Even avait mangé lentement, trop lentement. Si lentement que, quand il sortit enfin du fast-food, il était déjà quatorze heures passées. Il n'avait même pas vu le temps passer, trop plongé dans ses pensées. Il envahissait son esprit, sans arrêt, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Even essayait, tout le temps. Il essayait de le sortir de son crâne, depuis le jour où il l'avait aperçu pour la première fois, qui n'était en vérité que mardi dernier, soit quatre jours plus tôt. Mais, malgré les efforts fournis, il n'y arrivait pas. Il ne savait pas comment ni pourquoi cet inconnu occupait constamment ses pensées mais, apparemment, ce dernier était bien déterminé à ne pas les quitter de sitôt, comme s'il y était implanté.
Ce fut doucement qu'Even rentra chez lui. Ses pieds frôlaient le goudron, ses yeux le regardaient comme s'il fut d'une quelconque beauté. La motivation qu'il ne possédait déjà pas ce matin était encore moins présente maintenant. Sans qu'il ne sût réellement pourquoi, il n'avait plus envie de rien. Ça n'arrivait que très peu, pour ne pas dire jamais. Mais, autant penser au mystérieux blond lui avait faire prendre conscience de son inaccessibilité. On aurait dit qu'il était impossible pour Even de lui adresser un simple mot, comme si une peur le retenait. Pourtant, il le voulait. Il le voulait vraiment. Mais il sentait au plus profond de lui que l'autre garçon ne voulait pas de sa compagnie, ou de celle de quiconque.
Quand lui était triste, il repoussait tout le monde, qui que ce soit. Il détestait qu'on le réconforte. Il ne voyait là que pitié. Ne pouvait-on pas le laisser tranquille cinq secondes ? Ça allait passer, il fallait juste lui laisser un petit peu de temps, il allait se calmer et ses larmes cesseraient de couler.
Pourtant, tout semblait différent avec lui. Even avait bien ce pressentiment qu'il le repousserait, mais il ne voulait pas abandonner. Il voulait le bien de l'inconnu, il voulait qu'il aillât mieux. Il le voulait vraiment. Mais il avait peur. Cette petite appréhension au cœur de son être. Cette appréhension d'être rejeté. Even se sentirait mal, si le garçon le rejetait. Eh oui, dans ce corps emmitouflé d'un sweat-shirt gris se trouvait une âme sensible. Il avait peur du rejet. Il avait peur de ne pas être à la hauteur des espérances. Il avait peur de ne pas être assez bien. Et notre grand blond ressentait d'autant plus cette peur depuis que l'inconnu était au cœur de ses projets.
Even trouvait ça étrange, de ne se rendre compte de tout cela que maintenant. Qui était ce garçon pour s'immiscer dans sa vie de la sorte ? Il n'avait rien demandé, rien du tout. Il ne souhaitait que vivre une vie normale. Il ne souhaitait que vivre heureux. Et cet inconnu était en train de gâcher ses plans petit à petit, sans même s'en rendre compte. Even le détestait pour ça, pour être constamment dans sa tête, pour envahir sa vie. Il n'était pas préparé à vivre ce genre de choses. Il n'avait jamais même désiré vivre ce genre de choses. Il ne voulait qu'une chose : reprendre une vie normale, sans le visage du blond imprimé sur sa rétine.
Even était resté allongé dans son lit à regarder des films tous plus tristes et niais les uns que les autres tout le reste de l'après-midi. Mikael l'avait appelé une dizaine de fois au moins, mais jamais il n'avait répondu. Il ne voulait pas répondre. Il ne voulait pas que quelqu'un entendît ses sanglots.
Il ne pleurait pas parce que ces films qu'il regardait étaient tristes. Non, ce n'était qu'une excuse, un mobile à ses larmes. En vérité, il ne s'agissait que de ses nerfs qui lâchaient. Il était épuisé, totalement dépassé par les événements récents. Pourtant, rien de grave ne se passait. Et Even s'en voulait de pleurer pour cela alors que des milliers de personnes connaissaient une douleur bien plus importante que la sienne.
Quand l'heure de se rendre au café arriva enfin, Even sentit son cœur s'emballer. Les pulsations s'enchaînaient, au même rythme que ses mouvements alors qu'il changeait sa tenue afin qu'il fût plus présentable. Il savait qu'il allait passer devant le parc. Il savait que, là, il interpellerait le garçon. Il avait cogité l'après-midi entier, se demandant quoi faire. Et il avait pris sa décision. Il allait faire le premier pas. Pour de vrai, cette fois. Il s'était juré de le faire.
Alors, il sortit de chez lui, marcha, marcha, marcha, vit le parc quelques mètres plus loin, marcha, marcha, aperçut le blond, marcha encore une fois, ouvrit le portail rouillé ce qui émit un bruit horrible qu'il aurait aimé ne pas faire car l'inconnu releva la tête. Even referma le portail, recréant ce son insupportable, puis leurs regards se croisèrent. Le grand blond hésitait à avancer, mais il se souvint de la promesse qu'il s'était faite plus tôt et il avança. Pas après pas. Il avait l'impression que la scène qui se produisait autour de lui était en slow motion. Puis il s'assit à côté du blond. Personne ne parla pendant quelques secondes, peut-être minutes. Mais les yeux de l'un ne quittaient jamais les yeux de l'autre.
« Even Bech Nasheim.
— Isak Valtersen. »
Cet Isak allait rester dans ses pensées pendant un long moment, on dirait.
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That Boy | Evak
FanfictionEven Bech Næsheim était un jeune homme des plus banals : il avait des amis avec qui il aimait traîner, un petit boulot qui lui permettait de payer son loyer et ses études, une ex-petite-amie... Tout allait plus ou moins bien dans sa vie. Enfin, c'ét...