Chapitre 16 ~ Pierre, papier, ciseaux

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Il était vrai que mon séjour à la ferme m'avait grandement inspirée, mais ne dit-on pas que le vice d'un auteur est de ne pas écrire son idée de suite par peur de la perdre ensuite ?

C'est mon cas.

J'aurai dû m'écouter, j'aurais dû l'écrire, ou au moins sur un cahier ou un bloc-note ! Mais non ! A toujours remettre à demain ce que l'on peut faire dans la seconde...Bravo Marguerite, te voilà plantée face à ton écran d'ordinateur, fixant depuis vingt minutes le curseur clignotant noir sur la page blanche.

Le syndrome de la page blanche. Le voilà.

Ma plus grande peur. Ma phobie. Ma pire ennemie : la page blanche.

Si je n'étais pas une personne majeure et vaccinée, devant se comporter comme une adulte civilisée, je pense que je me jetterais par terre et je hurlerais en roulant partout.

« - AAAAAAHHHHHHH !!! »

Ce que je fis.

Au diable les codes de bonne conduite ! Pourquoi y'aurait-il des choses qu'il nous est interdit de faire sous prétexte que nous sommes de « grandes personnes » ? Je trouve ça ridicule. On devrait inventer déjà, je pense pour le bien de l'humanité, un quota de « râlage » par personne. Genre un droit à se plaindre ouvertement. D'une parce que se plaindre c'est bon pour le cardio et de deux...Parce que tout le monde se plaint à longueur de journée, mais c'est hyper chiant à écouter. On adore le faire, mais on déteste voir les autres le faire.

Paradoxe humain bonjour.

Soudain, j'entends la porte de l'appartement s'ouvrir et se refermer pour enchaîner sur un :

« - C'est moi ! »

Qui ça « moi » ? Le pape ?

« - Marguerite...Qu'est-ce que tu fais par terre ?

- Je marque mon empreinte sur la terre. Je suis en communion parfaite. Chut. »

Avec ça, pas étonnant qu'il me prenne pour une folle. Il va encore croire que je fume les pages de mon manuscrit tant ce dernier n'avance pas.

« - D'accord... »

Et au moment où il se retourne, prêt à m'abandonner à mon triste sort, me laissant par terre, je lui lance :

« - Faute de faire des câlins à quelqu'un, j'utilise mon quota amour avec le sol. Il est gentil le sol. Il est froid, mais pas trop. Il m'aime bien, lui. »

Tiens, prends-toi ça dans les dents. C'est pour tout ce que tu m'as fait ce matin !

« - Au moins, tu as un ami. C'est déjà ça. J'étais à deux doigts de t'acheter un paquet de Curly. »

Ou comment le vent me revient dessus tel un ouragan.

« - Tu vas me laisser par terre ?

- Pourquoi ? Tu ne m'as pas demandé à te relever.

- Je pensais que c'était évident.

- Je ne suis pas devin. »

Ok. Je présume que le point va définitivement dans son camp vu sa façon de me répondre.

Me relevant toute seule comme une grande, mains sur les hanches, je m'approche de lui tandis qu'il arque un sourcil interrogateur.

« - Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je me demande si t'as tes règles. »

Parce qu'il n'y a que ça qui peut expliquer son humeur du moment. Est-ce qu'il s'était passé quelque chose au boulot ?

« - Non, Marguerite, je n'ai pas mes règles. Tout va bien ! »

Dit-il en me repoussant légèrement tandis qu'il fait demi-tour pour s'enfermer dans sa chambre, alors que je le suis sans me poser de question.

« - Par contre, j'ai du travail. »

Et il me ferme la porte au nez, me laissant plantée devant son seuil.

C'est une blague, j'espère ?

Parce qu'il croit qu'il peut me claquer la porte au nez ?

Il ne voudrait pas cent balles et un mars en plus ?

Non.

Non.

Non.

« - William ! »

J'ai toujours rêvé depuis petite, de défoncer les portes à grand coup de pied, de faire une roulade à l'intérieur et de crier « FBI ! PLUS UN GESTE ! », mais je vais me contenter du classique :

« - Tu te prends pour qui ?! »

C'est fort, ça vient du plus profond de moi-même et si je n'étais pas une grosse feignéasse, j'y ajouterais des effets dramatiques.

« - Tu m'as fait peur ! Ne rentre pas dans la chambre des gens comme ça sans prévenir.

- J'ai prévenu...J'ai hurlé ton nom et puis ce n'est pas ta chambre, c'est mon bureau réaménagé, donc maintenant tu vas poser ton cul sur le lit et tu vas me dire ce qu'il y a avant que je ne me décide à jeter ton cadavre par la fenêtre du 5ème étage. »

Je ne sais même pas pourquoi je suis en colère. Je sais juste que je le suis. À dire vrai, ce genre de comportement me vexe un peu. Je ne lui ai rien fait et si ce matin, monsieur était d'humeur taquin, le voilà qui rentre et qui m'envoie promener sur les roses.

Hors de question que ça se joue selon ses règles.

« - Marguerite...

- C'est moi. Accouche, je perds patience.

- Si je te dis qu'il n'y a « rien », tu lâcheras l'affaire ? Surtout si c'est le cas, je suis juste fatigué, c'est tout.

- Et mon cul c'est du poulet ?

- Tu ne lâches dont pas ?

- Nop ! Je t'attends.

- Mais je viens de te dire que...Bon tu sais quoi ? Réglons ça comme des adultes. Sans s'énerver. Sans se crier dessus...

- Je suis d'accord. Réglons ça...

- Avant qu'il ne soit trop tard.

- Exactement. Soyons deux grandes personnes.

- Totalement. C'est ce que nous sommes après tout

- Entièrement d'accord.

- Bon...Dans ce cas.

- Dans ce cas...»

On se dévisagea quelques secondes avant d'hurler en même temps :

« - Pierre ! Papier ! Ciseaux ! »

Oui, nous sommes des « adultes » et nous l'assumons pleinement.

Le voisin de la chambre d'à côté - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant