largement envahi mon espace vital. Oui, MON espace vital.

« - Tu sais que tu t'abîmes les yeux là ?

- C'est pour ça que j'ai des lunettes maman. »

Même. Je ne comprends pas.

Pourquoi les gens s'acharnent-ils à se fracturer la rétine de la sorte ? Lire sur des écrans minuscules alors que le papier, c'est vachement mieux. En plus, pas besoin d'avoir de la batterie pour lire.

« - Et puis de toute façon, tu écris bien sur un écran toi aussi non ? Quel est le mal à lire sur un écran ?

- Ah non ! Écrire et lire, ce n'est pas pareil.

- Je ne vois pas en quoi. Tu sais Marguerite, tu devrais vivre avec ton temps. Le numérique ça va bientôt dépasser le papier. Suffit de voir le nombre d'e-book qui sont publiés chaque année ! Niveau statistique, ça pète tout. Par contre, niveau impression papier...Toujours la même chanson. Les e-books ça poussent comme des champignons et si j'étais toi, je commencerais à réfléchir à une possible édition numérique de « Vanille & Chocolat ». Ça serait une bonne chose et avec un budget plus restreint, cela atteindra peut-être plus de monde. »

Ouais enfin, ce que j'écris n'est quand même pas destiné à « tout public » non plus.

Il se redresse du canapé, dégage ses lunettes afin de les suspendre à ses cheveux et me regarde d'un air tout fier, tablette sous le bras avant de me dire :

"- Je vais aux toilettes

- Je ne suis pas obligée de le savoir"

On dirait les petits qui crient « J'ai finis caca ! » alors que vous êtes en plein repas chez des amis. Pile au moment où il faut.

À croire que les enfants le font exprès. Qu'ils calculent le moment précis où vous serez en plein plat de résistance pour hurler ce genre de phrase à travers toute la maisonnée.

« - Marguerite ! »

Ah non ! Si c'est pour me dire « J'ai finis caca » c'est non !

« - Quoi ?

- Y'a plus de papier ! Tu peux m'apporter un rouleau ?

- Et ta tablette, elle ne peut pas t'essuyer les fesses ? »

C'est vrai, quitte à vivre dans « son temps » autant inventer aussi une petite chose pour nous essuyer les fesses, non ?

« - Très drôle !

- Et le mot magique alors ?

- S'il te plaît Marguerite.

- Bien. Bon garçon. »

J'attrape un rouleau de papier toilette sous le lavabo de la salle de bain avant de me pincer le nez et de m'approcher des toilettes.

« - Tiens.

- T'es mon héroïne ! Merci.

- Je sais. Tu n'oublieras pas de mettre un coup de bombe quand tu auras terminé.

- Quel doux message... »

Je m'éloigne en vitesse avant de mourir définitivement asphyxiée par l'odeur.

Il n'y aura jamais de main plus douce et de plus tendre que celle qui vous dépanne en cas de malheur comme celui-ci.

« - Au fait ! Tu veux faire un truc pour les vacances ? »

Oh, un mot que j'aime plus entendre que « je t'aime » et se positionnant juste après « buffet à volonté » : Vacances.

D'une oreille intriguée, je m'approche de la porte, curieuse d'une telle invitation.

« - Je ne sais pas. Tu veux faire un truc toi ?

- Si je te pose la question...On pourrait inviter tes deux potes là. La dernière fois c'est eux qui nous ont invités »

Théoriquement, ils n'ont invités que toi. Moi, je suis comme la brosse à dents, j'étais du voyage de base.

« - On pourrait aller voir ma famille si tu veux. Je sais que ma tante et mon oncle ont toujours de la place pour les vacances.

- Oh ? Ils font quoi ?

- Ils tiennent un gîte. C'est à la campagne et un peu paumé donc y'a pas grand-chose à faire, mais le coin est sympa.

- Moi ça me va.

- Ok, dans ce cas je tâcherais de proposer cela à Mathilde à Vincent. »

Même si je doute qu'ils viennent. Mathilde a horreur de la campagne. Pour elles les moustiques équivalent aux vampires modernes et dès qu'elle entend le feuillage s'agiter, elle est persuadée qu'un monstre va surgir. Un monstre de la taille d'un lièvre bien souvent.

Vincent, en bon citadin qui se respecte, lui, la campagne...Même pas en rêve. Dès qu'il voit un cochon déjà il l'appelle « saucisson » et une biche devient automatiquement « Bambi ». Ne me demandez pas pourquoi.

Je pense que je connais déjà d'avance leur réponse à tous les deux.

« - Ah ouais ! Carrément ! On est partants ! On part quand ? »

Finalement, je n'ai rien dit.

Aurais-je oublié de mentionner que le gîte est en réalité une ferme ?

Le voisin de la chambre d'à côté - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant